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9 mars 2021

Une instruction attendue pour préparer la fin du plan hiver et fixer les objectifs pour le Logement d’abord

La Ministre chargée du Logement, Emmanuelle Wargon, vient d’adresser aux Préfets une instruction afin de préparer la fin de la période hivernale prolongée cette année au 1er juin (lire notre article), et de fixer les objectifs d’accès au logement, de création de places de logement adapté et de production de logements sociaux en lien avec le plan quinquennal Logement d’abord. La Fédération demandait la pérennisation d’au moins 30 000 places d’hébergement avec un accompagnement, afin d’éviter une crise aiguë de l’hébergement cet été. Elle regrette l’absence d’objectif chiffré sur ce volet dans la circulaire, au moment où les associations demandent de la visibilité sur les fermetures et la reconstitution des places. De même, la revalorisation des prix de journée dans l’HU n’est toujours pas d’actualité au moment ou les acteurs du réseau constatent une généralisation de la mise à l’abri pour les nouvelles places créées au détriment de l’accompagnement social et de l’insertion des publics hébergés.

Une coordination départementale afin d’éviter les remises à la rue massives à partir de juin

La forte mobilisation de l’État et des associations a permis d’atteindre un niveau inégalé de places d’hébergement avec un parc légèrement supérieur à 200 000 places dont 40 000 ouvertes depuis la crise sanitaire. Comme nous le rappelions dans un article précédent, cet effort est à saluer mais l’annonce de la pérennisation de seulement 14 000 places d’hébergement (7 000 pour l’année 2020 et 7 000 pour l’année 2021) laisse entendre que 26 000 personnes sont concernées par une remise à la rue potentielle à partir du 1er juin.

Afin d’éviter ce drame, Emmanuelle Wargon demande dans son instruction, sur la base de ce que proposait la Fédération (voir nos propositions), l’instauration dès à présent d’un comité de pilotage départemental, réunissant les acteurs de la veille sociale, de l’hébergement et du logement, dont les différents réservataires de logements sociaux (Collectivités locales et Action Logement en premier lieu). L’objectif de cette coordination départementale est de favoriser l’accès au logement ou à l’hébergement pérenne des ménages et d’assurer in fine la sortie des personnes présentes dans les structures non pérennisées vers des solutions dignes et stables. Pour atteindre cet objectif, défendu par la Fédération et ses adhérents, les annexes de l’instruction explicitent les différents leviers à mobiliser par ces plans d’actions locaux :

  • Connaître les ménages hébergés afin d’assurer une orientation adaptée et généraliser les évaluations sociales pour identifier les besoins d’accompagnement
  • Repérer les ménages qui peuvent accéder au logement social en systématisant les demandes de logement social et les inscriptions dans le logiciel SYPLO permettant le positionnement sur le contingent préfectoral. Elément positif, l’Etat souhaite mobiliser tous les acteurs de la veille sociale, y compris donc les maraudes et les accueils de jour, pour favoriser l’accès au logement des personnes qui ne seraient pas hébergées. La mobilisation des gestionnaires de résidences sociales et des foyers de travailleurs migrants ou jeunes travailleurs est également citée comme solution pour favoriser l’accès au logement même temporaire
  • Coordonner les ressources d’accompagnement présentes sur le territoire et proposer une mutualisation de ces ressources, notamment les mesures AVDL/ASLL mais aussi les actions d’accompagnement financées par d’autres acteurs (CAF, Action Logement, ARS,…)
  • Identifier les sites risquant de fermer à court ou moyen terme, procéder à une veille active permettant d’anticiper des solutions alternatives et définir un calendrier prévisionnel de fermeture des places à partir du 1er juin
  • Intensifier la captation dans le parc privé en s’appuyant notamment sur le guide publié par la DIHAL en fin d’année dernière
  • Travailler à des possibilités de mobilité géographique intra ou interdépartementale afin de desserrer la pression sur les territoires tendus

La Fédération se félicite de la reprise par l’Etat d’une grande partie de ses propositions visant l’accès au logement ou à l’hébergement pérenne des personnes sans domicile. Elle invite son réseau à participer autant que possible aux coordinations locales et à s’assurer de leur mise en place effective. Néanmoins, la Fédération souligne l’absence de mention de l’accès à la délivrance ou au renouvellement du titre de séjour des personnes hébergées dont le droit au séjour permettrait pourtant l’accès au logement et fluidifier ainsi le parc d’hébergement. De même, l’absence des établissements médico-sociaux est à noter alors même que de telles orientations pourraient correspondre aux besoins de personnes hébergées.

Cette première partie dresse enfin un état des lieux des centres d’hébergement spécialisés (CHS) dédiés aux personnes en situation de précarité, à la rue et/ou hébergées atteints d’une forme légère du covid-19. Ainsi 843 places de CHS étaient encore ouvertes fin février pour une occupation qui reste très faible, autour des 16% en moyenne, malgré quelques pics enregistrés localement. De ce fait la Ministre invite les Préfets à indiquer le nombre de places à maintenir et à prévoir un mode de fonctionnement souple qui permette une ouverture en cas de besoin.

Objectifs Logement d’abord pour l’année 2021 : entre stabilité et ambition

La seconde partie de la circulaire précise, à l’instar des années précédentes, les objectifs à atteindre en matière de fluidité vers le logement, de création de places en intermédiation locative et en pension de famille et de production de logements très sociaux.

S’agissant de l’accès au logement des ménages sans domicile, l’objectif national est de  17 000 logements pour les ménages hébergés et de 8 850 pour les ménages se déclarant « sans abris ou en habitat de fortune », objectif identique à 2020 et qui avait été atteint à 81% (13 821 relogements de ménages hébergés). Pour atteindre cette année l’objectif, la circulaire insiste, à raison, sur la nécessaire mobilisation de tous les contingents et propose son inscription dans les Conférences intercommunales du logement des intercommunalités qui en sont dotés. L’instruction voit également les mesures AVDL  comme un outil mobilisable d’accès au logement, tout en indiquant que le FNAVDL connaît une baisse de ressources pour l’année 2021 du fait d’une diminution des encaissements des astreintes DALO liée notamment au premier confinement. Un renforcement du fonds pour compenser cette baisse aurait été utile afin de répondre aux besoins des ménages et aux objectifs d’accès au logement. Par ailleurs, le CHRS hors les murs, qui n’est pas cité par la circulaire, apparait également comme une solution mobilisable pour accompagner les ménages de manière plus renforcée en fonction des besoins d’accompagnement identifiés.

12 359 places d’intermédiation locative sont attendues pour cette année avec la décomposition suivante : 8 850 places en création – identique à 2020 -, 1 827 places au titre des places pérennisées du plan hivernal et 1 682 au titre du retard de 2020. Ce retard concerne 7 régions métropolitaines et 4 territoires ultra-marins. Par ailleurs, l’instruction indique un « coût moyen maximal de 2 200€/place » pour les places créées. La Fédération s’interroge quant à cette précision car elle sème la confusion avec les termes de la circulaire de relance de l’intermédiation locative du 4 juin 2018 qui indiquait les montants indicatifs suivants : 300 à 900€ pour la captation, 1000 à 2000€ par logement pour la gestion locative adapté en location/sous location et 2100 € par ménage pour financer l’accompagnement social. Il s’agirait d’éviter ici que les missions de l’intermédiation locative ne soient fondues en une seule et même mission financée à 2 200€.

L’instruction fixe la création de 2 400 places de pensions de famille pour l’année 2021 quand un peu plus de 700 ont réellement été livrées en 2020. Surtout, l’Etat souhaite prolonger la dynamique engagée par le plan de relance des pensions de famille, au-delà du plan quinquennal pour le logement d’abord, et indique un objectif de 2000 places par an à partir de 2023, incitant ainsi les préfets à identifier dès à présent les projets potentiels. L’accès au logement des personnes réfugiées est assez peu détaillé dans ce document car il fait l’objet d’une circulaire spécifique dont la Fédération propose une analyse.

La circulaire rappelle enfin que le conseil d’administration du Fonds national des aides à la pierre a fixé à 120 000 le nombre d’agréments de logements sociaux dont 45 000 logements très sociaux alors que 27 750 agréments  PLAI ont été accordés l’an passé comme l’indique l’agence AEF. L’appel de la Ministre à construire 250 000 logements sociaux entre 2021 et 2022 n’a semble-t-il pas été tout à fait entendu alors qu’Action Logement s’est engagé à soutenir la production dans le cadre de son plan d’investissement volontaire à hauteur de 1,17 Md d’euros.

Dans un contexte sanitaire et social qui accentue fortement la pression sur le logement et l’hébergement des personnes en situation de précarité, la Ministre chargée du logement a donc fixé des objectifs relativement ambitieux pour cette année 2021. Cependant, le manque structurel de logements abordables, la baisse de la rotation dans le parc social et la non-atteinte des objectifs « Logement d’abord » les années précédentes, malgré des résultats encourageants et la mise sous tension de tous les acteurs, ne donnent que peu d’espoir de pleine réussite.