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1 avril 2022

[Tribune] Présidentielle : « Qu’attend-on pour débattre d’une politique de lutte résolue contre l’exclusion ? »

Tribune publiée dans La Croix le 31/03/2022

Plusieurs responsables d’associations regrettent l’absence totale de cette problématique dans la campagne et le manque de réflexion sur les solutions à mettre en œuvre.

Signataires : Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité ; Alain Christnacht, président du Samusocial de Paris et Vanessa Benoit, directrice générale ; Manuel Domergue et Nathalie Latour, porte-parole du Collectif des associations unies (CAU).

Plusieurs responsables d’associations regrettent l’absence totale de cette problématique dans la campagne et le manque de réflexion sur les solutions à mettre en oeuvre.
Alors que la pauvreté s’enracine dans notre pays pour plus de 10 millions de personnes, les Français craignent que l’exclusion ne les frappe personnellement. Selon un sondage réalisé par l’Ifop pour la Fédération des acteurs de la solidarité et Ouest-France, c’est le cas de 51 % d’entre eux. Et de 69 % pour les 18-24 ans. L’exclusion, ce n’est pas seulement les autres.
Les Français portent sur les exclus un regard solidaire : selon la même enquête, 42 % ont de la sympathie pour eux et 23 % sont prêts à les aider, même si 27 %, d’abord inquiets pour eux-mêmes, éprouvent de la méfiance.

Absence de logements

L’accueil réservé aux Ukrainiens fuyant leur pays sous les bombes est une manifestation de cette envie de solidarité. Les Français n’ont pas l’humanité sélective. On a trop dit que la crise sanitaire avait accentué un individualisme forcené. La fraternité, pilier de la devise républicaine, n’a pas été vaincue par l’indifférence.
Les Français déplorent que la grande exclusion soit largement absente de la campagne électorale. Un sondage, réalisé par OpinionWay pour le Samu social de Paris, montre que ce sentiment est partagé par 8 Français sur 10.
Qu’attend-on pour débattre d’une politique complète de lutte résolue contre l’exclusion ? Dans un pays développé comme le nôtre, on peut – on doit – triompher de l’exclusion sociale.
L’exclusion, c’est d’abord l’absence de logement. Le droit au logement est un droit fondamental. En France, 300 000 personnes en sont privées, sont à la rue ou dans des hébergements provisoires. L’enquête de OpinionWay révèle que les Français plébiscitent comme une priorité absolue l’accès de tous à un logement digne. Ils affirment que tout emploi doit permettre de se loger dignement, ce qui n’est pas le cas, que les personnes âgées et les handicapés, les personnes et les familles à la rue ont, eux aussi, le droit d’avoir un toit.

Droit aux soins

Les solutions sont connues. La Fédération des acteurs de la solidarité les a détaillées. Le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique du logement les a rappelées solennellement, mercredi 23 mars, au cours d’une grande manifestation. Il s’agit notamment de prohiber les expulsions locatives sans solution de relogement et d’augmenter de moitié le nombre de logements sociaux construits, objectif qui doit s’imposer à l’État comme aux maires.
Les personnes précaires sont exclues d’autres droits fondamentaux : les droits aux soins, à une alimentation saine, à la scolarisation des enfants, à la culture, à l’hébergement pour ceux qui n’ont pas encore accès à un logement, la lutte contre la précarité énergétique, contre la précarité des jeunes sans emploi ou des étudiants aux faibles ressources, qui doivent recevoir une aide stable pour se loger, chercher un emploi ou poursuivre leurs études.
Il faut en débattre pendant les campagnes présidentielle et législatives pour prendre des engagements permettant de faire reculer l’exclusion, et les tenir. C’est le moment.
L’exclusion sociale n’est pas une fatalité. C’est affaire de volonté collective.