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17 juin 2021

Analyse par la FAS de la circulaire du 26 mai 2021 relative au pilotage de l’hébergement et à la programmation-évolution de l’offre

Dans une instruction datée du 26 mai portant sur la gestion du parc d’hébergement et sur une vision pluriannuelle du secteur pour le déploiement du Logement D’Abord, le Ministère du logement a fixé plusieurs orientations stratégiques, de court terme et plus structurelles pour le secteur.

Cette instruction se décline en trois objectifs détaillés dans trois annexes :

a- Un premier objectif pour 2021-2022 de maintien du parc d’hébergement à un niveau « haut » de 200 000 places, jusqu’à fin mars 2022, marquant « la fin de la gestion au thermomètre »

b- Un deuxième objectif de plus long terme de programmation pluriannuelle et territorialisée de l’offred’hébergement, de logement adapté et d’accompagnement, à horizon 2024

c- Un dernier objectif de court terme d’objectivation des coûts de l’hébergement d’urgence, avec le lancement d’un questionnaire à l’échelle nationale destiné à identifier les déterminants de ces coûts et établir des niveaux de financements « soutenables »

      1. Maintien de 200 000 places jusqu’à fin mars 2022, transformation de l’offre d’hébergement et fluidité du parc (annexe 1)

La Ministre confirme la prolongation d’un parc d’hébergement à hauteur de 200 000 places jusqu’à fin mars 2022 puis une baisse à 190 000 places pour fin 2022. Cette annonce constitue un effort sans précédent de prolongation des dispositifs en sortie d’hiver, permettant aux personnes de se stabiliser et d’éviter les habituelles remise à la rue au printemps et à l’été. A court terme, cela passe cependant par une diminution nette de 3000 places (CHS et hôtels en priorité) en 2021 puis une diminution de 10 000 places en 2022. Les services déconcentrés doivent envoyer pour le 21 juin une proposition d’enveloppe budgétaire régionale limitative qui sera alimentée par la LFI 21 et la LFR prévue fin juin (dont le montant avancé par la Ministre serait de 700 M€). Cette proposition doit tenir compte d’éventuelles ouvertures de places « grand froid » pour l’hiver prochain car il est bien stipulé qu’il n’y aura pas de crédits complémentaires possibles par rapport à cette proposition de juin. Cet arbitrage budgétaire implique l’absence de création de places hivernales en 2021-2022 et les pérennisations habituelles de fin mars, posant la question des leviers de prise en charge des milliers de ménages restés sans solution malgré l’augmentation sans précédent du parc.

Concernant la transformation, l’instruction pose un objectif de transformation de 7 000 places hôtels en hébergement qualitatif, sans que ne soient mentionnés la méthode et le dispositif cible, mais aussi un objectif de transformation de places d’hébergement en IML ou mesures d’accompagnement. Cette transformation de places d’hébergement est mise au « service de la fluidité » et ces redéploiements de crédits pourront financer :

  • un IML renforcé appelé  “IML +” pour des personnes isolées, couples ou ménages à fort besoin d’accompagnement financé à  un cout cible maximum de  5000€ la place (contre 2200 € dans la circulaire du 4 juin 2018)et 8000 € en IDF.
  • un renforcement des moyens d’accompagnement : équipes mobiles hôtels ou personne à la rue, revalorisation des places d’hébergement sous dotées.
  1. Trajectoire pluriannuelle et territorialisée 2022-2024 (annexe 2)

L’État souhaite que les préfets proposent d’ici le 21 octobre une trajectoire pluriannuelle et territorialisée du secteur AHI 2022-2024. Cette trajectoire doit être travaillée collégialement avec les différents acteurs suivant trois axes :

  • Baisse globale du parc d’hébergement (avec hausse possible en territoire tendu) qui passe par une réduction des nuitées hôtelières et une transformation du parc en accompagnement hors les murs, logement adapté, équipe mobile de la rue au logement, etc.
  • Développement du logement adapté, notamment IML et pension de famille
  • Reconfiguration de l’accompagnement dans le logement visant à renforcer l’accompagnement hors hébergement ou logement adapté pour favoriser l’accès au logement ou le maintien dans une logique LDA

Cette trajectoire doit pouvoir s’inscrire dans une mesure d’économie nette à l’horizon 2024 au regard du budget 2021 et doit s’appuyer sur la performance sociale et la responsabilisation des acteurs.

Pour aider les services, l’instruction suggère 3 scénarios :

a- jouer sur les volumes de places,

b- jouer sur les financements des dispositifs (hormis le forfait pour les pensions de famille qui reste à 18€)

c- dissocier une brique bâti d’une brique accompagnement, de manière expérimentale

Ces orientations sont, pour certaines, en adéquation avec les demandes de la fédération, y compris la volonté de déployer une stratégie pluriannuelle, faisant écho à la demande de loi de programmation de la rue au logement formulée par la Fédération. Toutefois l’obligation d’économies à horizon 2024 inquiète alors que les besoins sont en constante augmentation et que les parcs actuels d’hébergement et de logement ne répondent déjà pas à tous les besoins. Il y a par ailleurs un manque de lien entre les discussions actuellement en cours sur le terrain autour des CPOM (dont la Fédération a demandé la suspension) et cette trajectoire 2022 2024 qui interroge, de même que les méthodes d’accompagnement à cette transformation qui nécessitent des précisions. Nous pouvons craindre également que le calendrier ne soit trop contraint pour élaborer dans de bonnes conditions une stratégie pluriannuelle de qualité, à fortiori dans un contexte de réorganisation des services déconcentrés de l’Etat. Enfin, l’absence de mesure de renforcement de la veille sociale dans cette trajectoire est une nouvelle fois à souligner tout comme le besoin de définir la place des CHRS dans cette baisse du parc d’hébergement, la méthode pour recueillir les besoins et l’association des personnes accompagnées à cette démarche.

  1. Objectivation des coûts HU (annexe 3)

Enfin, l’Etat lance une enquête afin d’objectiver les coûts de l’HU dont les résultats sont attendus pour le 30 juillet. Ce questionnaire est à destination des services déconcentrés de l’Etat et doit permettre d’établir les bases de l’analyse des coûts de l’hébergement », les résultats ayant vocation à être consolidés à l’échelle régionale.

Il s’agit d’un questionnaire qualitatif, qui vise à :

  • renseigner le coût moyen et médian des places d’hébergement d’urgence financées à l’échelle de chaque département,
  • identifier les déterminants de ce coût, les déterminants envisagés par le questionnaire étant les modalités de mobilisation des places (urgence, intercalaire) et le foncier et des locaux disponibles. Les services de l’État sont notamment invités à se positionner sur la perspective d’une programmation pluriannuelle de l’hébergement d’urgence et des gains financiers qui pourraient en découler. 

Des pistes pour l’optimisation des modalités de négociation des prix avec les opérateurs sont également abordées par le questionnaire, ainsi que la possibilité d’intégrer l’ensemble des structures d’hébergement d’urgence dans l’étude nationale des coûts.

Au regard du calendrier très resserré fixé aux services déconcentrés de l’Etat quant à la proposition d’enveloppe budgétaire régionale limitative qu’ils doivent remonter à la DIHAL pour le 21 juin, nous proposons les points de vigilance suivants que vous pourrez partager si vous le souhaitez avec les DDETS de vos territoires :

  • la matérialisation de cette prolongation des places dans les départements: la grande majorité sont des places en hôtel et de nombreux hôteliers souhaitent revenir au secteur du tourisme après leur expérience du social, et nous assistons déjà dans plusieurs départements à des fermetures d’établissements avec risque de remises à la rue. Recenser les fermetures d’établissements, les réouvertures de places par ailleurs et les coûts proposés dans ce cadre sera indispensable pour que nous puissions interpeller l’Etat en cas de manquements à ses engagements (pas de remise à la rue sans solution) ou la faible qualité des places éventuellement créées pour suppléer aux fermetures ;
  • la reprise de pratiques non satisfaisantes comme par exemple le retour au système de l’hébergement à la nuitée ou encore la fin du H24 et le report des personnes sur les accueils de jour;
  • l’obtention de la part des services déconcentrés d’un calendrier de fermeture des places en CHS avec notamment le nombre de ménages concernés et les solutions pour éviter des remises à la rue, la plupart de ces ménages n’ayant plus leur place initiale dans l’HU ;
  • l’obtention de la part des services déconcentrés de la liste des établissements hôteliers qu’ils considéreront à inclure dans le lot des 3 000 places prévues à la fermeture en 2021 ;
  • le suivi de la reprise des expulsions locatives dont le stock est conséquent à ce jour (+ 30 000 ménages, 60 000 personnes) et qui renforcerait les tensions sur le parc d’hébergement, puisque ces expulsions généreraient autant de nouveaux ménages en demande et donc de besoins supplémentaires pour le parc ;
  • En fonction des éléments remontés par les maraudes, accueils de jour, 115 et, pour quelques grandes villes, des Nuits de la solidarité 2020 (+ Paris 2021), déterminer un objectif de places « Grand froid » satisfaisant qui permette l’accueil de tous les ménages sans solution ;
  • à priori, les places Femmes Victimes de Violence ou sortantes de maternité sont à considérer dans les 200 000 places mais il sera nécessaire de voir comment elles s’intègrent dans le parc (création de places ou transformation des places déjà existantes) ;
  • aucune mention n’est faite des renforts hivernaux des maraudes et Samu Sociaux et l’éventuel maintien de leur financement au-delà du 31 mai dernier. Des disparités d’application devraient être constatées entre territoires ;
  • sur la transformation de  7 000 places hôtels en hébergement qualitatif, la méthode (AAP ?) et le dispositif cible (HU ?) choisi par les services déconcentrées seront décisifs pour apprécier la réelle plus-value de cette transformation et s’assurer d’une réelle amélioration de la qualité de l’hébergement ;
  • sur les objectifs de transformation de places d’hébergement en « IML + » ou mesures d’accompagnement, il est essentiel de s’assurer que cela n’impliquera pas une diminution du nombre des places d’hébergement et ou que cela ne pénalise pas certains publics (toutes les personnes SDF ne sont pas éligibles à l’IML) et que des leviers de compensation seront mis en place afin de rééquilibrer le dimensionnement du parc.

La Fédération partagera prochainement avec l’État son analyse de la circulaire, des conditions de sa mise en œuvre et surtout, ses propres propositions pour le projet de loi de finances 2022 et pour une loi de programmation « de la rue au logement » ambitieuse, au service de l’accès au logement des ménages précaires et de l’accueil inconditionnel et de qualité des personnes sans abri et en détresse sociale.