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3 octobre 2014

Vigilance sur le projet de loi asile

La réforme de l’asile intervient à la suite de la refonte du régime d’asile européen commun (RAEC), obligeant les États membres à modifier leur réglementation avant juin 2015. Les nouvelles directives relatives aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile et aux procédures d’asile obligent les États membres notamment « à assurer en toute circonstance l’accès aux soins médicaux et à un niveau de vie digne à tous les demandeurs d’asile (…) ainsi qu’une offre d’hébergement qui offre un niveau de vie adéquat ». Leur mise en œuvre doit être l’occasion d’une harmonisation européenne des procédures d’asile garantissant un haut niveau de protection dans tous les États membres. La France est donc attendue par l’Europe et les acteurs sur cette transposition.

La mise en place d’une concertation nationale en 2013 sous l’égide de deux parlementaires, Valérie Létard et François Touraine a fait participer les associations dans la réflexion sur ce nouveau modèle. Un rapport a été rendu à la suite de ces travaux mais ne prend pas véritablement en compte les demandes des associations qui ont pourtant réussi à se fédérer en collectif en proposant un modèle qui garantisse effectivement le droit des demandeurs d’asile et bénéficiaires d’une protection internationale.

Le projet de loi sur la réforme de l’asile présenté en conseil des ministres le 25 juillet 2014 fixe un modèle qui présente certaines avancées sur la garantie du droit d’asile en France en termes de procédure. Cependant, il présente des reculs inacceptables sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile.

En raccourcissant les délais de procédure, en permettant un accueil de tous les demandeurs d’asile au sein de structure d’hébergement, en prévoyant un recours suspensif pour tous les demandeurs d’asile et en supprimant la domiciliation comme condition d’accès à la procédure d’asile, le projet de loi va dans le bon sens. Encore faut-il que ces évolutions soient entourées de garanties permettant le respect des droits fondamentaux des demandeurs d’asile. Il s’agit notamment de la garantie du droit à la domiciliation et de l’inter-ministérialité sur la gestion des dispositifs d’accueil des demandeurs d’asile ainsi que de la création massive de place d’hébergement en CADA.

Une orientation contrainte

L’axe central de la réforme est articulé autour de la mise en place d’un schéma national d’orientation directif des demandeurs d’asile. Celui-ci vise à orienter un demandeur d’asile arrivant sur un département vers un lieu d’hébergement (CADA ou autre lieu d’hébergement) selon un schéma défini nationalement.

Ce lieu pourra être le lieu d’arrivée ou, faute de places disponibles, un autre département parfois très éloigné. L’avis du demandeur d’asile n’est pas sollicité dans cette orientation et aucune garantie n’est prévue dans le projet de loi pour que la proposition prenne en compte l’état de santé, la composition familiale, un accompagnement adapté et plus globalement l’adaptation aux besoins des personnes. En cas de refus de la part du demandeur d’asile, celui-ci sera exclu d’un ensemble de droits et dispositifs (notamment l’accueil en CHRS et d’une allocation de subsistance). Seule une orientation vers l’hôtel, sans mesure d’accompagnement sera alors possible via le 115. Cette disposition contrevient non seulement à la garantie du droit d’asile mais également à l’accueil inconditionnel défendus par la FNARS.

Le rôle des associations mis en danger

Le projet de loi impacte également les missions des associations à l’égard des demandeurs d’asile puisqu’il vise à instaurer un régime d’« hébergement sous contrainte et sous surveillance » qui peut conduire à dénaturer les missions d’action sociale des CADA. En renforçant la surveillance des demandeurs d’asile et des déboutés, en permettant l’interpellation des déboutés dans les structures d’hébergement (prévu par le projet de loi immigration) et en imposant aux associations d’agir au nom et pour le compte de l’État dans leur mission d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile, les travailleurs sociaux et les associations vont être mis en porte-à-faux dans leurs missions d’action sociale.

La relation de confiance entre l’intervenant social et un demandeur d’asile est pourtant un principe fondamental à la base du travail social et doit guider ses principes d’intervention.

La FNARS défend, dans la tradition associative française, le fait que les centres d’hébergement sont des lieux refuges « sanctuarisés ». Le travail social auprès de tous les migrants doit ainsi être un principe garanti et reconnu par les pouvoirs publics. C’est à ces conditions que les associations pourront continuer à accueillir et accompagner dignement les migrants dans le respect des valeurs de solidarité, d’égalité de traitement, et d’accueil inconditionnel.

La FNARS et le collectif « asile »

La réforme de l’asile, dans ses objectifs ambitieux qu’elle propose doit nécessairement faire participer l’ensemble des acteurs concernés dans l’accueil, l’accompagnement et l’hébergement des demandeurs d’asile et bénéficiaires d’une protection internationale. Tout au long de la concertation nationale pour la réforme de l’asile qui s’est tenue au second semestre 2013, la FNARS a animé un collectif d’associations participant aux différents groupes de travail mis en place par les députés Létard et Touraine. Ce collectif a eu pour objectifs non seulement de permettre à chacune des organisations représentées à la concertation nationale d’être informées de l’évolution des différents travaux de la concertation mais surtout d’être en mesure d’échanger entre associations sur les évolutions de la réforme afin de porter des messages communs. Des positionnements collectifs ont pu être ainsi co-signés par plus d’une quinzaine d’associations pour présenter le modèle d’une réforme aboutie. Le projet de loi relatif à l’asile ne prend pas véritablement en compte ces propositions associatives ce qui a justifié l’importance du maintien de ce collectif tout au long de la discussion parlementaire du projet de loi. Cette coordination des associations a pour objectif de faire évoluer le texte devant les assemblées en mutualisant les travaux de chacune des organisations.