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1 février 2023

Retour sur une formation autour du Logement d’Abord pour les jeunes par de jeunes professionnelles

Audrey, 30 ans, éducatrice spécialisée et Amandine, 24 ans, monitrice éducatrice travaillent pour le Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) de l’Association Maison d’Accueil (AMA) à Arles. Ensemble, elles ont relevé le défi de participer à une formation de 5 jours, tout en anglais, à Budapest en octobre 2022 organisée par la FEANTSA et le Conseil de l’Europe.

Cette formation s’axait sur le logement d’abord pour les jeunes et était destinée à des jeunes professionnels de toute l’Europe. Elle a ainsi rassemblé une trentaine de participants venant du Royaume-Uni, de Grèce, d’Italie, d’Espagne, du Portugal, de Belgique, des Pays-Bas ou encore de Lituanie. Construite sur le principe de l’éducation non formel, la formation était surtout basée sur l’échange entre les participants à travers différents ateliers, temps de retour d’expériences et jeux pour apprendre à se connaître.

Le CHRS de l’Association Maison d’Accueil à Arles accompagne des personnes isolées et des familles, (familles monoparentales et des couples avec ou sans enfants). Aujourd’hui, l’AMA pratique peu la politique du logement d’abord dans l’accompagnement qu’elle propose. Néanmoins, le CHRS a un programme facilitant l’accès au logement en proposant des baux glissants avec un contrat d’accompagnement de 6 mois (renouvelable) aux familles qu’ils accompagnent, cela en lien avec leurs partenaires bailleurs sociaux.

Vous avez participé à la formation sur le « logement d’abord pour les jeunes » organisée par la FEANTSA en octobre dernier, que retenez-vous de cette expérience ?

Pour nous, c’était une première expérience de formation à l’étranger. C’était un vrai challenge mais aussi une très belle opportunité. On a été un peu jeté dans le bain ! Le premier soir, nous étions un peu paniquées car on avait une moins bonne maîtrise de la langue que les autres, mais les formateurs avaient organisé des jeux « energizer » pour créer du lien et lever le frein de la langue.

Et surtout, c’est le partage d’expérience sur de nombreuses thématiques qui nous a aidé à lever les freins. En effet, cela nous a fait prendre conscience qu’on avait beaucoup de connaissances sur l’hébergement et sur le système français à partager. Nous sommes allées à cette formation pour apprendre, et on a finalement beaucoup donné nous aussi.

Qu’avez-vous appris sur le Logement d’Abord ?

Nous avons été inspiré par les 5 principes du Logement d’Abord pour les jeunes (Housing First for Youth) :

  1. Comprendre que l’accès au logement doit se faire sans condition : prendre le jeune là où il en est, et ne plus dire « quand tu seras soigné, tu reviendras ». Le logement doit se travailler en même temps que la santé et la recherche d’un emploi par exemple.
  2. Laisser le jeune faire des erreurs, faire ses choix et expérimenter : « Mes choix, ma voix, ma propre détermination ».
  3. Valoriser plutôt que pointer ce qui ne va pas !
  4. Proposer un accompagnement individuel sans limite de temps…quand c’est possible selon les pays ! Ou au moins prendre conscience que les dates butoirs peuvent être vécues comme une grande contrainte pour les jeunes.
  5. Développer l’inclusion sociale et l’intégration à la communauté. Pour cela, on peut encourager les échanges au travers d’activités collectives ou de colocation, ou encourager le jeune à identifier ses propres ressources extérieures ; les liens qui l’aideront à avancer.

Surtout, nous avons compris qu’on ne peut pas demander la même chose à un jeune qu’à un adulte. Maintenant, quand on accueille des jeunes, nous faisons attention au fait que le jeune a peut-être moins d’expérience. Mais cela nous amène aussi à repenser l’accompagnement des adultes qui, comme certains jeunes, peuvent aussi avoir des besoins spécifiques.

Qu’avez-vous appris des expériences de vos pairs européens ?   Quelles pratiques vous ont particulièrement inspirées ?

Dans le groupe, nous étions tous très curieux de savoir ce que faisait les autres pays. C’est rassurant de voir qu’il n’y a pas qu’un modèle et qu’on peut tout adapter et transposer.

Nous avons été particulièrement inspirées par un dispositif au Portugal : un bus qui agit sur la diminution des risques, dans un principe d’inconditionnalité total. Le but est d’accompagner les jeunes dans leur consommation de drogues en leur fournissant un espace et du matériel sécurisé, mais surtout en se déplaçant vraiment là où sont les jeunes. J’ai trouvé ça riche, poignant et très inspirant car nous on n’aborde pas les addictions de front, or je comprends qu’oser en parler c’est créer ce lien de confiance qui est la base de tout.

Nous avons appris qu’en Espagne ils séparent l’accompagnement social du logement avec deux services qui travaillent conjointement. Le jeune a ainsi deux interlocuteurs pour deux choses différentes. D’un côté l’accompagnement au logement avec un accompagnement droits/devoirs, relations de voisinage, budget etc. Et de l’autre côté, cela laisse de la place à un accompagnement plus global, plus riche, en laissant la place à d’autres choses : la santé, l’insertion professionnelle, les liens familiaux, la vie sociale etc.

Grâce aux expériences des autres pays européens, en voyant tout ce qui se fait ailleurs, nous avons envie de croire qu’il est possible de développer les principes du Logement d’Abord dans toute l’Europe ! Nous avons l’impression que la France s’est reposé sur ses lauriers, et sommes étonnés qu’un pays comme la Lituanie arrive à développer une politique de Logement d’Abord alors qu’ils semblent moins avancés que la France sur les droits sociaux. Nous revenons aussi un peu déroutées que la problématique des jeunes à la rue soit si peu médiatisée.

Question 4 : En quoi la formation a impacté votre travail d’éducatrice au quotidien ?

En premier lieu, la formation nous a fait une vraie piqure de rappel sur les droits fondamentaux, et aussi sur la place des droits de l’homme et du citoyen dans nos pratiques !

Même si nous ne faisons pas de Logement d’Abord à proprement parler, nous sommes revenues enrichies et avons pu faire un retour auprès de nos collègues et auprès de l’association. Ensemble, nous avons forcément un peu requestionné nos pratiques et notamment, pourquoi nous avions autant de conditions préalables au logement…

Tout cela n’aurait pas été possible sans M. GUIASSA, le directeur de l’association qui nous a positionné sur cette belle expérience !