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7 décembre 2021

PLF 2022 : analyse du programme « hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables »

Le PLF 2022 a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 16 novembre 2021, puis rejeté par le Sénat le 24 novembre 2021. Le projet de budget 2022 reviendra en seconde lecture à l’Assemblée nationale le 10 décembre. Dans l’attente de son adoption définitive, la Fédération partage ses analyses des rapports publiés par la commission des affaires sociales et la commission des affaires économiques du Sénat.

Analyse du programme « hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » par la commission des Affaires sociales du Sénat

La commission des affaires sociales avait pour rapporteur Alain Duffourg, sénateur du Gers, par qui la Fédération a été auditionnée fin octobre, en amont de l’examen du projet de loi par le Sénat. La commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 177, orientés quasi exclusivement (98,5%) vers le financement du parc d’hébergement et de logement adapté et des dispositifs de veille sociale.

En premier lieu, le rapport revient sur le niveau inégalé qu’a atteint le parc d’hébergement généraliste du fait de la crise sanitaire, avec plus de 203 000 places en 2021.Pour autant, le rapporteur partage le point de vue de la Fédération concernant la qualité des places ouvertes : il s’agit majoritairement de nuitées hôtelières, qui ne permettent pas des conditions de vie et d’accompagnement satisfaisantes. Bien plus, le rapporteur souligne que « en dépit de son volume historique, le parc d’hébergement connaît toujours des tensions », ce que confirme le chiffre des demandes non pourvues, en hausse depuis le mois de juin 2021 après avoir connu une baisse pendant les périodes de confinement.

En lien avec cette hausse sans précédent du parc, le rapport met en évidence les « efforts budgétaires historiques » consentis pour 2022, avec des crédits demandés pour le PLF qui s’élèvent à hauteur de 2 678 M€ (contre 2 200 M € en loi de finances initiale en 2021). Ces efforts ont également été salués par la Fédération, cette sincérité budgétaire se distinguant des pratiques de sous-budgétisation chroniques qui existaient jusqu’alors. Pour autant, comme le souligne le rapporteur, « le montant de crédits ouverts pour 2022 restera légèrement inférieur à la prévision d’exécution pour 2021 » et il est rappelé qu’il ne devrait pas y avoir d’abondement en cours d’année, ce qui ne peut qu’alerter la Fédération et ses adhérents, dans un contexte où le parc est déjà saturé et que la fermeture de 10 000 places est programmée à partir de mars 2022.

Pour le rapporteur, la sincérité budgétaire accrue du programme 177 doit en particulier contribuer à sortir de la « gestion au thermomètre », tel que l’a annoncé la Ministre du logement en septembre 2021, faisant suite aux orientations de la circulaire du 26 mai sur la programmation pluriannuelle du parc d’hébergement et de logement adapté (voir notre analyse). Cette logique pluriannuelle est soutenue par la Fédération, dont la proposition d’adopter à intervalle régulier une loi de programmation annuelle est considérée par le rapporteur  comme un outil pertinent pour accompagner les dynamiques de transformation de l’offre.

Le rapporteur souligne par ailleurs que la décrue programmée des places d’hébergement « suppose que des places alternatives en logement adapté soient créées dans les mêmes proportions », ce sur quoi la Fédération a de réelles inquiétudes, au regard notamment du retard pris dans la création de places de pensions de famille (5 353 places créés depuis début 2017, soit 53% de l’objectif). Bien plus, la Fédération rappelle que les dispositifs de logement adapté n’ont pas vocation à se substituer aux dispositifs d’hébergement, le niveau d’accompagnement et de prestations proposé n’étant pas les mêmes et les conditions d’accès plus restrictives.

En outre, le rapport fait référence à la reprise de la convergence tarifaire négative, sans mentionner ses incidences négatives pour les CHRS (voir notre analyse). Il annonce également une reprise de la campagne de contractualisation, en précisant que les CPOM permettent d’accélérer les dynamiques de transformation de l’offre d’hébergement d’urgence en places CHRS, sans revenir sur les conditions de réussite identifiées par la Fédération, à savoir que la transformation de places HU doit s’accompagner de financements à la hausse pour éviter un nivellement par le bas de la qualité de l’offre. La Fédération s’interroge aussi sur le fait qu’il ne soit pas fait mention du report de l’échéance de signature des CPOM au 31/12/2024, tel qu’annoncé par la DIHAL lors de la publication de l’instruction relative à la campagne budgétaire des CHRS pour 2021. Enfin, nous prenons note que la réforme de la tarification, dont les travaux n’ont pour l’instant pas repris, devrait déboucher sur l’application de nouveaux tarifs dès 2023.

Le rapport revient enfin sur le service public de la rue au logement, lancé au 1er avril 2021 avec un pilotage assuré par la DIHAL. Le rapporteur souligne que la concrétisation de ce service public n’est pas encore palpable sur le terrain et précise que le SIAO est annoncé comme la pierre angulaire de ce service public, l’Etat devant intégrer sa gouvernance. La Fédération et ses adhérents sont sur ce point en attente d’une publication de l’instruction sur le rôle des SIAO, annoncée pour le début de l’année prochaine. En lien direct, le rapporteur souligne que le SI-SIAO continue à rencontrer d’importants dysfonctionnements et ne permet pas aujourd’hui de disposer de données robustes pour l’observation sociale, ce qui constitue un « frein au bon pilotage de la politique publique », malgré des initiatives locales comme les nuits de la solidarité.

Une commission des affaires économiques du Sénat critique vis-à-vis de la politique du logement du gouvernement

Dans le cadre de l’étude du projet de loi de finances 2022 des crédits « Logement » de la mission Cohésion des territoires, la sénatrice Dominique Estrosi Sassone a publié un rapport d’information pour lequel la Fédération des acteurs de la solidarité  a été également auditionnée.

Le rapport souligne l’évolution positive prévue pour les crédits dédiés au logement dans ce futur budget 2022 (+7,4%) qui en fait le budget le plus élevé du quinquennat. Cette hausse par rapport aux crédits 2021, est alimentée notamment par l’augmentation de la contribution de l’Etat dans le financement des aides au logement et par le maintien du volume important du parc d’hébergement d’urgence. Le rapport signale toutefois que malgré cette augmentation, le budget prévu pour l’année prochaine reste inférieur à celui de 2017 (-1,3 Mds d’euros).

Par ailleurs, 2022 semble être une année de transition pour la sénatrice qui cite de nombreuses échéances et défis à venir pour 2023 :

  • La nouvelle convention quinquennale d’Action Logement qui fixe les rapports entre l’Etat et le groupe paritaire et précise les (nombreuses) contributions financières d’Action Logement à la politique du logement ;
  • L’avenir de la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui impacte fortement les bailleurs sociaux et obère leurs capacités de production et d’investissement ;
  • Le financement du fonds national des aides à la pierre (FNAP) ;
  • La fin des mesures portées dans le cadre du plan de relance comme la mobilisation des friches urbaines pour la construction de logements, les aides aux maires bâtisseurs, la modernisation des accueils de jour, etc.

En complément de ces points, une série de critiques est formulée à l’encontre de la politique du logement du gouvernement. En premier lieu, si la réforme de la contemporanéisation des aides au logement n’est pas remise en cause, ce sont les impacts sur les allocataires et les modalités de mise en œuvre de la réforme qui sont pointés. Ainsi, la sénatrice déplore que « la réforme a amplifié les ajustements à la baisse et atténué les réévaluations à la hausse », que 200 000 allocataires ont été impactés par des versements erronés du fait de problèmes techniques et cite les conséquences pour les jeunes, en partie atténuées par des actions correctives a posteriori.

La faiblesse de la production de logement sous le quinquennat est également dénoncée alors que le « choc de l’offre » ne s’est pas fait sentir. Ainsi, selon les derniers chiffres du Ministère du logement, le nombre de logements autorisés et de logements commencés en 2021 n’atteint pas celui de 2019. L’objectif de 120 000 logements sociaux agréés ne sera sans doute pas atteint, Emmanuelle Wargon estimant que le nombre de 110 000 agréments sera plus réaliste. Il n’y aura donc pas de rattrapage de la faible production de l’année 2020 et le rebond peine à se faire sentir pour 2021.

S’agissant du secteur de l’hébergement et du logement adapté, l’engagement du Gouvernement et la mobilisation des associations qui ont permis d’ouvrir 43 000 places d’hébergement supplémentaires sont salués. La volonté de poursuivre le déploiement du Logement d’abord et la mise en place du service public de la rue au logement sont également soutenus par les membres de la commission des affaires économiques qui y voient une réelle solution pour les personnes en situation de précarité. Néanmoins, un certain nombre de limites sont identifiées dans le rapport, et qui rejoignent en partie les analyses de la commission des Affaires sociales détaillées ci-dessus :

  • Si le parc restera à un niveau important en 2022, malgré la fermeture de 10 000 places programmée à partir de mars prochain, celui ne pourra répondre à l’ensemble des besoins d’hébergement identifiés ;
  • Le fort recours à l’hôtel, 73 000 places, ne permet pas d’offrir une réponse qualitative aux besoins d’accompagnement social des ménages et ne répond donc pas aux enjeux du Logement d’abord ;
  • La pression toujours importante sur l’hébergement et la volonté d’avoir un cadre budgétaire fermé laisse craindre que  « l’ambition de départ ne se traduise par une simple mise sous tension budgétaire des acteurs, le choix des solutions les moins chères et l’insuffisance de l’accompagnement social » ;
  • Du côté du logement adapté, la hausse de deux euros du forfait journalier des pensions de famille actée en 2021 est considérée comme insuffisante tandis que l’aide à la gestion locative n’est toujours versée que partiellement aux résidences sociales.

La rapport met enfin l’accent sur la nécessité de revaloriser les métiers du secteur de l’hébergement et du logement adapté, en cohérence avec les récentes mobilisations des différents réseaux et associations dont la Fédération est partie prenante (avec par exemple une lettre ouverte sur le travail social adressée au Premier Ministre le 22 novembre 2021).

La Fédération partage le constat du manque de logements abordables et d’une production qui peine à redémarrer après une année 2020 si particulière. Elle pointe également l’enjeu de maintenir le parc d’hébergement au-delà des 200 000 places et la nécessité d’enclencher dès à présent des démarches qualitatives visant à réduire le volume des nuitées hôtelières au profit de places de CHRS qui proposent un accompagnement social global. Les travaux portant sur une programmation pluriannuelle du secteur récemment initiés par la DIHAL vont dans le bon sens et doivent permettre de répondre à ces objectifs. La Fédération sera également vigilante à ce que les échéances de 2023 identifiées par la sénatrice Dominique Estrosi Sassone soient abordées avec la volonté de loger les personnes en situation de précarité.