08 octobre 2024
21 janvier 2020
Une circulaire du 27 décembre 2019 portant sur la gestion du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des bénéficiaires de la protection internationale a été publiée en ce début d’année 2020. Elle est signée par le directeur général des étrangers en France et est adressée aux préfets de région et de département. Malgré l’absence de création de places au sein du dispositif national d’accueil (DNADNADispositif National d’Accueil) en 2020 et le fait que seul un demandeur d’asile sur deux y est hébergé, la circulaire insiste sur des objectifs de fluidité et de limitation des présences indues au sein des structures du DNADNADispositif National d’Accueil. La fluidité prônée par cette information risque cependant d’alimenter les campements et d’éloigner les personnes sans-abri en situation de détresse des dispositifs d’hébergement d’urgence généraliste, auquel elles ont, et c’est inscrit dans la loi, un accès inconditionnel.
En 2019, 50% des demandeurs d’asile ont pu bénéficier d’une prise en charge au sein du dispositif national d’accueil. Cette statistique a été revue à la baisse par rapport aux prévisions annoncées dans le projet de loi de finances 2020 qui visait un taux de 52%. Toutefois, comme cela était indiqué dans ce même projet de loi, aucune création de places au sein du DNADNADispositif National d’Accueil n’est programmée.
Les nuitées hôtelières utilisées pour héberger des demandeurs d’asile et financées à ce titre par le programme 303 du budget de l’Etat devront être plafonnées. La circulaire définit par région un montant maximal qui ne pourra être dépassé pour héberger des demandeurs d’asile à l’hôtel. Ces places hôtelières devront être intégrées au sein du logiciel [email protected], ce qui implique que les associations gestionnaires devront signer une convention avec l’Ofii, qui gère les entrées et les sorties au sein du DNADNADispositif National d’Accueil.
La circulaire mentionne que les places de nuitées hôtelières devront être transformées en places HUDA, sans toutefois préciser selon quelles modalités. Il convient par ailleurs de souligner que l’application des règles de l’HUDA au dispositif hôtelier n’est, en l’état actuel de la législation, pas envisageable.
La finalisation de la transformation des places CAO en places HUDA, déjà entamée, devra être finalisée dans le premier semestre de l’année 2020. Ces transformations impliquent des baisses de financements significatives, avec des coûts par place et par journée passant d’une moyenne de 23 euros à 17 euros pour les premières années, puis à un objectif de 16,38 euros.
La signature de conventions pluriannuelles pour les HUDA, ainsi que de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), portant sur des CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile, des CPHCPHCentre provisoire d’hébergement, et intégrant même des HUDA, est encouragée. Cependant, il est à noter que les conventions pluriannuelles des HUDA comportent des clauses relatives à des sanctions financières ou des indicateurs de performance liés aux taux de présences indues des bénéficiaires de la protection internationale comme des personnes déboutées de leur demande d’asile dans ces lieux. Tandis que des minorations budgétaires sont prévues pour les CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile, les conventions des HUDA font désormais l’objet de pénalités financières très précises calculées par semestre et allant de 2% à 6% du solde de la subvention à verser. Ces nouvelles clauses, qui apparaissent incompatibles avec le régime de la subvention, conduisent à sanctionner les gestionnaires de ces lieux d’hébergement qui n’auront pas remis à la rue des personnes qui sont pourtant sans solution d’hébergement ou de logement à la fin de leur procédure d’asile.
La Fédération des acteurs de la solidarité insiste sur la nécessité de créer des places au sein du DNADNADispositif National d’Accueil afin de permettre à l’ensemble des demandeurs d’asile et des bénéficiaires de la protection internationale d’être hébergés et de bénéficier de l’accompagnement auquel ils ont droit. Par ailleurs, elle réitère son attachement au modèle du Centre d’accueil pour demandeurs d’asile, dont les prestations et les financements plus élevés permettent un accompagnement plus adapté que les HUDA.
D’après la circulaire, l’accès des demandeurs d’asile aux dispositifs qui leurs sont dédiés doit être amélioré. Néanmoins, elle constate que les Centres d’accueil et d’examen des situations ne remplissent pas leurs objectifs : le séjour moyen constaté en dehors de l’Ile-de-France a été de deux mois. Il est donné comme objectif aux préfets de veiller à ce que les personnes accueillies au sein des CAES soient des personnes souhaitant déposer une demande d’asile et de garantir une rotation des places. Ces deux éléments favoriseront une sélection accrue à l’entrée de ces centres, ainsi que des remises à la rue plus fréquentes.
Au-delà de rappeler les dispositions relatives aux transmission de listes des demandeurs d’asile et BPI hébergés au sein des dispositifs d’hébergement d’urgence par les SIAOSIAOSystème intégré d’accueil et d’orientation à l’Ofii (voir à ce sujet l’analyse de la Fédération), l’information précise encore, que les règles relatives aux présences indues s’appliquent désormais aux personnes accueillies dans le dispositif hôtelier, relevant du DNADNADispositif National d’Accueil comme de l’hébergement d’urgence généraliste, et que « l’hébergement indistinct et indéfini est […] à proscrire ». Elle rappelle que les déboutés ont vocation à être éloignés du territoire et que les réfugiés peuvent être orientés si besoins vers le logement ou un hébergement spécifique. La FASFASFédération des acteurs de la solidarité souligne que l’accès à l’hébergement d’urgence généraliste est inconditionnel, que toute personne en situation de détresse, quelle que soit sa situation administrative, peut y recourir et que, faute de solution, elle doit pouvoir se maintenir dans le dispositif hôtelier.
Les centres DPAR, originellement destinés à héberger des personnes ayant fait une demande d’aide au retour volontaire (ARV) et à les accompagner dans leur projet de retour au pays, sont introduits comme un outil au service de la fluidité au sein du DNADNADispositif National d’Accueil. En effet, ils sont présentés dans la circulaire comme destinés à faciliter l’éloignement de l’ensemble des personnes en situation irrégulière assignées à résidence, et non plus des seules personnes déboutées de l’asile ayant demandé à bénéficier de l’ARV. Ces dispositifs, qui n’ont pas de base légale, seraient dès lors amenés à changer entièrement d’objet. La Fédération des acteurs de la solidarité s’inquiète vivement du changement de périmètre de ces structures et de leur transformation en centre de personnes assignées à résidence en vue de leur éloignement contraint.
Enfin, la circulaire promeut l’assignation à résidence des personnes placées sous procédure Dublin ainsi que les interpellations par les forces de l’ordre dans le cadre de la visite domiciliaire (soit après autorisation du juge de la détention et des libertés) des personnes ayant reçue une décision de transfert ou une OQTF.
L’information demande, plus généralement, à ce que l’ensemble des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile (CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile/HUDA) soient mobilisés « dans les délais impartis » pour permettre l’effectivité des éloignements des personnes déboutées du territoire. A cet effet, elle précise que les préfets devront rappeler à l’ensemble de leurs partenaires (dont les équipes des centres d’hébergement) les procédures de sortie, d’éloignement et de retour. La FASFASFédération des acteurs de la solidarité s’inquiète des évolutions des missions du travail social telles qu’elles sont implicitement présentées dans cette circulaire. Les intervenants sociaux ne sauraient en effet se substituer aux forces de police et à leurs missions de contrôle.
Bien que les effectifs humains dédiés à l’Ofpra soit renforcés en 2020, la diminution des délais sur laquelle mise le gouvernement pour accélérer le nombre de sorties du DNADNADispositif National d’Accueil, et donc augmenter le nombre d’entrées au sein du dispositif, n’aura pas lieu en 2020. En effet le PLF 2020 indique que le délai de traitement moyen à l’Ofpra espéré pour l’année 2020 (150 jours) ne fera que rejoindre le délai atteint en 2018, après une légère augmentation en 2019. De plus, même si l’augmentation de la demande d’asile en 2019 a été plus mesurée que les années précédentes, elle devrait se situer entre 5 et 10% et rester dès lors supérieure aux hypothèses utilisées par le gouvernement dans le PLF 2019 pour calculer son budget (le gouvernement tablait sur une croissance nulle de la demande d’asile). Il est à craindre que l’absence de création de places au sein du DNADNADispositif National d’Accueil et le plafonnement des nuitées hôtelières dédiées à l’hébergement des demandeurs d’asile aient pour effet d’alimenter de nouveaux campements, qui ne cessent de se reconstituer, au gré des opérations de démantèlement, sur l’ensemble du territoire. Le fait de compter sur l’effet mécanique d’une accélération des délais de traitement de la demande d’asile, ainsi que sur l’utilisation de dispositifs contraignants afin de faciliter l’éloignement du territoire des personnes déboutées de leur demande d’asile pour libérer des places au sein du DNADNADispositif National d’Accueil semble nier la réalité des complexités administratives auxquelles sont confrontées les personnes en demande d’asile, bénéficiaires de la protection internationale ou en situation administrative précaire, et risque de favoriser le non recours de personnes en situation de détresse aux dispositifs d’hébergement d’urgence généraliste.