10 octobre 2024
5 octobre 2012
Comme il l’avait annoncé, Manuel Valls vient de déposer le 28 septembre devant le Sénat un projet loi visant à supprimer le délit de solidarité et à instaurer une « retenue » des étrangers aux fins de vérification de leur situation administrative. En voici les principaux éléments.
L’aide au séjour irrégulier des étrangers est un délit puni d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende (art. L622-1 CESEDA). La question de l’aide désintéressée apportée aux étrangers par toute personne, notamment les associations et leurs membres, fait l’objet d’un long débat. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers punit, par principe, l’aide désintéressée apportée aux étrangers en situation irrégulière. D’un autre coté, la loi prévoit des immunités parmi lesquelles aucune poursuite ne peut être engagée à l’encontre des personnes qui ont aidé, « face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la personne de l’étranger ». Ce délit avait fait l’objet d’une modification dans le cadre de la dernière loi sur l’immigration du 16 juin 2011, sans toutefois l’abroger.
Le projet de loi présenté par Manuel Valls entend non pas abroger le délit d’aide au séjour irrégulier en tant que tel mais d’étendre l’impossibilité de poursuites contre ce délit à « toute personne physique ou toute personne morale sans but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant des prestations de restauration, d’hébergement ou de conseils juridiques, lorsque l’aide désintéressée que cette personne […]peut apporter dans ce cadre n’a d’autre objectif que d’assurer des conditions de vies dignes et décentes à la personne de nationalité étrangère en situation irrégulière ».
Ainsi, un nouveau cas d’immunité vient viser tout particulièrement le travail des associations et de leurs membres, dont les travailleurs sociaux. Si les poursuites à l’encontre des travailleurs sociaux ou des associations se sont faites plus rares qu’à une certaine époque, les pressions des services de police sont pourtant toujours présentes. On peut souhaiter que ce texte, s’il était adopté, puisse faire cesser les intimidations à l’encontre des associations et des travailleurs sociaux qui, dans le cadre de leurs missions doivent appliquer un principe d’accueil inconditionnel.
De plus, le projet de loi étend également l’immunité aux membres de la famille du conjoint qui n’étaient pas alors visés dans la loi.
On peut rappeler toutefois que la commission nationale consultative des droits de l’homme avait pourtant recommandé dans un avis du 19 novembre 2009 « l’inversion de la logique du dispositif en vigueur pour que l’immunité soit le principe, et l’infraction l’exception ».
La Cour de Justice de l’Union Européenne avait sanctionné la France en 2011 car sa législation permettait de placer en garde à vue et de condamner un étranger en situation irrégulière, sans que celui-ci n’ait commis aucun autre délit pénal. Cette réglementation était contraire à la directive européenne dite « Retour » et le délit d’infraction au séjour irrégulier devait être abrogé. En effet, cette directive n’autorise la sanction pénale qu’à titre subsidiaire, uniquement lorsqu’il a été fait usage, sans succès, des procédures d’éloignement. Ainsi, un étranger ne pourra plus être condamné pénalement pour séjour irrégulier, et être placé en garde à vue, si la préfecture n’a pas mis en œuvre toutes les procédures d’éloignement ou de surveillance prévues par la loi (dont l’obligation à quitter le territoire français).
Le projet de loi présenté devant le Sénat propose de supprimer le délit d’infraction au séjour irrégulier mais de créer, pour vérifier la régularité du séjour des étrangers, une retenue pouvant aller jusqu’à 16h. Cette retenue aura donc pour objet de vérifier la situation des personnes étrangères qui ne sont pas en mesure de justifier de leur droit de circulation ou de séjour en France et qui ne peuvent être placées en garde à vue, faute de mesure d’éloignement. Le régime est pourtant très proche puisque l’étranger aura droit à un interprète, un avocat, une visite médicale et la possibilité de prévenir sa famille ou une personne de son choix, sous le contrôle du procureur de la République qui pourra mettre fin à tout moment à cette retenue.
On doit cependant noter qu’une personne qui n’est pas en mesure de justifier de son identité peut être ramenée au poste de police ou de gendarmerie pour vérification d’identité. Cette vérification ne peut excéder 4h. Le nouveau régime de retenue proposé par le gouvernement s’ajoutera donc à cette vérification d’identité, en créant un régime dérogatoire privatif de liberté spécifique aux migrants.
Pour télécharger le dossier législatif sur le site du Sénat
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