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5 février 2019

Que retenir des mesures du rapport 2018 sur l’accès aux droits et aux soins des personnes en situation de précarité ?

Par lettre de mission du 9 avril 2018, le Gouvernement a confié au Dr Philippe Denormandie, membre du conseil d’administration de la CNSA1, et à Mme Cornu-Pauchet, Directrice du Fonds CMU-C, le soin d’élaborer un rapport sur l’accès aux droits et aux soins des personnes en situation de handicap et des personnes en situation de précarité.

Mobilisant les travaux existants, la mission a opté pour une consultation large des acteurs œuvrant pour l’accès aux droits et aux soins et des personnes en situation de précarité et de handicap. C’est à ce titre que la Fédération des acteurs de la solidarité a été auditionnée et a orienté les travaux des rapporteurs vers le Conseil national des personnes accueillies et accompagnées (CNPA).

Transmis au Parlement courant septembre 2018, le rapport émet 12 principales recommandations et 42 propositions concrètes dont certaines font déjà l’objet de mesures dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et de la stratégie de lutte contre la pauvreté.

Les propositions du rapport s’articulent autour de quatre principes : redonner une place centrale à l’individu, inverser le modèle en généralisant la démarche du « aller vers », repenser la responsabilité et l’implication de l’ensemble des acteurs et favoriser des solutions qui s’intègrent dans le droit commun.

Rendre effectif le droit à une couverture de santé

Le rapport préconise tout d’abord de rendre automatique l’ouverture du droit à une couverture santé et son renouvellement pour des populations qui ont du mal à accéder aux droits par :

  • l’optimisation du partage des données entre les différents opérateurs de la sécurité sociale pour identifier les personnes fragiles éligibles à une couverture santé
  • l’attribution automatique et le renouvellement des droits à la CMU-C aux bénéficiaires du RSA socle

→ la stratégie pauvreté annoncée le 13 septembre dernier a repris la proposition de renouvellement automatique des droits à la CMU-C pour les bénéficiaires du RSA (mais pas d’automatisation prévue lors de l’attribution)

  • un renouvellement automatique de l’ACS pour les allocataires ayant l’AAH comme unique ressource

Ayant par ailleurs observé une hétérogénéité importante de l’instruction du droit à l’aide médicale d’Etat , la mission recommande :

  • d’attacher une vigilance particulière au respect des pièces justificatives demandées dans les Caisses primaires d’assurance maladie concernant la régularité de séjour et la stabilité de résidence
  • d’harmoniser l’instruction de l’AME à la faveur de sa centralisation sur 3 CPAM en 2019
  • de mettre en place des comités de suivi entre l’Assurance maladie et les associations
  • de développer une carte AME numérique, sécurisée et compatible avec les terminaux de l’assurance maladie sur le modèle de la carte vitale pour lutter contre le refus de soins dont sont victimes les personnes en situation irrégulière
Rendre les soins financièrement accessibles

Lever les barrières financières d’accès à la santé en offrant aux personnes fragiles une couverture protectrice sans restes à charge constitue une autre proposition centrale du rapport. L’extension de la couverture CMU-C aux personnes éligibles à l’ACS (création de la Couverture Maladie Universel dite « contributive ») inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale 2019 répond à cet enjeu. Elle permettra à des personnes particulièrement vulnérables (en situation de handicap allocataires de l’AAH ou retraités percevant le minimum vieillisse) d’accéder gratuitement à des soins ou dispositifs médicaux pour lesquels elles ont aujourd’hui des restes à charge potentiellement élevés.

Faciliter l’accès à la santé : « aller vers »

Les auteurs proposent de généraliser la démarche du « aller vers » au moyen notamment :

  • de l’amélioration de la connaissance par les acteurs du système PFIDASS, encore trop méconnu, et d’inclure les personnes en situation irrégulière au dispositif
  • du référencement d’outils d’aide à la communication pour faciliter l’accès aux soins (ex : l’application « santé BD » ) et de soutenir des initiatives comme le coffre-fort numérique (service sécurisé en ligne permettant aux personnes de conserver leurs documents administratifs et ou personnels d’y accéder sur internet)
  • de renforcer l’accompagnement des professionnels de santé par l’assurance maladie (mise à disposition d’indicateurs et accès à des informations pour les sensibiliser au repérage des personnes en situation de précarité et à la manière d’aborder les questions de précarité
  • de soutenir les dispositifs PASS et Equipes mobiles psychiatrie précarité et augmenter significativement le nombre de places disponibles en Lits d’accueil médicalisés, Lits halte soins santé et Appartement de Coordination Thérapeutique
  • enfin, la mission insiste sur les enjeux liés au refus de soins et propose de réunir des comités départementaux élargis à l’ensemble des acteurs impliqués dans la lutte contre le refus de soins (CNAM, Défenseur des droits, associations, conseils départementaux des ordres) dédiés à l’examen et la résolution des situations de refus de soins.
Mieux valoriser les spécificités de la prise en charge des personnes en situation de précarité

Par ailleurs, faciliter l’accès à la santé passe pour les co-rapporteurs par une amélioration de la valorisation du temps et de la complexité de la prise en charge des populations concernées, en ville comme dans les structures sanitaires et médico-sociales : la mission préconise par exemple la mise en place d’indicateurs simples (sur le modèle de ceux existants) et construits à partir du nombre exhaustif de patients en situation de précarité accueillis par les établissements, intégrant les patients qui n’ont pas de droits ouverts à une couverture santé (notamment dans les hôpitaux).

Assurer un pilotage efficient de la santé de la population à tous les niveaux

Enfin, les auteurs recommandent de renforcer le pilotage de la santé à tous les niveaux par l’intégration d’indicateurs de suivi de la santé de ces populations dans la certification et l’évaluation des établissements sanitaires et médico-sociaux et dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) et la mise en place d’observatoires nationaux de la santé de ces populations (comme un observatoire de l’accès aux droits et à la santé des migrants précaires par exemple).

La mission recommande aux pouvoir publics d’intégrer ces propositions aux politiques publiques et d’en assurer un suivi, notamment dans le cadre du comité de pilotage ministériel sur l’accès aux soins qui se réunira chaque semaine et qui pourrait intégrer le suivi des difficultés propres aux personnes en exclusion.

1 Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie