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21 septembre 2021

Publication de l’instruction relative à la campagne budgétaire 2021 des CHRS : analyse et réaction de la Fédération

La publication de l’instruction relative à la campagne budgétaire des CHRS pour 2021 a été publiée au bulletin officiel de la Santé, de la Protection sociale et de la Solidarité le 15 septembre 2021.
Cette instruction, en date du 31 août 2021, vient préciser les paramètres de la campagne budgétaire 2021 des CHRS. Cette dernière avait déjà été amorcée par la publication de deux arrêtés, l’un fixant les tarifs plafonds et l’autre fixant les dotations régionales limitatives (DRL) des CHRS.

Un report annoncé de la signature des CPOM

L’instruction annonce un report de l’échéance de signature des CPOM au 31 décembre 2024, qui s’accompagne d’un décalage de la date de référence pour la prise en compte du nombre de d’hébergement d’urgence transformables en place CHRS, au 30 juin 2020. Pour cela, l’article 125 de la loi Elan doit être modifié, et la recherche d’un vecteur législatif est toujours en cours. Si la Fédération se félicite de ce report annoncé, elle observe qu’il ne correspond pas à une suspension des négociations. Il est à ce titre plus que jamais nécessaire d’encadrer davantage le contenu des négociations qui se poursuivent, afin que les contrats signés donnent une réelle autonomie aux gestionnaires, et de prolonger les efforts de formation engagés via un renouvellement des 2M € de crédits d’ingénierie alloués en 2020.

Le retour de la convergence tarifaire négative

Comme indiqué dans un précédent article, les crédits CHRS pour 2021 sont en augmentation de 2,8%, passant ainsi de 643,3 M€ en 2020 à 661 M€ en 2021. Pour autant, cette augmentation s’accompagne du retour de la convergence tarifaire négative, avec un objectif de 5,1 M€ à réaliser. De plus, l’instruction indique que ce plan d’économies a vocation à se poursuivre en 2022, sans préciser l’ampleur des économies attendues.

La reprise de la convergence tarifaire négative se base sur les tarifs plafonds de 2018, ce qui n’est pas sans poser problème. En effet, ce gel des plafonds risque d’impliquer mécaniquement davantage de gestionnaires dans le plan d’économies. Bien plus, les montants de 2018 ont été fixés sur la base de l’Etude Nationale des Coûts (ENC) 2015 qui n’était pas obligatoire à cette époque et dont la saisie ne recouvrait pas la réalité de tous les CHRS. L’ENC est utilisée aujourd’hui dans la fixation des moyens des structures sans qu’un encadrement législatif pour fixer les règles de tarification applicables aux CHRS soit prévu. Au regard de ce constat, la Fédération prend acte de l’engagement de la DIHAL à réunir le comité de suivi national de l’ENC au moins une fois dans l’année à venir. Elle considère que la mise en place de ce pilotage au niveau national est incontournable pour échanger sur les analyses issues de l’ENC et notamment sur la situation des établissements au regard des tarifs plafonds, ainsi que pour donner à voir de manière précise l’impact du plan d’économie sur les CHRS.

Une augmentation globale des crédits CHRS

Dans le même temps, la reprise de la convergence tarifaire négative est accompagnée d’autres mesures, qui expliquent la hausse globale du montant des DRL :

  • Le redéploiement des crédits visant à accompagner la démarche de « CHRSisation » des places d’hébergement d’urgence, à hauteur de 12,8 M€ ;
  • Une progression salariale moyenne de 2%, estimée à 9,9 M€, mais qui ne concerne que les CHRS en-dessous des tarifs plafonds;
  • La reconduction des 10 M€ de la Stratégie pauvreté, qui doivent être fléchés localement vers des établissements en cohérence avec les priorités de la Stratégie Pauvreté ainsi que vers des établissements accueillant les publics ayant les besoins d’accompagnement les plus importants : les femmes victimes de violence et/ou en sortie de prostitution, les familles monoparentales, les sortants d’institution.

Enfin, l’instruction confirme la non-modulation des tarifs en raison d’une sous-occupation, d’une sous-activité ou d’une fermeture temporaire en 2020, en accord avec les dispositions prévues par la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. C’est en soit positif, même si la Fédération considère qu’il aurait été nécessaire de garantir une non-modulation pour d’autres indicateurs, et notamment pour les indicateurs de taux de sortie vers le logement social au regard des faiblesses conjointes de la production de logements sociaux et de la rotation dans le parc social.

Un manque de lisibilité de la stratégie conduite pour les CHRS

En premier lieu, la Fédération dénonce la reprise de la convergence tarifaire négative, alors que le contexte de crise sanitaire et sociale est persistant. La poursuite du plan d’économies vient fragiliser des organismes gestionnaires déjà impactés par les précédentes mesures d’économies et par une période de gestion de crise qui a pu engendrer des surcoûts. La Fédération appelle donc à un moratoire sur le plan d’économie et souhaite également avoir des précisions sur la trajectoire attendue pour 2022.

Par ailleurs, si la Fédération reconnaît l’effort engagé de revalorisation de la masse salariale, elle souligne qu’il doit se faire dans la limite de la dotation régionale limitative et ne concerne que les CHRS en-dessous des tarifs plafonds, ce qui pose question en termes d’équité de traitement entre salariés d’une même association. Ces mesures de revalorisation salariale, qui ne sont donc pas de droit, sont par ailleurs bien inférieures aux montants qu’il serait nécessaire d’allouer pour permettre une véritable revalorisation des métiers du social.

S’agissant des crédits de la stratégie de lutte contre la pauvreté, la Fédération rappelle qu’ils sont temporaires et qu’ils ne bénéficient pas  explicitement aux CHRS qui ont pu être mis en difficulté par la convergence tarifaire négative. Par ailleurs, le secteur manque d’une vision d’ensemble et détaillée de l’utilisation de ces crédits depuis 2019.

Concernant le redéploiement des crédits de l’hébergement d’urgence vers des crédits CHRS, en lien avec la transformation de l’offre engagée dans le cadre des CPOM, la Fédération souligne le manque de visibilité sur le nombre de places ayant vocation à être transformées et le niveau de financement auquel s’effectuera cette transformation. En l’absence d’un bilan des CHRSisation des places HU depuis 2017 et d’un cadrage précis sur les critères de transformation et les niveaux de financement, la Fédération craint en effet un financement très en deçà du financement moyen d’une place CHRS, ce qui aboutirait in fine à un nivellement vers le bas de la dotation globale de financement des CHRS et à une impossibilité à répondre aux objectifs de transformation qualitative de l’offre.

En conclusion, la reprise de la convergence tarifaire négative, les variations possibles en termes de revalorisation de la masse salariale selon les structures, le manque de visibilité tant sur l’attribution des crédits de la stratégie pauvreté que sur la dynamique de CHRSisation des places d’HU sont autant d’éléments qui entretiennent un flou persistant, qui nuit à la fois à la lisibilité de l’action publique mais aussi à la capacité de projection des gestionnaires. Alors que ces derniers doivent signer des CPOM à horizon 2024, la Fédération appelle à un engagement clair de l’Etat sur des moyens financiers pérennes et à hauteur des besoins, afin de garantir une contractualisation pluriannuelle équilibrée, comme cela figure dans notre proposition de loi de programmation remise à la Ministre du logement le 1er septembre dernier.