13 septembre 2024
28 avril 2014
La question de la prise en charge des mineurs isolée étrangers (MIE) est devenue particulièrement préoccupante au point qu’à la fin du mois de mai 2013 les services de l’Etat proposaient aux départements la conclusion d’un protocole visant à mettre en place un « dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation» de ce public (voir l’article « Lancement d’un dispositif national pour les mineurs étrangers isolés ») Or, nombreux sont les mineurs isolés étrangers qui aujourd’hui sont encore à la rue. C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat, par un arrêt du 12 mars 2014, ouvre une nouvelle voie pour assurer leur protection et le respect de leurs droits.
Dans cette affaire, un jeune nigérien entré en France en septembre 2013 est dans un premier temps pris en charge par le dispositif national de protection des mineurs isolés étrangers. Se fondant sur des examens médicaux, le préfet de la Loire-Atlantique le considère comme majeur et décide de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Quelques mois plus tard, le juge des enfants, estimant sa santé et sa sécurité en danger et tenant compte des documents d’état civil produits, le reconnaît mineur et le confie à l’aide sociale à l’enfance. Le département interjette appel de cette décision. Dans l’attente de la nouvelle audience, il refuse d’exécuter la décision du juge des enfants laissant ainsi le jeune étranger à la rue.
Après avoir été victime de coups et blessures dans le squat dans lequel il avait trouvé refuge, il décide de saisir en référé le juge administratif afin qu’il enjoigne au département d’assurer sa prise en charge et son hébergement. Le tribunal administratif rejette sa demande. Le jeune requérant saisit alors le Conseil d’Etat en appel.
Dans sa décision du 12 mars 2014, le Conseil d’Etat enjoint au conseil général d’assurer son hébergement dans un délai de 24 heures sous astreinte et le condamne au versement de la somme de 1 500 euros au titre des dépens et des frais liés à la procédure.
Contrairement au tribunal administratif, le Conseil d’Etat reconnaît ici la possibilité pour un mineur non émancipé de saisir de lui-même le juge administratif en référé « lorsque des circonstances particulières justifient que, eu égard à son office, [le juge] ordonne une mesure urgente sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative », c’est-à-dire, lorsqu’une liberté fondamentale est en cause. Sur ce point, la décision du Conseil d’Etat est inédite et revient sur une jurisprudence constante selon laquelle un mineur n’a pas la capacité d’agir en justice, et par conséquent seul son représentant légal peut en principe saisir un juge pour défendre ses intérêts et ses droits. Le Conseil d’Etat introduit donc une exception dans le cadre du recours en référé-liberté sans laquelle la requête présentée par le mineur isolé aurait été irrecevable.
Par ailleurs, si le Conseil d’Etat rappelle qu’il appartient aux autorités de l’Etat d’assurer le droit à l’hébergement d’urgence à toute personne en situation de détresse, il reconnaît dans le cas des MIE l’existence d’une « obligation particulière […] qui pèse, en ce domaine, sur les autorités du département en faveur de tout mineur dont la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger ».
Pour démontrer le respect de cette obligation de moyen, le département invoquait la contestation de la décision du juge des enfants, l’absence de places disponibles, et des crédits budgétaires insuffisants. Pour la haute juridiction, le conseil général n’a pas assuré les diligences qui lui incombaient et le refus de prendre les mesures nécessaires pour permettre au jeune requérant de bénéficier d’un hébergement d’urgence constitue dès lors une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
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