Favoriser la réinsertion des personnes sous main de justice

Favoriser la réinsertion des personnes sous main de justice

Introduction

La prison marque une rupture brutale avec la société pendant la détention (rupture sociale, économique, professionnelle, résidentielle…), mais également lors de la sortie, qui n’a pas toujours pu être préparée pour diverses raisons : impossibilité d’accès aux services publics de l’insertion, courtes peines ne laissant pas le temps aux personnes de s’entretenir avec leurs conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, surcharge de travail des personnels en SPIP, absence globale d’accompagnement social… Or une peine de détention, même courte, laisse le temps à la personne d’en subir les effets désocialisants : perte d’emploi, perte de logement ou de la place d’hébergement, perte de liens sociaux ou familiaux, suspension de droits parfois longs à réactiver… Le passage en détention fragilise donc les personnes incarcérées, par ailleurs souvent en situation précaire avant leur condamnation, d’autant que 80 % des personnes détenues sortent dans le cadre d’une sortie dite « sèche », sans aménagement de peine ni accompagnement.

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CONSTATS
  • 161 427 personnes suivies en milieu ouvert (chiffres DAP – mars 2019).
  • 82 854 personnes sous écrou dont 71 037 personnes détenues et 11 817 non détenues (chiffres DAP – août 2019).
  • Le nombre de personnes en détention n’a cessé d’augmenter ces dernières années.
  • Beaucoup de personnes détenues sont dans une situation de grande précarité avant leur entrée en prison.
  • La prison a un fort effet de rupture. Le passage en détention est également un facteur aggravant du risque d’exclusion à la sortie.
POSITION

Pour la Fédération des acteurs de la solidarité, la prison ne peut être considérée comme la seule sanction acceptable par la société. Il est essentiel de développer les peines exécutées en milieu ouvert et aménagements de peine afin de permettre que soit évité un passage en détention et préviennent des effets délétères qu’il produit sur les personnes incarcérées et de proposer des conditions dignes d’incarcération avec un accompagnement social global dispensé tout au long de la peine pour prévenir toute situation de rupture en sortie de détention, dont le risque est accru pour les personnes en situation précaires au moment de l’incarcération et/ou dont la situation financière et sociale se dégrade en cours d’incarcération.

Les adhérents de la Fédération accompagnent des personnes sorties de détention et des personnes dans le cadre d’aménagements de peine ou d’alternatives à l’incarcération, notamment en placement extérieur. Il peut s’agir d’établissements spécifiquement dédiés à l’accompagnement de ce public ou d’associations généralistes qui accueillent toute personne en situation de précarité.

PROPOSITIONS

Éviter la rupture que peut constituer la prison en développant les aménagements de peine et peines exécutées en milieu ouvert

Les peines exécutées en milieu ouvert et les aménagements de peine peuvent permettre que soit évité un passage en détention et préviennent des effets délétères qu’il produit sur les personnes incarcérées. L’aménagement des peines favorisent également une sortie de détention encadrée et accompagnée par le SPIP et/ou les associations du champ de l’insertion. Aussi, le développement des aménagements de peine doit être très fortement encouragé, à l’instar du placement à l’extérieur.

Pour en favoriser le prononcé, la mise en œuvre de ces mesures doit pouvoir être assurée dans des conditions adaptées aux obligations et besoins des personnes condamnées, ce qui implique différentes évolutions :

  • Améliorer la connaissance des magistrats et des SPIP des différents lieux d’accueil, modalités d’accompagnement social et prestations proposées par les établissements accueillant des personnes en aménagement de peine, et leur permettre  d’avoir de la visibilité sur les places disponibles ;
  • Permettre le maintien de places d’accueil et d’un accompagnement de qualité à travers le financement suffisant et sécurisant pour les structures qui les portent.

Préparer la réinsertion sociale des personnes à la sortie de détention en mobilisant un accompagnement social global tout au long de la peine

  • Améliorer les conditions de détention et garantir l’accès effectif aux services publics d’accès aux droits, aux soins, au travail, à une formation, à des activités culturelles ou sportives…
  • Ouvrir le droit du travail aux personnes détenues et développer l’IAE en détention mais également à la sortie de détention
  • Préparer le plus tôt possible les sorties de détention et renforcer les moyens d’intervention des SPIP afin de leur permettre de pouvoir garantir aux personnes détenues un accompagnement durant toute la période d’exécution de la peine
  • Renforcer les liens partenariaux entre les SPIP et les acteurs coordonnant l’accès aux dispositifs de veille sociale et d’hébergement/logement, en particulier les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) (notamment via la mise en œuvre de conventions SPIP/SIAO).
  • Favoriser la rencontre, en détention et/ou lors de permission de sortir, des personnes incarcérées avec les associations susceptibles de les accueillir, de les héberger et de les accompagner au moment dans leur sortie de détention. Cela permet à la personne de prendre connaissance des modalités d’accompagnement et d’hébergement proposées, ce qui lui permet de se prononcer sur ses souhaits et l’aide à se projeter. Cela permet également que soit débuté durant la période d’incarcération un accompagnement social complémentaire au travail du SPIP.
  • Prévenir les ruptures de parcours des personnes sortant d’institutions en soutenant le développement des dispositifs expérimentaux d’accès au logement ou à l’hébergement pour les personnes sortant.es de détention, public spécifiquement identifiés comme prioritaires dans le plan quinquennal Logement d’Abord.

Coordonner les interventions des différents acteurs intervenant auprès des personnes placées sous main de justice (associations du secteur de l’insertion, services pénitentiaires d’insertion et de probation, service public de l’emploi,  conseil départemental, métropole)

  • Créer un service de coordination territoriale pour l’insertion des personnes placées sous main de justice, qui pourrait notamment permettre d’assurer la continuité du suivi des personnes entre le milieu ouvert et le milieu fermé.

Améliorer la prise en compte les besoins des personnes placées sous main de justice en intégrant les SPIP dans les différentes instances d’élaboration des politiques publiques de lutte contre l’exclusion

  • Permettre la participation des service pénitentiaires d’insertion et de probation aux instances d’élaboration des politiques publiques de lutte contre l’exclusion comme les pactes territoriaux d’insertion (PTI), l’offre de formation des demandeurs d’emploi, l’offre d’insertion par l’activité économique, les plans départementaux pour l’accès au logement et à l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) et l’action des Services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO).
RESSOURCES

Rapport « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison », par Emmaüs France et le Secours Catholique avec la contribution de la FAS

Guide pratique de l’accueil et de l’accompagnement des personnes sortant de prison ou sous main de justice  

Décryptage – loi de programmation et de réforme pour la justice 2018-2021: quels changements pour les personnes placées sous main de justice et pour les structures qui les accueillent et les accompagnent ?

Du dedans au dehors : Vécu carcéral, « choc » de la libération et continuité des soins – Emilie Edelman

Avis du CESE – La réinsertion des personnes détenues : l’affaire de tous et toutes

Renforcer l’insertion socio-professionnelle des personnes sous main de justice : contribution d’Emmaüs France et de la Fédération des acteurs de la solidarité aux travaux du Conseil de l’inclusion de l’emploi

Projet de loi de programmation et de réforme pour la justice 2018-2022 : note de positionnement

Analyse juridique – Travail en prison : quelles perspectives ?

Résultats de l’enquête SIAO et justice

Guide pratique pour l’accueil en association des personnes placées sous surveillance électronique

F, le magazine de la Fédération des acteurs de la solidarité, n°3, « La prison, et après ? » – 2013

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