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21 février 2022

Intégration des personnes étrangères : décryptage du programme AGIR

Une des priorités de la politique d’intégration des personnes étrangères est l’intégration des personnes bénéficiaires de la protection internationale. Elle se traduit aujourd’hui par le déploiement progressif du programme « AGIR », qui suscite toutefois interrogations et inquiétudes au sein du réseau de la Fédération. Une circulaire adoptée le 25 janvier 2022 énonce les autres priorités de l’année relatives à la politique d’intégration.

Programme AGIR

Le programme AGIR vise à mettre en place des plateformes départementales spécialisées dans l’accompagnement des bénéficiaires de la protection internationale. Les structures porteuses de ces plateformes auront la charge de réaliser deux types de missions :

  • Une mission d’accompagnement des personnes BPI, centrée sur deux axes : l’accès au logement et l’accès aux droits d’un côté et l’accès à la formation et à l’emploi de l’autre.
  • Une mission de coordination des acteurs impliqués dans l’intégration des personnes BPI.

Le programme, inspiré de dispositifs d’accompagnement destinés aux BPI existants, a été présenté aux acteurs de l’asile au printemps 2021. Tel que présenté à l’origine, il a été accueilli avec intérêt, notamment en raison de son ambition de généraliser un accompagnement global pour tous les BPI présents sur un territoire, que ces personnes soient ou non hébergées dans le DNA.

Le choix a été fait par le ministère de l’Intérieur de procéder à la sélection des acteurs en charge du déploiement des plateformes via un marché publics, en deux phases : la publication d’un accord-cadre visant à réaliser une pré-sélection des acteurs pouvant prétendre à gérer les plateformes par lots régionaux, puis la publication de marchés subséquents dans les lots régionaux afin de sélectionner définitivement les prestataires.

Attention : la date limite de dépôt des offres pour l’accord-cadre, initialement prévue le 28 février, a été décalée au 14 mars, 12h.

Le format du marché public étant soumis à des règles strictes de respect de la concurrence, les échanges avec la direction générale des étrangers en France (DGEF) ont été très limités, mais la Fédération a néanmoins fait part à l’automne 2021 d’un certains nombre de points d’attention, s’agissant notamment de la remise en cause des dispositifs pré-existants d’accompagnement des BPI sur les territoires concernés par le déploiement du programme, ainsi que la nécessité de mettre en œuvre un accompagnement qui soit véritablement global et soit en capacité de répondre à l’ensemble des besoins des personnes concernées.

La Fédération a ensuite pris connaissance des modalités et du contenu précis du marché , comme l’ensemble des acteurs, au moment de sa publication à la fin du mois de décembre 2021 (voir l’article d’information publié sur le site de la Fédération, visant à diffuser la nouvelle de la publication du marché au sein du réseau).

Depuis, plusieurs point relatifs au contenu du marché, à ses modalités de déploiement et de financement ayant fortement interpellé la Fédération et ses adhérents, des éléments de commentaires et d’alertes ont été transmis à la DGEF. La Fédération s’inquiète en effet de l’annonce de la disparition progressive, au fur et à mesure du déploiement du programme AGIR, de dispositifs existants d’accompagnement des BPI, avec une perte d’expertise et des conséquences sur les activités des associations locales et spécialisées qui nous paraissent extrêmement dommageables, pour les personnes accompagnées comme pour nos adhérents. Nous nous interrogeons aussi sur l’articulation qui pourra être mise en œuvre entre les dispositifs d’hébergement qui accompagnent déjà les personnes BPI (tels que les centres d’hébergements généralistes ou encore les CADA ou les CPH) et les plateformes AGIR, avec, là encore, des inquiétudes quant à la prise en compte des expertises développées au cours des années et la pérennité des financements de l’accompagnement des personnes réfugiées au sein de ces structures. De plus, nous avons interpellé la DGEF sur les modalités de financement proposées dans le cadre du marché AGIR. En effet, une dégressivité du financement à partir de 12 mois d’accompagnement est prévue, ainsi qu’une logique de « prime » en cas de sortie « positive » (accès au logement ordinaire et éventuellement à l’emploi), ce qui interroge fortement le réseau de la Fédération quant aux conséquences en termes de sélection des publics que cela pourrait engendrer. Par ailleurs, on constate que le risque financier est entièrement porté par le prestataire en charge de la gestion de la plateforme, alors même que de multiples facteurs exogènes, tels que la question de l’accès et de la continuité des droits sociaux ou encore la disponibilité de logements abordables, viendront nécessairement impacter les parcours d’intégration des personnes accompagnées.

La Fédération veillera à informer ses adhérents de l’ensemble des informations complémentaires qu’elle sera en mesure d’obtenir et continuera à alerter les pouvoirs publics sur les difficultés repérées.

Orientations de la politique d’intégration des personnes étrangères primo-arrivantes, dont les BPI

La circulaire annuelle relative aux priorités de la politiques d’intégration des personnes étrangères primo-arrivantes, dont les BPI, a été publiée le 25 janvier 2022. Elle s’adresse aux préfets de région et de départements et détaille, dans une annexe, des éléments de gouvernance de la politique d’intégration, les évolutions relatives aux « territoires d’intégration » (fusion des différents types de contrats d’accueil et d’intégration qui ciblaient initialement les personnes réfugiées), et énonce les actions d’intégration susceptibles d’être financées par le programme 104 du budget de l’Etat.

Une nouveauté introduite en 2021 et confirmée en 2022 est celle de la réorganisation des actions du BOP 104 qui a entrainé une nouvelle répartition des compétences au sein de la DGEF. Ainsi, l’action 15 « intégration des réfugiés », finance désormais les centres d’hébergement spécifiques pour les BPI (principalement les CPH) ainsi que quelques actions particulières à destination des BPI, mais les actions d’intégration sont désormais majoritairement financés par l’action 12 « accueil et accompagnement des étrangers primo-arrivants » avec le maintien d’une attention particulière portée à l’intégration des BPI, mais une mixité du public bénéficiaire, entre BPI et étrangers primo-arrivants « de droit commun », qui tend à être encouragée. Ainsi, la Direction de l’intégration et de l’accès à la nationalité (DIAN) a repris en main le pilotage de la politique d’intégration dans son ensemble, qu’elle s’adresse aux BPI ou aux autres personnes primo-arrivantes (alors qu’auparavant la direction de l’asile supervisait la politique d’intégration des BPI).

Les crédits de l’action 12 sont déconcentrés pour leur majorité et sont donc à la main des préfets qui sont invités à passer des appels à projets régionaux ou départementaux, à conventionner de gré à gré avec des acteurs connus ou répondant à des priorités de politique publique, ou encore à passer des marchés publics.

La circulaire souligne 5 « axes d’intervention » que les préfets sont invités à prioriser :

  • L’intégration par l’emploi est présentée comme une « priorité absolue »: mobilisation du service public de l’emploi, a minima 60% des crédits doivent être consacrés à l’accompagnement vers l’emploi, l’accompagnement global ou de français à visée professionnelle. Il est aussi précisé que les « difficultés périphériques » telles que l’accès aux droits, la santé ou la mobilité doivent être traitées, et les préfets sont invités à délivrer et renouveler les titres de séjour dans les « délais requis » pour éviter les ruptures de parcours.
  • Une attention particulière doit être apportée à l’intégration des bénéficiaires de la protection internationale (avec le soutien à des projets « structurants », en articulation avec le déploiement progressif du programme AGIR) et aux femmes étrangères dont l’accès au marché du travail est moindre que celui des hommes étrangers (des actions d’allers vers ainsi que des actions pour la garde d’enfants, en lien avec les collectivités territoriales, sont encouragées)
  • Le rôle de la société civile doit être soutenu : avec des programmes de service civique pour les personnes étrangères (Volont’R), de parrainage ou de mentorat. La participation des personnes accompagnées est encouragée
  • Le déploiement des « territoires d’intégration » avec les collectivités territoriales doit être approfondi : il est demandé aux préfets de dédier 15% des crédits qui leur sont délégués à ces démarches de contractualisation avec les collectivités territoriales
  • S’agissant de la gouvernance, elle est décrite comme « interministérielle par essence » et il est demandé aux préfets d’assurer une coordination efficace de l’action des services et opérateurs de l’Etat ainsi qu’un partenariat fort avec les collectivités locales, les entreprises et les associations. Des coordinateurs intégration doivent être nommés et des comités de pilotage réguliers organisés.

Les pages 13 à 26 de l’annexe détaillent les différentes actions susceptibles d’être financées via les crédits déconcentrés et qui pourront donc faire l’objet d’appels à projet au niveau régional ou départemental. Les thématiques abordées sont les suivantes : l’emploi, l’accès aux droits, le vivre ensemble et l’appropriation des valeurs et principes de la République, l’accompagnement global des BPI (avec une distinction entre les départements concernés par le déploiement d’AGIR en 2022, sur lesquels les actions d’accompagnement sur les volets emploi et logement pour les BPI ont vocation à prendre fin, et les autres), et enfin l’apprentissage linguistique.