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1 février 2018

Rapport Borello : ambitions communes, points de vigilance

Le 5 septembre 2017, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, confiait à Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS, une mission relative à l’innovation au service de la lutte contre l’exclusion sur le marché du travail.

Cette mission, visant à proposer des réformes afin d’améliorer la qualité des parcours des chômeurs de longue durée avait été lancée à la suite de la baisse brutale du nombre de contrats aidés à la fin de l’été et la forte mobilisation des acteurs associatifs pour soutenir des dispositifs qui luttent contre le chômage et accompagnent quotidiennement vers l’emploi les personnes en situation de précarité.

Partageant cet objectif, la Fédération des acteurs de la solidarité, avec Emmaüs France, l’Association des Paralysés de France, Coorace et TAPAJ France, a adressé une contribution à Jean-Marc  Borello en novembre dernier.

Cette contribution comprenait 5 propositions majeures :
•    Assurer le triptyque « mise à l’emploi, accompagnement, formation » en offrant aux salariés en emploi aidé un  meilleur accès à la formation professionnelle
•    Se donner les moyens de résorber le chômage et accompagner les personnes éloignées de l’emploi vers un emploi durable par un plus grand volume de postes en emplois aidés, notamment au sein de l’insertion par l’activité économique
•    Donner les moyens au secteur de l’IAEIAEInsertion par l’Activité Économique d’évoluer, de monter en compétences, en particulier dans la capacité à créer des partenariats avec les entreprises
•    Permettre aux associations d’accéder à des moyens d’investissement pour faciliter leur développement économique et social
•    Soutenir et développer les expérimentations et les innovations sociales développées au sein des associations

Le rapport de Jean-Marc Borello, remis à Muriel Pénicaud le 16 janvier 2018 est une vraie reconnaissance du secteur de l’IAEIAEInsertion par l’Activité Économique, de son efficacité et de l’analyse de la Fédération sur son potentiel et ses besoins d’évolution. Au-delà de l’IAEIAEInsertion par l’Activité Économique, il partage également la vision de la Fédération sur les politiques d’accès à l’emploi. La philosophie étayée tout au long de ce rapport fait en effet écho à la maxime de la journée nationale Emploi du 9 novembre 2017 organisée par la Fédération : « Tout le monde est employable ». Le triptyque « mise à l’emploi, accompagnement, formation » est ainsi présenté comme la pierre angulaire des politiques d’accès à l’emploi, tout comme la notion d’employeur-abilité et la responsabilité collective pour l’emploi. En d’autres termes, la lutte contre le chômage de longue durée implique que les entreprises développent leur capacité à recruter et intégrer des personnes issues de l’insertion. Les préconisations du rapport mettent ainsi en lumière l’importance d’accompagner vers, mais aussi dans l’emploi, les personnes qui sont éloignées du marché du travail.

Il est maintenant essentiel que le gouvernement déploie des moyens pour mettre en œuvre ces orientations. La médiation active développée dans l’expérimentation SEVE, portée par la Fédération des acteurs de la solidarité et citée à de multiples reprises dans le rapport, est l’une des clefs  d’évolution des politiques publiques d’accès à l’emploi.  Cette approche permet en effet d’agir aussi bien sur les personnes en recherche d’emploi que sur les entreprises. Elle augmente, d’une part, la capacité des structures Insertion par l’Activité Économique à devenir partenaires des entreprises, pour améliorer leur employeur-abilité par un accompagnement à la définition de leurs besoins en compétences, la mise en relation avec les salariés en insertion et l’accompagnement dans l’emploi. D’autre part, elle favorise la multiplication des mises en situation de travail en entreprise des salariés en insertion, pour leur permettre d’acquérir les compétences et l’estime de soi nécessaires au retour en emploi.

Forte de la reconnaissance de cette expérimentation par Jean-Marc Borello, la Fédération des acteurs de la solidarité souhaite donc proposer à l’Etat et aux partenaires de l’Insertion par l’Activité Économique un plan d’action, pour un essaimage massif de cette logique de médiation active.

Si l’ensemble du rapport est satisfaisant par la philosophie qu’il porte, il semble néanmoins soutenir une orientation plus entrepreneuriale de l’insertion par l’activité économique, incarnée par un modèle de structure tourné vers une augmentation de la production et le développement d’un nombre de salariés en insertion conséquent. La Fédération est très réservée au sujet de cette orientation, qui  ne correspond pas aux caractéristiques actuelles du secteur, majoritairement associatif, et risque d’exclure des personnes en difficulté, d’un secteur qui a été conçu pour elles. Le modèle des Ateliers et Chantiers d’Insertion (Atelier chantier d’insertion) ne peut en effet se calquer sur le modèle des Entreprises d’Insertion (EI). Oui, si certains Atelier chantier d’insertion ayant développé fortement leur chiffre d’affaires peuvent évoluer, cette évolution est conditionnée à un accompagnement et une capacité d’investissement qui leur souvent fait défaut aujourd’hui et, surtout, elle ne doit pas se traduire par l’éviction des personnes les plus éloignées de l’emploi. La capacité à se développer, qui suppose la mutualisation des fonctions support ou encore le développement de la capacité de financement, évoquée dans le rapport, ne peut donc représenter la diversité des structures, leurs besoins, leur situation géographique… Les structures de petites tailles, notamment dans les territoires ruraux, doivent être soutenues, et l’Insertion par l’Activité Économique doit toujours être en mesure de proposer un accompagnement vers et dans l’emploi aux personnes qui en sont très éloignées.

S’appuyant sur les enseignements des Pôles territoriaux de coopération économique, des groupements d’employeurs et de l’expérimentation Territoire zéro chômeurs de longue durée, la Fédération des acteurs de la solidarité fera donc des propositions pour construire une stratégie commune  de coopération et de mutualisation, au service de projets sociaux et économiques innovants, prenant en compte les spécificités de chaque structure, de chaque territoire et de chaque personne.

La Fédération attend désormais de l’Etat le lancement d’une concertation destinée à améliorer les politiques d’inclusion, s’appuyant sur le rapport de Jean-Marc Borello et l’expertise des associations d’insertion et des personnes en situation de précarité.

Télécharger le rapport Borello