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10 septembre 2020

Une circulaire AHI aux orientations Logement d’abord

La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a publié le 8 septembre 2020 une instruction relative aux orientations pour le secteur « Accueil hébergement et insertion » pour les années 2020 et 2021. Contrairement aux années précédentes, cette instruction ne précise pas les financements accordés aux différents dispositifs mais détaille les principales orientations du secteur.


Veille sociale : un accent mis sur le recensement des personnes à la rue

La circulaire n’annonce pas de moyen supplémentaire pour la veille sociale – reprenant uniquement le montant déjà connu de 4M€ alloués aux accueils de jour – mais insiste sur la mission de repérage des publics par les acteurs de terrain en «systématisant le recensement du nombre de personnes ayant été accueillies ou repérées par les acteurs de la veille sociale », en exploitant les comptes rendus et rapports d’activité des maraudes et en développant des enquêtes de terrain sur le nombre de personnes à la rue.

Si la Fédération soutient le besoin d’appuyer les équipes de la veille sociale et leur mission d’observation sociale notamment à l’aune du Logement d’abord, les acteurs de la veille sociale – parent pauvre du secteur – nécessitent toutefois des moyens dédiés et le respect des principes structurants du secteur (inconditionnalité de l’aller-vers, libre adhésion, respect de la temporalité et du projet des personnes, etc.) au-delà du simple recensement des personnes à la rue.

Une affirmation du rôle central des SIAO… qui nécessite des moyens supplémentaires

Dans la continuité des orientations déjà observées dans les éléments préfigurant le futur service public de la rue au logement et dans la circulaire Logement d’abord du 3 juin 2020 , le rôle central des SIAO dans la politique du logement d’abord est réaffirmé. En s’appuyant notamment sur les résultats de l’enquête de l’ANSA (annexe 1 de la circulaire), l’instruction développe ainsi quatre axes de renforcement : le pilotage des SIAO par les services de l’Etat par la mise en place d’indicateurs et d’objectifs, une réflexion sur l’organisation territoriale visant à la création de SIAO interdépartementaux voire régionaux, un renforcement de certaines missions et un rappel de la circulaire du 4 juillet 2019 permettant la transmission de données entre les SIAO et l’OFII.

Concernant le renforcement du pilotage des SIAO par les services de l’Etat, la Fédération insiste sur le fait que les objectifs et indicateurs qui seront mis en place devront être concertés avec les acteurs associatifs du secteur, en tenant compte de la réalité de chaque territoire. Les SIAO ne peuvent en effet être tenus responsables des difficultés d’accès au logement alors qu’ils n’ont aucune prise sur la politique publique du logement, que ce soit dans la production de logements abordables ou dans les attributions. De même, les réflexions sur une nouvelle organisation territoriale des SIAO doivent s’appuyer sur des diagnostics précis et des volontés locales et ne peuvent avoir comme seul objectif une mutualisation de certains services permettant une rationalisation budgétaire visant à dégager des moyens pour réaliser les missions que l’Etat souhaite renforcer.

Les orientations vers le logement accompagné ou vers le logement sont notamment fortement encouragées à être développées. Pour cela, l’instruction demande, comme les années passées, à ce que les SIAO aient une visibilité sur l’ensemble des places des dispositifs de logement accompagné, souhaite la constitution d’un vivier de demandeurs de logement à mettre à jour régulièrement par les SIAO et encourage la constitution systématique d’une demande de logement pour les personnes éligibles, sous contrôle des SIAO. L’instruction rappelle également l’obligation d’utiliser l’outil SYPLO, conformément à l’instruction du 3 juin 2020, et insiste sur la constitution de partenariats avec les bailleurs sociaux pouvant être facilités par les services de l’Etat.

Si la Fédération est favorable à la structuration et au renforcement des missions liées au logement et au logement accompagné, qu’elle est d’ailleurs prête à accompagner auprès de ses adhérents, il apparait incontournable d’augmenter les moyens humains et financiers pour atteindre cet objectif. La formation des professionnels des SIAO à une meilleure connaissance des dispositifs de logement accompagné et d’accès au logement est également une des conditions de réussite à mobiliser rapidement.

L’Etat a également souhaité, par le biais de cette instruction, faire un rappel des objectifs de la circulaire du 4 juillet 2019 et indique que l’OFII réalisera une enquête sur l’effectivité de l’application de la circulaire et sur ses effets produits. La présente instruction insiste toutefois sur la nécessité de respecter la spécialisation budgétaire et d’éviter un « déport […] vers l’hébergement généraliste ». Il est également demandé d’orienter les personnes sous procédure Dublin vers les pôles régionaux et d’orienter les personnes déboutées du droit d’asile vers les dispositifs de préparation au retour (DPAR). Ces demandes vont bien au-delà de la circulaire du 4 juillet 2019 et surtout au-delà des missions des SIAO et des acteurs du secteur AHI qui n’ont pas vocation à participer à la politique migratoire définie par le Ministère de l’Intérieur.

La structuration et la transformation du parc d’hébergement à travers les CPOM

L’instruction rappelle aux services déconcentrés de veiller au respect des principes d’inconditionnalité de l’accueil et de continuité de l’hébergement et prolonge la circulaire du 2 juillet 2020 en fixant l’objectif de maintien des places d’hébergement d’urgence ouvertes pendant la crise sanitaire pour éviter les remises à la rue sèche. Le coût cible pour ces places est de 25€/jour au maximum et de 34€/jour en Ile-de-France. L’instruction annonce la publication d’un cahier des charges sur l’hébergement d’urgence qui précisera les prestations proposées aux personnes hébergées – en comprenant notamment des prestations d’hébergement et d’alimentation. La fédération s’associera à ce travail pour défendre la nécessité d’un accompagnement et des prestations de qualité comme préalables à l’insertion des personnes mais s’interroge sur ce travail de définition des prestations alors que le tarif maximum de 25€/jour déjà défini ne permet pas nécessairement un accompagnement de qualité.

L’instruction indique que les personnes accueillies dans les nouvelles places d’hébergement d’urgence doivent systématiquement avoir une évaluation sociale active. Si la Fédération soutient fortement le travail d’évaluation et d’accès aux droits et notamment au logement, elle s’interroge sur les moyens dont disposent les acteurs de terrain pour le réaliser.

L’instruction demande aux services déconcentrés d’opérer une substitution des places d’hôtel en affectant les crédits à des places d’hébergement d’urgence pérennes, des places de CHRS ainsi que des places d’intermédiation locatives et de pensions de familles. Cette orientation va dans le bon sens et s’inscrit dans une stratégie de réduction des nuitées d’hôtel soutenue par la Fédération.

L’Etat indique souhaiter lancer un chantier de convergence des coûts de l’hébergement d’urgence afin de mettre en cohérence les coûts avec le niveau d’accompagnement. Ce travail devrait être lancé d’ici la fin de l’année 2020. A cet effet, l’instruction précise que « toutes les places ouvertes et financées sur chaque exerce doivent être recensées [dans l’étude nationale des coûts], y compris les places temporaires, les places hivernales, ou les places ouvertes en cours d’année ». La fédération rappelle à ces adhérents que les seules les places ayant été ouvertes pendant plus de 9 mois doivent être remplies dans l’ENC. La Fédération s’interroge sur ce travail annoncé de convergence des coûts alors que la qualité des réponses apportées aux personnes hébergées dans le dispositif d’hébergement d’urgence se dégrade et défendra la nécessité d’apporter un accompagnement de qualité dans l’hébergement d’urgence.

L’Etat poursuivra la transformation de l’offre d’hébergement en s’appuyant sur la contractualisation avec les associations dans le cadre de CPOM. En raison des retards liés à la crise sanitaire, les services déconcentrés peuvent modifier la programmation régionale telle qu’elle avait été décidée via un arrêté pris après avis du CRHH. Au regard de l’importance de cette contractualisation, la Fédération rappelle que la signature d’un CPOM nécessite une phase longue de diagnostic partagé, de réflexion et de stratégie. La Fédération précise qu’il n’y a aucune sanction prévue à la non signature d’un CPOM dans la programmation initialement prévue et que la DGCS invite les services déconcentrés à adapter la programmation si besoin.

L’Etat précise les modalités de transformation de places de CHU en CHRS dans le cadre de CPOM, soit via l’extension des places de CHRS existantes jusqu’à 100% de leur capacité d’accueil (c’est-à-dire qu’un CHRS de 30 places pourra augmenter son nombre de places jusqu’à 60 places) ou dans le cadre de la transformation de centres. La Fédération rappelle dans son décryptage du CPOM CHRS les conditions à respecter pour assurer une transformation positive de CHU en CHRS garantissant des conditions d’accompagnement et d’hébergement de qualité pour les personnes, avec notamment la mobilisation des crédits d’humanisation et l’augmentation des crédits alloués à l’accompagnement. L’instruction précise que 826 places ont déjà été transformées pour un montant de 7,5M€ (soit des places à hauteur de 9 000€ annuel) en année courant et qu’il est prévu le passage de 4 500 places sous statut CHRS d’ici 2022. Alors que la Fédération soutient l’extension du régime de l’autorisation aux centres CHU notamment ceux proposant un accompagnement et des conditions d’hébergement les plus proches de ceux proposés en CHRS, la transformation opérée des places ne doit pas cibler les places de faible qualité et faiblement financées sous peine de diminuer les coûts moyens des places en CHRS et de poursuivre la convergence à la baisse des coûts de l’hébergement et donc la qualité des prestations proposées.

L’instruction comprend dans ses annexes une fiche sur la « transformation de l’offre dans le cadre du logement d’abord » et un tableau récapitulatif des possibilités de transformation. La transformation de l’offre peut concerner le passage sous statut autorisé de places d’hébergement déclarés, la transformation de places d’hébergement en collectif en hébergement diffus, la transformation d’une activité d’hébergement en activité d’accompagnement hors les murs, la transformation d’une activité d’hébergement en activité de logement accompagné et l’humanisation des structures d’hébergement (8 M€ prévus pour l’année 2020 ainsi que 10M€ annoncés dans le plan de relance de l’Etat). La Fédération salue l’effort de pédagogie de l’Etat et soutient une partie des orientations proposées concernant l’extension du CHRS, le développement du CHRS hors les murs ou l’humanisation des centres d’hébergement mais les questions de transformation sont au cœur des projets d’établissement et des projets d’association et nécessitent un travail de fond avec les associations et les têtes de réseau. Par ailleurs, la possibilité ouverte de transformation de places d’hébergement notamment CHRS en intermédiation locative et en pensions de familles nous semble très problématiques, comme l’avait déjà dénoncé la Fédération dans la partie « sur la transformation de l’offre dans l’optique du logement d’abord » du décryptage sur les CPOM CHRS, et nécessite un travail commun entre services de l’Etat et associations. Au-delà de la différence de financements, les conditions d’accès (nécessité de contribuer financièrement à son loyer) et les modalités d’accompagnement proposées par ces dispositifs ne les rendent   pas   systématiquement accessibles aux personnes hébergées. Dès lors la transformation de places d’hébergement en logements adaptés contient un risque de sélection des publics. Par ailleurs, concernant le déploiement du CHRS hors les murs, la Fédération se félicite de la reprise d’une partie des éléments de son guide et invite les associations dont le déploiement du hors les murs ne respecte pas le cadre décrit (accord du gestionnaire, économies attendues uniquement à terme, etc.) à se rapprocher de leur fédération régionale.

Des actions d’accompagnement ciblées pour des publics spécifiques

La circulaire précise les modalités de prise en charge et d’accompagnement pour trois types de public spécifique : les ménages hébergés à l’hôtel, les femmes victimes de violences et les bénéficiaires de la protection internationale (BPI). Pour les ménages hébergés à l’hôtel, les services de l’Etat indiquent vouloir développer des plateformes d’accompagnement social, portées par des opérateurs uniques, dans les territoires où l’accompagnement social de ces ménages n’est pas assuré par le droit commun. Considérant que l’hébergement hôtelier n’est pas adapté et qu’il permet difficilement une insertion réussie et durable des personnes, cette proposition semble aller dans le bon sens. Néanmoins, la Fédération sera vigilante quant aux crédits alloués à ces plateformes.

Pour la prise en charge des femmes victimes de violences, l’instruction renvoie aux mesures définies par le Grenelle contre les violences conjugales auquel la Fédération a été associée : géolocalisation des places d’hébergement spécifique à disposition des forces de l’ordre, meilleur coordination entre le 39 19 et les SIAO, accès à la garantie VISALE et création de 1 000 places d’hébergement dont le détail par région est précisé en annexe 7 de la circulaire. 1 000 places supplémentaires doivent ouvrir en 2021, selon un cahier des charges identique à celui de 2020 (annexe 10) proposant toujours un prix de journée à 25 €, soit le même montant que pour l’hébergement d’urgence généraliste, alors même que les différents réseaux alertent sur ce financement qui ne permet pas de prodiguer un accompagnement adapté aux victimes de violences.

L’action d’accompagnement vers et dans le logement des bénéficiaires de la protection internationale est poursuivie en 2020 avec une enveloppe identique à celle de 2019, soit 11 M€, mais avec des objectifs de captation de logements en diminution, 10 000 logements pour 2020 contre 16 000 en 2019, du fait du contexte sanitaire. Afin de donner plus de précisions pour la mise en œuvre de cet accompagnement, la circulaire renvoie à la note signée par les ministres déléguées au Logement et à la Citoyenneté publiée le 24 août dernier dont la Fédération propose une analyse.

Une poursuite des objectifs définis par la circulaire du 3 juin pour le logement accompagné

La circulaire d’orientation n’apporte pas de nouvelles informations au sujet du logement accompagné et indique de nouveau les objectifs de création de places fixés par la circulaire du 3 juin soit 8 850 places d’intermédiation locative et 2 000 places en pension de famille. Comme nous l’indiquions dans notre article, ces objectifs sont une reconduction de ceux de 2019 et ne laissent pas présager un changement d’échelle de la politique du Logement d’abord, demandé par la Fédération et les associations, pourtant nécessaire pour faire face aux conséquences de la crise actuelle et à la volonté d’en finir avec le sans-abrisme.