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8 mars 2022

Programme AGIR : suivi de la mise en œuvre du programme et interpellation de la DGEF

Dans le cadre du suivi du déploiement du programme AGIR (voir article « Intégration des personnes étrangères : décryptage du programme AGIR »), la Fédération des acteurs de la solidarité a interpellé la direction générale des étrangers en France (DGEF) afin de soumettre différents points d’inquiétude et d’interrogation identifiés en lien avec ses adhérents. Si plusieurs points d’attention semblent partagés avec l’administration centrale, la déclinaison territoriale, via le lancement des marchés subséquents à l’accord-cadre et la mise en œuvre effective du programme, constituera un enjeu important afin de garantir la bonne articulation des différents dispositifs pouvant contribuer à l’accompagnement global et à l’insertion des personnes bénéficiaires d’une protection internationale. Cette préoccupation, ainsi que les inquiétudes liées aux modalités de financement du dispositif, et le regret de voir le programme AGIR remplacer certains dispositifs pré-existants sur plusieurs départements, continuera à alimenter nos échanges avec les services centraux et déconcentrés de l’État. 

Il convient tout d’abord de rappeler que le délai de réponse au marché (pour sa première phase de l’accord cadre) a été décalé du 28 février au 14 mars 2022, 12h. Par ailleurs, l’ensemble des points abordés ci-dessous ont été posés sous forme de questions sur la plateforme des achats de l’État (PLACE) et les réponses seront donc prochainement publiées. Vous pouvez vous référer à la consultation du marché AGIR sur PLACE et plus spécifiquement à la « foire aux questions » la plus récente (en date du 9 mars 2022), les questions posées par la FAS étant les questions n° 130 à 149.

Dans le cadre de ses échanges avec la DGEF, la Fédération a tenu à saluer l’objectif général du programme AGIR, soit la volonté de renforcer les moyens dédiés à l’accompagnement des bénéficiaires de la protection internationale, afin notamment de permettre une meilleure prise en charge des BPI qui n’ont pas bénéficié d’un accueil et d’un accompagnement spécialisé et qui ne sont pas hébergés. Elle a néanmoins regretté que les associations spécialisées n’aient pas pu être associées plus étroitement à la rédaction du cahier des charges du programme du fait des règles du marché public relative au respect de la concurrence et qui ont eu pour effet de restreindre les possibilités d’échanges concrets autour du contenu précis du marché en amont de sa publication.

Parmi les éléments d’inquiétudes soumis à la DGEF figuraient en particulier des questionnements autour de l’articulation entre différents types de dispositifs et le programme AGIR. Ainsi, la Fédération a tenu à rappeler son souhait de pouvoir voir co-exister les plateformes AGIR avec d’autres dispositifs qui interviendraient sur un territoire plus restreint du département concerné, sur des champs d’activités plus larges que les prestations logement et emploi (par exemple la santé, la mobilité, la culture, le soutien à la parentalité, etc.), ou encore que certaines plateformes pré-existantes sur certains départements puissent perdurer sans qu’AGIR ne soit déployé sur le territoire en question. Par ailleurs, des questions concrètes d’articulations avec les dispositifs d’accompagnement qui peuvent accueillir des personnes BPI se poseront au fur et à mesure du déploiement d’AGIR. La FAS s’interroge en particulier sur la remise en question des missions, et donc in fine des financements, de dispositifs assurant déjà des missions d’accompagnement, parfois au-delà des seuls volets logement et emploi, des BPI, qu’il s’agisse de structures d’hébergement généraliste, ou d’hébergement spécialisé comme les CADA/HUDA ou les CPH.

Sur ces différents éléments, les réponses publiées sur la plateforme des achats de l’État viendront préciser et officialiser les informations de la DGEF, mais la Fédération a retenu les points suivants :

  • Sur les volets logement et emploi, le programme AGIR constituera le guichet unique départemental de l’accompagnement des BPI et il a vocation à être déployé sur l’ensemble du territoire.
  • Les financements du BOP 104 seront consacrés aux autres volets de l’accompagnement global (apprentissage linguistique, santé, parentalité, etc) et devront être articulés avec le programme AGIR. Les dispositif qui comprenaient un accompagnement logement, emploi, ainsi que d’autres dimensions de l’accompagnement, sont invités à candidater au portage d’AGIR pour pouvoir continuer leurs activités sur les volets logement et emploi, et à présenter des projets pouvant être financés via le BOP 104 pour continuer leurs activités sur les autres volets.
  • Le programme AGIR interviendra a priori en subsidiarité et en complémentarité de l’accompagnement proposé en particulier en CPH. Pour les autres dispositifs, le programme AGIR pourrait être amené à davantage prendre le relai de l’accompagnement proposé.

Les différents éléments relatifs à l’articulation entre dispositifs seront précisés dans le cadre de notes de gestion, qui devraient être rédigées de manière concertée avec les acteurs spécialisés de l’accompagnement des BPI. Nous attendrons des informations ultérieures de la part de la DGEF quant à ces modalités de consultation et nous rappellerons à cette occasion l’enjeu de ne pas remettre en cause les dispositifs d’accompagnement intervenant auprès des BPI tels qu’ils existent aujourd’hui.

S’agissant des modalités de financement, qui inquiètent et interrogent fortement la Fédération et ses adhérents, il a été confirmé qu’il n’existait pas de marge de manœuvre pour les amender, et les échanges entre prestataires et acheteurs (soient les services déconcentrés de l’État) ont été cités comme pouvant permettre d’éventuelles adaptations au contexte. La Fédération a souligné le caractère inhabituel pour ce type de dispositif de certains éléments du modèle de financement, en particulier son caractère dégressif après 12 mois d’accompagnement ainsi que les primes accordées pour toute « sortie positive ». Elle a par ailleurs alerté la DGEF sur les risques de sélection des publics et de fragilisation financière des prestataires que représentent ces logiques de financement.

De plus, la Fédération a souligné plusieurs autres points d’attention relatifs aux délais de mises en œuvre du marché à partir de la notification, à l’importance d’assurer une continuité des accompagnements assurés par les dispositifs progressivement remplacés dans le cadre du déploiement d’AGIR, aux modalités concrètes d’orientation et de validation des entrées des bénéficiaires dans le programme AGIR. Elle a de nouveau insisté sur l’importance du portage politique assuré par les services centraux et déconcentrés, en particulier s’agissant de la facilitation de l’accès aux droits pour les personnes éligibles à un accompagnement par AGIR. En effet, alors que de multiples obstacles et délais sont observés (voir recensement des difficultés d’accès aux droits réalisé par plusieurs associations), le rôle et l’implication des administrations, et tout particulièrement des préfectures, sera essentiel afin d’agir aux côtés des opérateurs du programme AGIR pour garantir des parcours d’intégration les plus cohérents et efficients possibles pour les personnes concernées, et ne pas faire peser la responsabilité de ces problématiques sur les seuls prestataires du marché.

La Fédération demeure donc mobilisée afin de contribuer à une mise en œuvre la plus adaptée possible aux besoins des personnes bénéficiaires de la protection internationale du programme AGIR, qui prenne en compte les expertises développées par les acteurs spécialisés de l’accompagnement des BPI, tout en continuant à alerter sur des modalités financières qui pourraient s’avérer défavorables pour les opérateurs qui seront chargés du déploiement de ce marché et in fine pour la qualité de l’accompagnement des personnes concernées.