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22 février 2021

Information du ministère de l’intérieur relative à la gestion du parc d’hébergement des personnes en demande d’asile et réfugiées

Le ministre de l’intérieur a adressé le 15 janvier 2021 une information aux préfets de région et départements relative à la gestion du parc des demandeurs d’asile et des réfugiés en 2021. L’information indique que, dans le cadre de l’orientation directive mise en place par le nouveau schéma national d’accueil publié en décembre 2020, les préfets devront en 2021 poursuivre trois objectifs : l’augmentation du parc d’hébergement, le renforcement de la fluidité du parc d’hébergement et la consolidation du pilotage régional du dispositif.

S’agissant du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, vous pourrez retrouver une analyse sur le site de la FAS et un document de présentation, précisant les enjeux de la mise en place du schéma et différents indicateurs de suivi qui peuvent être mobilisés par les acteurs de l’hébergement et/ou l’accompagnement des personnes en demande d’asile et réfugiées, ainsi que du secteur de l’AHI, dont les activités pourront être impactées par cette nouvelle organisation.

La Fédération des acteurs de la solidarité considère que l’objectif de répartir la responsabilité de l’accueil des personnes en demande d’asile sur l’ensemble du territoire répond à une exigence de solidarité entre les territoires. Elle insiste néanmoins sur le fait qu’un certain nombre de conditions doivent accompagner la mise en œuvre de cette répartition, dont, au premier titre, la disponibilité d’un nombre de places d’hébergement suffisant pour répondre aux besoins existants.

  1. Augmentation des capacités d’hébergement

La circulaire reprend les créations de places annoncées dans le PLF 2021 : 3 000 places CADA (hors région Ile-de-France), 1 500 places de CAES (hors région Ile-de-France), ainsi que 204 places de CPH (en IDF uniquement, nouveauté par rapport au PLF) et 1 300 places DPAR. Des circulaires ultérieures seront consacrées aux places CPH et DPAR.

Un certain nombre d’entre elles devront être « spécialisées » pour l’accueil de publics dit « vulnérables « : personnes victimes de violence (300 places déjà ouvertes dans 4 régions qui doivent faire l’objet d’un bilan au premier trimestre 2021), personnes LGBTI (200 places doivent être « spécialisées » d’ici 2022 dans les CADA, HUDA, CPH), et enfin les personnes à mobilité réduite.

Le ministère évoque la volonté de procéder à une simplification du parc d’hébergement en engageant une réflexion sur la pertinence d’une seule catégorie « en remplacement des parcs CADA et HUDA actuels » et en organisant le parc en trois « niveaux » distincts : entrée dans le DNA via les CAES, hébergement « socle » pendant la durée de la demande d’asile en CADA/HUDA, et « préparation à la sortie du DNA » via les CPH ou les DPAR.

Au sujet de la structuration du parc d’hébergement, la circulaire encourage les préfets à développer des modèles de conventionnements pluriannuels ou à signer des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens : les conventions pluriannuelles signées pour l’HUDA doivent être étendues aux CAES et des CPOM pourront être signés « avec les opérateurs d’envergure suffisante ».

Enfin, l’information rappelle les objectifs de limitation du recours aux nuitées hôtelières pour l’hébergement des demandeurs d’asile. Elle indique qu’un plafond de 13% de l’ensemble du parc HUDA est fixé au niveau national et que le SNADAR envisage le renforcement du suivi des personnes hébergées sur des places d’HUDA hôtelier, qui passera en premier lieu par un recensement des pratiques existantes sur les territoires.

  • La Fédération des acteurs de la solidarité salue la création de nouvelles places au sein du DNA, en particulier des places de CADA. Toutefois, et bien que la demande d’asile a diminué en 2020, seuls 50% des demandeurs d’asile étaient hébergés en 2019 et la crise sanitaire continue d’avoir un impact sur les sorties des dispositifs du DNA. Ainsi, la FAS craint que ces créations de places restent insuffisantes et réitère sa demande d’engager une planification pluriannuelle de création de places CADA afin de répondre aux besoins d’hébergement existants.
  • Elle rappelle par ailleurs son attachement au modèle du CADA et la nécessité de réévaluer le prix de journées des dispositifs du DNA qui restent insuffisant pour répondre aux besoins des personnes hébergées. A ce titre, la réflexion relative à un modèle unique d’hébergement et le recours accru à la contractualisation pluriannuelle pourrait représenter une occasion d’engager un véritable travail coordonné avec les associations et organismes gestionnaires du DNA s’agissant des normes d’accueil des demandeurs d’asile et des personnes réfugiées et de la qualité des prestations fournies. La Fédération défendra ces éléments dans le cadre des concertations engagées avec les gestionnaires de structures du DNA.
  • Enfin, la Fédération souligne que les conditions d’hébergement et d’accompagnement des personnes hébergées par le biais des nuitées hôtelières ne sont pas satisfaisantes. L’orientation des personnes relevant d’une prise en charge au sein du DNA vers des structures non hôtelières doit donc être privilégiée. La FAS rappelle que l’application des règles de l’HUDA au dispositif hôtelier n’est pas envisageable et relève que l’information mentionne explicitement que la procédure de RMU n’est pas applicable pour les personnes déboutées de leur demande d’asile hébergées en « HUDA hôtelier ». De plus, il est nécessaire que le plafonnement des nuitées hôtelières financées par le programme 303 ne remette pas en cause l’inconditionnalité de l’accueil dans les dispositifs d’hébergement d’urgence généraliste, qui, à défaut notamment d’un nombre suffisant de places au sein du DNA, doivent pouvoir être sollicités par toute personne en situation de détresse.
  1. Renforcement de la fluidité de l’hébergement

Le ministère de l’Intérieur fixe un objectif de « limiter les présences indues au sein du DNA » – avec des taux limites cibles inchangés de 3% pour les BPI et 4% pour les personnes déboutées – et propose aux préfets trois axes d’actions : le relogement des réfugiés, le transfert des personnes en procédures Dublin ainsi que l’éloignement des demandeurs d’asile déboutés. Il vise aussi à « maximiser le taux d’occupation » des places, à travers en particulier la déconcentration de la gestion du parc qui a été pérennisée par le biais du SNADAR après avoir été mise en place en mars 2020 en raison de la crise sanitaire.

S’agissant du relogement des réfugiés, une circulaire interministérielle dédiée sera prochainement publiée mais l’information indique d’ores et déjà que les objectifs sont de 14 000 logements mobilisés au niveau national, dont 1 000 dédiés à la mobilité nationale. Il s’agit d’une augmentation par rapport à 2020 où l’objectif avait été fixé à 10 000 logements par une circulaire parue à la fin de l’été 2020 (voir l’analyse de la FAS de la dernière circulaire relative au relogement des réfugiés).

En ce qui concerne les transferts Dublin, la circulaire se borne à mentionner que les préfets doivent veiller à héberger les personnes en procédure Dublin à proximité des pôles régionaux Dublin et que les transferts ont repris en juillet 2020, suite au confinement du début d’année 2020, sans faire état d’une persistance des obstacles rencontrés à leur mise en œuvre au regard du caractère prolongé de la crise sanitaire.

Concernant les sorties des dispositifs des personnes déboutées, la circulaire promeut deux leviers : le recours aux centres DPAR, avec des créations de places dont 400 sont annoncées comme étant ouvertes en janvier 2021, ainsi que le recours à la procédure des référés mesures utiles. Comme pour les transferts Dublin, les éventuelles difficultés à mettre en œuvre des éloignements, volontaires ou contraints, en raison de la crise sanitaire ne sont pas abordées.

Enfin, l’information indique que les transferts d’information entre les SIAO et l’Ofii sont restés insuffisants pour identifier les personnes hébergées dans le parc généraliste et relevant du DNA qui pourraient y être orientées. Elle ne mentionne pas les problématiques actuelles du SI SIAO.

  • La Fédération des acteurs de la solidarité regrette que la question de l’articulation du DNA avec l’hébergement généraliste ne soit abordée que sous l’angle de la transmission d’information entre SIAO et Ofii. Ces transmissions d’information soulèvent des questions juridiques et pratiques, notamment s’agissant du respect des règles de la protection des données personnelles, de la fiabilité des données qui peuvent être communiquées par les SIAO et du risque de non-recours aux dispositifs généralistes que cette mesure peut provoquer (voir décryptage de la Fédération). Cette articulation doit être envisagée plus globalement afin de permettre l’orientation de personnes demandant à être prise en charge au sein du DNA vers les dispositifs dédiés, mais aussi de garantir la possibilité pour toute personne de solliciter les dispositifs d’hébergement généraliste dès lors qu’elle se trouve dans une situation de détresse, qu’elle puisse prétendre à une prise en charge au sein du DNA ou non.
  • La FAS souligne que les « sorties sèches » du DNA, en plus d’être sources de potentielles atteintes à la dignité des personnes, ne permettent pas de répondre aux objectifs globaux de la lutte contre le sans-abrisme en France et doivent donc être proscrites, quel que soit la situation administrative des personnes. Cette exigence est d’autant plus indispensable dans le contexte de crise sanitaire actuel.
  • Par ailleurs, en lien avec les questions de sortie de dispositif, la Fédération regrette que des consignes relatives au non renouvellement de la prise en charge de personnes réfugiées au-delà de 12 mois au sein des CPH aient été transmises par l’Ofii à ses directions territoriales. Elle rappelle que le cahier des charges CPH interdit toute remise à la rue des personnes sans solution, et que les demandes de renouvellement doivent être examinées au cas par cas, selon les situations individuelles des personnes concernées.
  • La Fédération remarque de plus que les taux de présences « indues » ne relèvent le plus souvent pas de la responsabilité des gestionnaires de centres du DNA – qu’il s’agisse de l’identification de solutions de sorties adaptées ou de la mise en œuvre de procédures qui ne font pas partie de leurs prérogatives – et qu’ils ne peuvent donc faire l’objet de pénalités financières à ce titre.
  • La FAS réitère sa demande d’un élargissement des critères actuels d’admission exceptionnelle au séjour tels que définis par la circulaire « Valls » du 28 novembre 2012 et, a minima, leur application uniforme sur l’ensemble du territoire. Elle souligne que les nombreuses difficultés actuelles rencontrées par les personnes afin d’accéder aux préfectures et de se voir délivrer ou renouveler un titre de séjour ont pour conséquences des ruptures de droits qui impactent la vie de ces personnes et leur capacité à accéder à un logement et donc à quitter les centres d’hébergement où elles se trouvent. Au-delà de la question de l’accès aux droits des personnes, la régularisation peut et doit donc aussi être envisagée comme un levier de fluidité du parc d’hébergement.
  • La circulaire définit de nouveau les DPAR comme des centres dont la mission est d’héberger et accompagner des personnes ayant fait une demande d’aide au retour volontaire. Pour la Fédération, ces centres, qui restent dépourvus de base légale, n’ont en effet pas vocation à devenir des structures dans lesquelles seraient assignées à résidence des personnes déboutées en vue d’un éloignement contraint.
  • La FAS insiste enfin sur la nécessité de maintenir une stricte séparation entre les missions de travail social qui sont assurées par ses adhérents et les missions de contrôle migratoire qui relèvent de prérogatives régaliennes de l’Etat. A ce titre notamment, elle souligne que les gestionnaires ne doivent pas être contraints, en particulier par le biais de pénalités financières, de mettre en œuvre les procédures de référé mesures utiles.
  1. Consolider le pilotage régional du dispositif

La circulaire établit le fonctionnement de la coordination locale du DNA avec la désignation d’un coordonnateur régional de l’asile, et du côté de l’Ofii d’un référent régional qui doit coordonner les DT de la région. Au niveau département, un coordonnateur en charge du pilotage et de l’animation du réseau (dont les gestionnaires du DNA) est aussi défini. Il est demandé aux préfets de veiller à l’actualisation des schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés avant la fin du premier trimestre 2021 et à l’intégration de l’ensemble des places d’hébergement dans le logiciel DN@-NG.

  • La FAS souhaite que l’actualisation des schémas régionaux donne lieu à des réunions de concertation et de suivi locales qui permettent d’évaluer les besoins des personnes accueillies sur les différents territoires, de faire remonter les éventuelles difficultés rencontrées par les gestionnaires de structures ou de dispositifs d’hébergement et d’accompagnement afin de répondre à ces besoins et d’élaborer des réponses coordonnées.