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10 septembre 2020

Rapport activité 2019 de la Branche Famille de la Sécurité Sociale

La Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) a publié cet été son rapport d’activité 2019 qui rend compte de son action avec le réseau des caisses d’allocations familiales (Caf).

Au 30 juin 2019, les 101 caisses d’allocations familiales (Caf) réparties dans l’ensemble des départements français comptaient 13,5 millions d’allocataires, représentant 32,7 millions de personnes couvertes, dont 13,9 millions d’enfants. La branche Famille de la Sécurité Sociale (formée par la Caisse nationale d’allocations familiales – CNAF et le réseau des Caf) termine l’année 2019 avec un excédent de 1,5 milliards d’euros (il était de +0.4 Md€ en 2018), soit un meilleur résultat que les dernières prévisions pour 2019 inscrites dans la loi de financement de la Sécurité Sociale de 2020 (prévision de 0.8 Md€ d’excédents).

Le rapport de juin 2020 de la Commission des comptes de la Sécurité Sociale (CCSS) sur les résultats 2019 et les prévisions 2020 précise que les prestations légales de la CNAF qu’elle finance et verse à ses allocataires (31.4 Md€)1 englobent les prestations d’entretiens en faveur des familles (60%) et les prestations d’accueil du jeune enfant (PAJE, 36%). Les autres prestations (4%) concernent principalement la prise en compte du handicap d’un enfant dans la famille. Or, la croissance des prestations d’entretien (dont font partie notamment les allocations familiales, complément familial, allocation de soutien familial) a ralenti en raison de la fin des revalorisations exceptionnelles mises en place par la stratégie pauvreté précédente (lancée en 2013) et de la limitation de la revalorisation des prestations à 0.3%, décidée dans le cadre de la LFSS 2019, alors qu’elle aurait atteint 1.6% selon les modalités de revalorisation habituelles. La Fédération et ses partenaires du collectif Alerte avaient vivement critiqué cette décision gouvernementale de quasi-gel d’allocation et de prestations, qui bénéficient principalement aux personnes en situation de pauvreté et pèsent fortement dans leurs ressources. Elle continuera à porter cette revendication à l’occasion du vote du prochain budget.

La CCSS souligne que les « autres prestations » financées par la branche Famille ont, elles, connu une croissance plus significative, bien que les taux de croissance restent inférieurs à l’année 2018. Enfin, les prestations relatives à la petites enfance (PAJE) ont continué à décroitre, en raison du recul du nombre des naissances (bien que le rythme de cette baisse ralentisse : -0.7% en 2019 contre -1.4% en 2018), mais aussi la diminution du recours au congé parental depuis la mise en place de la PrePaRe dont le bilan est largement critiqué2.

Le rapport d’activité 2019 de la CNAF évoque la contemporéanisation des aides personnelles au logement (APL) qui devait être mise en place en 2019 mais dont la mise en œuvre a été repoussée à plusieurs reprises, dernièrement en 2020 en raison de la crise sanitaire. La CNAF indique avoir réalisé les travaux préparatoires, notamment en terme d’adaptation informatique et de capacité de formation des salariés des Caf. La Fédération et le collectif des associations unies ont à de nombreuses reprises pointé les risques de cette réforme pour les ménages modestes, mettant en avant que les économies attendues ne pouvaient que se traduire par une baisse de ressources pour les plus précaires et s’étonnant que cette réforme soit maintenue malgré la crise.

La CNAF fait aussi mention de la nécessaire prise en compte des évolutions numériques et souligne le lancement de la plateforme « La Caf à votre écoute » visant à recueillir l’avis des allocataires sur la qualité des services proposés par les Caf. La Fédération des acteurs de la solidarité soulève depuis plusieurs années le sujet de la dématérialisation des services publics et la nécessaire prise en compte des inégalités d’accès et de maitrise des outils numériques. Le Défenseur des droits est régulièrement saisi de ces questions et a publié en janvier 2019 un rapport intitulé « Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics » qui formule un certain nombre de recommandations dont le maintien permanent d’une solution d’accès non dématérialisée, l’amélioration de l’accompagnement des personnes aux usages du numérique et la simplification des démarches. Ces thématiques sont régulièrement abordées dans les échanges de la Fédération avec la CNAF dans le cadre de travaux sur les questions d’accès aux droits et de lutte contre le non-recours.

Alors que la « lutte contre la fraude » reste un objectif majeur des différentes branches de la Sécurité Sociale, le rapport d’activité de la CNAF souligne la mise en place d’un droit à l’erreur, notamment à travers le site internet oups.gouv.fr, en application de la loi Essoc du 10 août 2018 et rend compte de l’activité des médiateurs des Caf. En 2019, 16 800 dossiers ont été reçus par les médiateurs, principalement au sujet des APL, du RSA ou de prestations liées au handicap. Environ un tiers des saisines relèvent d’une erreur de la Caf et 31% des dossiers donnent lieu à une révision de droit tandis que 14,1% sont orientés vers un autre service.

S’agissant des activités « enfance et parentalité » de la CNAF, le rapport d’activité mentionne en particulier la mise en place, qualifiée de « difficile », de la réforme du complément de libre choix du mode de garde (Cmg), censé simplifié les démarches des parents bénéficiant de cette allocation. La CNAF évoque de plus les « bonus » mis en place depuis 2019, et qui font partie des mesures présentées dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Il s’agit du bonus « territoire prioritaire » qui vise à favoriser l’ouverture de places d’établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) dans les quartiers prioritaires de la ville, du bonus « handicap » qui cherche à développer l’accueil d’enfants porteurs de handicap et enfin du bonus « mixité sociale » visant à encourager l’accueil d’enfants dont les familles sont en situation de précarité. Ces bonus ont été accueillis de manière mitigée par les gestionnaires d’EAJE en raison de modalités de calcul qui paraissent inadaptées par rapport aux objectifs poursuivis. La Fédération des acteurs de la solidarité avait eu l’occasion d’interroger le mode de calcul retenu pour le bonus mixité dans un courrier inter-associatif adressé à la CNAF au début de l’année 2019, les organisations signataires ayant identifié un risque de concentration de l’accueil des enfants de familles précaires, contraire à l’objectif affiché de « mixité sociale ». Un bilan de l’application de ces bonus devait être réalisé en début d’année 2020, mais les bouleversements induits par la crise sanitaire qui a fortement impacté le fonctionnement des EAJE ne permettront pas de mesurer ces impacts en 2020.

Un des principaux objectifs de la COG 2018-2022 de la CNAF et de la stratégie de lutte contre la pauvreté est l’extension des capacités d’accueil des jeunes enfants, notamment l’ouverture nette de places en accueil collectif (crèches, haltes-garderies, etc.). Le rapport d’activité 2019 de la CNAF comptabilise 457 700 places en accueil collectif, soit une augmentation de places nettes de 1 880 sur l’année 2019, croissance relativement faible par rapport aux 30 000 places d’EAJE supplémentaires attendues sur la période 2018-2022. Face à ces résultats limités, la réalisation des objectifs d’ouverture de places d’accueil collectif fixés dans la COG en cours est remise en question par différents commentateurs, notamment par la députée Nathalie Elimas dans le rapport d’information relatif à l’évolution de la politique familiale précité.

La Fédération et la CNAF travaillent en partenariat afin d’améliorer l’interconnaissance et les liens entre les acteurs de la lutte contre l’exclusion et le réseau des Caf, notamment afin de faciliter l’accès des familles en situation de précarité à l’offre de services de la branche famille de la Sécurité sociale et de lutter contre le non-recours aux prestations et allocations versées par les Caf. La Fédération avait salué plusieurs mesures de la Stratégie pauvreté lancée en 2018 visant à prévenir et à lutter contre la reproduction des inégalités dès le plus jeune âge des enfants, notamment la création de centres sociaux, un soutien plus affirmé aux services de protection maternelle infantile (PMI) et un développement de l’offre de services relative au soutien à la parentalité. La FAS continuera donc à travailler avec la Branche famille de la sécurité sociale pour contribuer à la réalisation de ces objectifs.


1 Les Caf versent différents types de prestations : on distingue les prestations légales qui sont versées par les Caf en application de lois et règlements nationaux, des prestations extra-légales, décidées par chaque Caf selon des orientations propres à chaque caisse, et financées par le Fonds national d’action sociale. Au sein des prestations légales, certaines prestations sont financées par la CNAF, notamment les prestations directement en lien avec les aides aux familles, tandis que d’autres prestations sont versées par les Caf mais ne sont pas financées par la CNAF (par exemple les aides personnelles au logement, la prime d’activité ou le revenu de solidarité active). Enfin, certaines prestations sont financées par la CNAF car elles participent activement de la politique familiale mais ne sont pas versées par les Caf (majorations de pensions pour enfant à charge et congé paternité principalement). En 2019, les Caf ont versé un total de 94.6 Md€ de prestations, la CNAF a financé 42.2 Md€ de prestations et la CNAF a financé ET versé, par l’intermédiaire des Caf, 31.4 Md€ de prestations.

2 Un rapport d’information de la députée Nathalie Elimas sur l’adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIème siècle, datant du 1er juillet 2020, formule un bilan négatif de la réforme de cette prestation en 2015. La rapporteure cite en particulier un rapport de l’IGAS indiquant que cette réforme a « certes, atteint ses objectifs d’économies budgétaires », mais que le dispositif « continue de pénaliser professionnellement et financièrement les mères, faute de partage par les pères ». L’échec de cette prestation est illustré par une chute importante du nombre de bénéficiaire.