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21 septembre 2021

Accueil du jeune enfant : état des lieux 2019 et publication des résultats de l’AMI « accueil pour tous »

Rapport de l’observatoire national de la petite enfance 2020 (données 2019)

L’observatoire national de la petite enfance a publié en 2020 son rapport annuel relatif à l’accueil du jeune enfant, sur la base des données de l’année précédente, soit 2019. Le rapport propose tout d’abord des éléments de contexte s’agissant des enfants de moins de 6 ans en France :

  • Stabilisation de la fécondité en 2019 : le nombre d’enfant par femme baisse de manière continue depuis 2014, mais la diminution a été plus limitée en 2019 que précédemment. L’indice de fécondité était ainsi de 1,87 enfant par femme en 2019 (1,88 en 2018). De manière globale, le nombre d’enfants de moins de 6 ans continue de baisser (depuis 2012)
  • La majorité des enfants de moins de 3 ans vivent avec leur deux parents (85%), tout comme les enfants entre 3 et 5 ans (79%). 13% des moins de 3 ans vivent dans une famille monoparentale, 17% entre 3 et 5 ans. Les enfants vivant en familles monoparentales vivent, pour une grande majorité d’entre eux, à titre principal avec leur mère, et parmi eux, une majorité ne résident pas régulièrement chez leur père (p. 12)
  • Le taux d’emploi diminue avec le nombre total d’enfants mineurs à charge, en particulier pour les femmes. De plus, le taux d’emploi des mères cheffes de familles monoparentales est inférieur à celui des mères en couple. Ainsi, moins de la  moitié  (47 %) des mères d’un enfant unique âgé de moins de 3 ans sont en emploi lorsqu’elles vivent sans conjoint, contre 74 % lorsqu’elles vivent en couple. (p. 13)
  • Les femmes sont par ailleurs beaucoup plus susceptibles que les hommes de travailler à temps partiel, d’autant plus lorsque la famille est composée de plusieurs enfants. Par ailleurs, la moitié des mères en couple à temps partiel vivant avec au moins un enfant mineur le sont pour s’occuper de leur(s) enfant(s) (ou d’un autre membre de la famille) ; ce taux atteint 66 % si l’on se restreint à celles ayant un enfant de moins de 3 ans. Parmi elles, 13 % sont à temps partiel parce que les services de garde d’enfants sont insuffisants ou trop chers. (p. 13) De plus, le temps partiel est loin d’être toujours choisi par les femmes, notamment les cheffes de famille monoparentale.
  • Enfin, le niveau de vie moyen des jeunes enfants vivant en famille monoparentale ou recomposée est plus faible que celui des enfants vivant en famille dite « traditionnelle » : un enfant de moins de 6 ans sur cinq, vit dans un ménage pauvre, mais ce pourcentage monte à presque 50% pour les enfants de moins de 6 ans en famille monoparentale. (p.14-15)
  • Le risque de  pauvreté  des  enfants  dépend  surtout  de  la  situation  de  leurs  parents  vis-à-vis du marché du travail. Il est plus élevé dans les ménages inactifs ou touchés par le chômage : la pauvreté touche les trois quarts des enfants qui vivent avec deux parents au chômage ou inactifs, ou avec un seul parent sans emploi. (p. 15)

Le rapport analyse l’offre totale d’accueil sur le territoire, soit le nombre de places disponibles auprès d’assistantes maternelles, en établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE), en classes préélémentaires et auprès de salariées à domicile. La capacité d’accueil s’établissait à 59,3 places au 31 décembre 2018 pour 100 enfants de moins de 3 ans pour la France entière (hors Mayotte). Cela représente une légère augmentation par rapport à 2017 (58,9 places pour 100 enfants de moins de 3 ans), principalement dû à la baisse de la démographie. Cette capacité d’accueil se divise, par ordre décroissant : (une place n’équivaut pas à un enfant, un même enfant pouvant être accueilli par plusieurs modes d’accueil différents)

  • Assistantes maternelle : 33,2 places pour 100 enfants de moins de 3 ans
  • Accueil en EAJE : 20,1 places
  • Ecole maternelle (à partir de 2 ans) : 3,9 places
  • Salariée à domicile : 2,1 places.

Accueil collectif en EAJE : en 2018, 460 100 places sont offertes par les établissements d’accueil du jeune enfant, soit + 2,5 % par rapport à 2017. En France métropolitaine, 20,3 enfants de moins de 3 ans peuvent bénéficier d’une place en accueil collectif et 17,4 enfants dans les Drom. Le multi-accueil est le premier contributeur de cette offre, représentant 82,0 % des places totales. Les micro-crèches, deuxième contributeur, participent à hauteur de 10,6 % du parc. Les crèches parentales, quant à elles, représentent moins de 1 % de l’offre totale des Eaje. Le nombre de places offertes par l’ensemble des Eaje progresse depuis plus de dix ans. Entre 2017 et 2018, le nombre de places a augmenté de 11 300 (+ 2,5 %) grâce à la croissance des micro-crèches Paje (+ 7 500). Il faut néanmoins souligner que les objectifs de création nette de places fixés à la CNAF par la COG 2018-2022 ne seront pas atteints, en dépit d’efforts importants fournis par la Branche famille pour composer les effets de la crise sanitaire et sociale et soutenir et maintenir les efforts de créations de places. Il est encore à noter que de fortes inégalités territoriales peuvent être constatées s’agissant de chacun des modes d’accueil à disposition des parents, avec des taux de couverture très variables.

La troisième partie du rapport étudie le recours aux différents modes d’accueil de la part des familles. Elle fait référence à une étude de la DREES « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » qui date cependant de 2013, et indique qu’une nouvelle édition de cette enquête était en cours de préparation. En 2013, au cours de la semaine, du lundi au vendredi, de 8 heures à 19 heures, 61 % des enfants de moins de 3 ans sont gardés la majeure partie du temps par un de leurs parents. En dehors des parents, l’accueil chez une assistante maternelle agréée constitue le mode d’accueil à titre principal le plus fréquent (19 %). Vient ensuite l’accueil en établissements d’accueil du jeune enfant (Eaje) qui concerne 13 % des jeunes enfants ; 3 % des enfants sont pris en charge la majeure partie du temps par leurs grands-parents ou un autre membre de la famille. Enfin, l’école est le mode d’accueil principal de 3 % des moins de 3 ans. Cette part s’établit à 8 % pour les enfants de 2 ans. (p.46).

Par ailleurs, l’étude montre que les familles monoparentales ont moins recours à un mode d’accueil formel, et seuls 16% des enfants des familles les plus modestes sont accueillis au moins une fois en EAJE.

S’agissant du recours au complément d’activité permettant de compenser partiellement la perte de revenus liée à la suspension totale ou partielle de l’activité professionnelle afin de s’occuper de son enfant, on constate que la PreParE, qui a fait l’objet d’une réforme en 2015, dont le bilan est aujourd’hui critiqué (cf. article bilan activité CNAF 2019), est très peu mobilisée par les pères. Malgré le récent rallongement du congé paternité, intervenu à la suite de la publication du rapport sur les 1000 premiers jours de l’enfant qui préconisait une augmentation du temps de congé paternité encore plus importante, on constate donc que les inégalités femmes/hommes relatives à l’interruption de l’activité professionnelle lors de la naissance d’un enfant demeurent très importantes.

Le rapport s’attache par la suite à l’étude des coûts et investissements relatifs aux modes d’accueil du jeune enfant. En 2019, le montant des dépenses des acteurs publics (CNAF, MSA et collectivités) pour l’accueil des enfants de 0 à 6 ans s’élève à 33 milliards d’euros : environ la moitié pour les enfants de moins de 3 ans (15,3 milliards), principalement par la branche famille de la Sécurité sociale (CNAF) pour financer les modes d’accueil collectif et individuel, et 18,1 milliards pour l’accueil des enfants de 3 à 6 ans, l’Education nationale et les collectivités étant là les principaux financeurs pour assurer la scolarisation.

La branche Famille est le principal financeur de l’accueil des enfants de moins de 6 ans avec 12,1 milliards d’euros dépensés, soit 36% de l’ensemble et par classe d’âge, 68% des sommes consacrées à l’accueil des enfants de moins de 3 ans, et 10% de celles mobilisées pour les 3 à 6 ans. Les collectivités territoriales dépensent 11 milliards d’euros pour les EAJE et les écoles du premier degré, et sont responsables de 20% des dépenses pour la tranche d’âge 0-3 ans et 43% pour les 3-6 ans. L’Education nationale intervient en consacrant 8,4 milliards d’euros à la scolarisation des enfants de moins de 6 ans, majoritairement de 3 à 6 ans. Enfin, l’administration fiscale supporte une dépense de 8,1 milliards d’euros due aux crédits ou réductions d’impôt, au financement du régime d’imposition spécifique pour les assistantes maternelles et enfin au crédit d’impôt famille pour les entreprises. On constate que si le total des dépenses consacrées à l’accueil a augmenté de 1,4% entre 2013 et 2020, la participation de la branche famille est en légère baisse tandis que les contributions de l’Etat et des collectivités territoriales ont augmenté.

Le rapport présente ensuite des « cas-type » visant à analyser le coût net de l’accueil pour les familles ainsi que les participations financières des différents acteurs et à comparer les différents modes d’accueil au regard de ces éléments. Voir pages 92 à 106. On note que le taux d’effort médian à fournir par une famille monoparentale pour une solution d’accueil est de 8,10%, alors qu’il est de 5,27% pour les couples (p. 99). Le « bonus mixité » dont l’objectif est de représenter un levier favorisant l’accueil des enfants issus de familles en situation de précarité et de permettre une mixité sociale au sein des EAJE via un financement complémentaire accordé aux établissements, est présenté dans cette partie. La Fédération avait, avec d’autres partenaires, alerté sur des modalités de calcul qui ne semblaient pas adaptées pour représenter un réel levier de mixité sociale et une incitation suffisante pour organiser l’accueil d’enfant en situation de pauvreté. Le contexte de la crise sanitaire due à l’épidémie de Covid-19 n’a néanmoins pas permis d’effectuer une réel évaluation de cette mesure.

Enfin, le rapport évoque dans une cinquième partie deux rapports relatifs aux conditions d’accueil des jeunes enfants, dont un concerne l’accueil des enfants de moins de trois ans en situation de pauvreté dans les structures d’accueil collectif en France et à l’international. Commandité par la CNAF, ce rapport évoque la manière dont les professionnel.les de la petite enfance sont formé.es à la prise en compte des situations de pauvreté des jeunes enfants. Un premier constat est celui que les conditions de travail des professionnel.les de la petite enfance sont « problématiques », en termes de reconnaissance, de niveau de rémunération et d’organisation du travail. A ce constat global s’ajoute celui d’une division du travail en fonction des diplômes et donc des niveaux de formation : les personnes les plus directement en contact avec les enfants sont en effet les moins formées. La formation initiale des professionnel.les s’agissant de la prise en compte des spécificités des enfants en situation de précarité est limitée et la présence de ces thématiques dans les contenus de formation continue effectivement suivis est très inégale.

Un plan de formation des professionnel.les de la petite enfance, mesure de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, a récemment été mis en œuvre pour répondre à ces enjeux et il conviendra d’évaluer ses effets auprès des professionnel.les concerné.es et des enfants et familles accueillies (cf. article plan de formation professionnel.les de la petite enfance).

Résultats de l’appel à manifestation d’intérêt « Accueil pour tous »

Les résultats de l’AMI « Accueil pour tous » ont été annoncé en juillet 2021 par le Secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles. Au total, 21 projets ont été retenus dans 15 territoires marqués par des critères de fragilité sociale et de faiblesse de l’offre d’accueil de la petite enfance : l’Aisne, l’Aube, l’Aude, l’Ariège, la Corse du sud, la Creuse, le Nord, le Pas-de-Calais, la Seine-Saint-Denis, le Tarn-et-Garonne, le Val d’Oise, le Vaucluse, la Guyane et Mayotte. Il s’agit principalement de projets portés par des collectivités territoriales. Retrouver la liste des lauréats et la description des projets ici.

Le communiqué de presse du ministère précise que « les territoires retenus bénéficieront d’un soutien direct de l’État allant de 80 000 à 480 000€ au titre de l’appel à manifestation d’intérêt. Ils seront par ailleurs accompagnés dans le déploiement de leur projet par les CAF de leur département, qui mobiliseront notamment à cet effet les leviers nouveaux adoptés par le conseil d’administration de la CNAF début 2021 et annoncés dans le cadre du comité interministériel des villes du 29 janvier dernier (200M€ d’aides financières supplémentaires, et mise à disposition d’un soutien technique en ingénierie). »

La Fédération défend depuis de nombreuses années le développement de solutions d’accueil du jeune enfant accessibles et adaptées aux conditions de vie des personnes en situation d’exclusion et de précarité, notamment s’agissant du reste à charge, de la possibilité d’obtenir une place en EAJE en l’absence d’une activité professionnelle, ou encore des horaires d’ouverture des établissements. Si certains partenariats intéressants peuvent exister au sein du réseau de la Fédération entre des structures de l’AHI et des lieux d’accueil du jeune enfant, la FAS continue de regretter le manque de solutions permettant de garantir un accueil des enfants les plus précaires, qui contribueraient pourtant au soutien à la parentalité et aux parcours d’insertion de ces familles et plus globalement à la lutte contre la reproduction des inégalités.