[Tribune] En sortie de crise, l’indispensable sursaut pour les plus pauvres

Tribune publiée le 10 juin 2021 dans Libération

Par Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité

Rappelons que 9 millions de personnes vivaient déjà sous le seuil de pauvreté avant la crise. Cette situation critique relance la nécessité d’une réforme globale des minimas sociaux qui doit s’articuler autour du revenu universel d’activité annoncée par le gouvernement. Une tribune de Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité.

La crise sanitaire et sociale a illustré de manière aiguë les difficultés quotidiennes des ménages les plus modestes à subvenir aux besoins fondamentaux (éducation, alimentation, logement). Si le chômage partiel a permis de protéger un grand nombre de salariés, une partie de la population la plus pauvre, bénéficiaires de minima sociaux ou travailleurs précaires, n’en a pas bénéficié. D’autant que la réforme annoncée de l’assurance chômage – dont nous demandons la suspension – risque de dégrader significativement la situation financière de nombreux chômeurs. Rappelons également que 9 millions de personnes vivaient déjà sous le seuil de pauvreté avant la crise.

Cette situation critique relance la nécessité d’une réforme globale des minimas sociaux qui doit s’articuler autour de plusieurs objectifs dont nous souhaitons qu’ils soient atteints par la relance des travaux sur le revenu universel d’activité annoncée par le gouvernement. Tout d’abord, garantir à toutes et tous un revenu minimum digne qui permette de ne pas sombrer dans la grande exclusion. Cela passe par une revalorisation du RSA et des autres minima pour que chaque personne puisse bénéficier d’un socle de ressources équivalent à 50% du revenu médian, pour atteindre progressivement environ 900 euros par mois pour une personne seule. Cette réforme doit s’accompagner d’une revalorisation de la prime d’activité en faveur des travailleurs pauvres et modestes pour maintenir une incitation financière à la reprise d’emploi. Garantir un revenu minimum décent suppose également une mobilisation nationale de tous les acteurs, publics et associatifs, pour éradiquer le non-recours aux droits sociaux en combinant l’automatisation des versements, la simplification des démarches administratives et la multiplication des actions «d’aller vers» les publics les plus isolés.

La protection des jeunes, premières victimes de la crise économique, est un élément central de cette réforme. Nous avons engagé des discussions avec le gouvernement en vue d’une garantie jeunes universelle qui permettrait aux 18-25 ans sans emploi, ni ressources, de bénéficier d’une prestation socle, équivalente au RSA, avec un accompagnement vers l’emploi et la formation, adaptée à la situation de chaque jeune et notamment des plus éloignés des dispositifs publics. Compte tenu de la précarité qui touche aujourd’hui toute une partie de la jeunesse, il est urgent de déployer sans plus tarder ce droit sur l’ensemble du territoire national.

Ces réformes doivent être menées en étroite concertation avec les départements. Tout doit être fait pour que les personnes restent le moins longtemps possible dans le RSA, ce qui suppose une orientation rapide vers un réfèrent unique et la mise en place d’un accompagnement socio-professionnel adapté aux besoins et au projet de vie de chacun.

Au moment où se profile le retour à une vie normale nous en appelons à ce sursaut collectif pour que personne ne soit oublié et que chacun dispose de conditions de vue dignes et puisse prendre sa part dans l’accès à la culture et à la qualité de vie qui ne doivent plus être considérés comme un luxe mais comme un mouvement général de la société dont les plus pauvres ne devraient plus être exclus.