[Tribune] Des mesures structurelles pour éradiquer la pauvreté

L’Humanité, le 27 janvier 2021

Depuis les premières mesures de confinement engagées en mars 2020, les acteurs de la lutte contre l’exclusion observent avec inquiétude la montée de la pauvreté dans le pays. La perte d’emploi et de revenu a plongé des centaines de milliers de ménages, non protégés par le chômage partiel, dans une précarité financière sans que l’on puisse aujourd’hui entrevoir le bout du tunnel.

L’augmentation spectaculaire du nombre d’allocataires du RSA, + 8,5% en un an (qui atteint +16 % dans certains départements) est la plus forte jamais constatée depuis la création du RMI en 1988. Les files d’attente devant les distributions d’aide alimentaire, avec de nouveaux publics bénéficiaires, jeunes, familles monoparentales, témoignent des difficultés d’accès aux biens les plus essentiels. La montée des difficultés à payer son loyer nous fait craindre une flambée des expulsions locatives à partir d’avril, période qui signe habituellement la fin de la trêve hivernale et la réduction des capacités d’hébergement des personnes sans-domicile fixe.

Des mesures positives ont certes été engagées depuis mars avec l’ouverture de près de 40 000 places de mise à l’abri des personnes à la rue, avec l’aide des associations, ou encore le versement de plusieurs aides financières ponctuelles. Mais aucune réponse structurelle n’est aujourd’hui apportée, dans la durée, au chômage de masse, à la crise du logement et à la baisse du pouvoir d’achat des plus précaires.

Pour répondre à ces urgences sociales, il faut revaloriser les minima sociaux et en particulier le RSA dont le montant est gelé depuis 2017 (en dehors de son indexation sur l’inflation) et proposer à tous les jeunes dès 18 ans une couverture universelle associant ressources et accompagnement. Au moment où les loyers sont le premier poste de dépenses des ménages modestes, la production de logements sociaux chute dangereusement avec seulement 90 000 logements agréés en 2020, le plus mauvais résultat depuis 15 ans.

Dans ce contexte, Mobilisons l’Etat, les collectivités locales et le mouvement HLM autour d’un pacte pour le logement social fixent un rythme annuel de production de 150 000 logements sociaux par an dont 60 000 à très bas niveau de quittance, objectif nécessaire à l’éradication du sans abrisme à l’échelle de 5 à 10 ans. Soutenons également les ménages en situation d’impayé de loyer par un fonds d’urgence nationale qui éviterait la reprise des expulsions en 2021. Enfin, la perspective d’un taux de chômage à 11 % au premier semestre 2021 laissera sur le bas coté un grand nombre de personnes à faible qualification, durablement privées d’emploi. Si les aides à l’embauche et à l’apprentissage déjà mises en œuvre sont nécessaires en période de récession, elles doivent être complétées par un plan de création d’emplois solidaires, d’utilité sociale et écologique, négocié entre l’Etat, les collectivités locales et le secteur de l’économie sociale et solidaire.

Depuis le début de la pandémie, les associations de solidarité sont en première ligne pour protéger les plus fragiles des effets de la crise. Elles en appellent à une mobilisation nationale pour éradiquer la pauvreté et éviter que la crise sanitaire ne se transforme en crise humanitaire.

 

Florent Guéguen (Directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité)