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30 décembre 2013

Pour une réforme de l’asile respectueuse des droits fondamentaux

Le droit d’asile, que notre République a été la première à reconnaître dès 1793, n’est pas un droit comme les autres, de par son essence même: accorder la protection de la France à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté et assurer l’insertion des bénéficiaires du statut de réfugié. Il doit en cela se distinguer clairement d’une politique de gestion des flux migratoires, qui repose sur d’autres critères.

Aujourd’hui, ce droit fondamental est menacé par une procédure inadaptée et trop longue (deux ans), qui maintient une majorité de demandeurs dans une situation d’errance et de pauvreté. Seulement 30 % des demandeurs d’asile ont accès à un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) proposant un accompagnement social et administratif de qualité tout au long de la procédure. Nombreuses sont les familles logées à l’hôtel, sans accompagnement et à un coût prohibitif pour l’État au regard des prestations proposées. Les « moins chanceux » sont renvoyés vers le « 115 », dispositif d’hébergement d’urgence structurellement saturé, et viennent donc alimenter le flux toujours plus important des sans-abri, pour échouer dans des squats ou des campements insalubres. Certes, la France connaît un pic de demandeurs (61 000 en 2012) mais qui n’a rien d’exceptionnel ni d’insurmontable: ce niveau était déjà atteint en 1989 et 2004.

Le ministre de l’intérieur s’est engagé à une réforme globale (intégrant de nouvelles directives européennes) en lançant une concertation nationale, animée par des parlementaires, à laquelle la Fnars et un grand nombre d’associations ont participé de manière active.

Les associations demandent que cette réforme assure une égalité de traitement sur tous les territoires, à travers une procédure qui favorise un examen approfondi et équitable de leur demande de protection. Cela suppose que l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), dont l’autonomie doit être renforcée, soit la porte d’entrée de l’asile en France en déterminant la procédure applicable et l’admission au séjour des demandeurs pour sortir de l’arbitraire des préfectures. En renforçant les moyens de l’Ofpra et en développant des plates-formes départementales et régionales, chargées du premier accueil, de l’orientation et de l’accès à l’information, il serait possible de raccourcir la procédure d’examen de la demande tout en assurant les droits au recours.

Pour assurer un hébergement et un accompagnement des demandeurs dans la dignité, le gouvernement doit engager une loi de programmation pluriannuelle pour créer des places en Cada, notamment en appartements éclatés, répartis de manière équilibrée sur l’ensemble du territoire national. Face aux contraintes budgétaires, ces créations devront être compensées, au moins partiellement, par la fermeture progressive des chambres d’hôtels dédiées aux demandeurs d’asile, qui sont devenues au fil du temps le mode d’hébergement le plus répandu pour les familles dans les grandes métropoles.

L’accès à des conditions de vie décentes passe également par une réforme de l’allocation temporaire d’attente (11 € par jour et par adulte), qui devrait prendre en compte le nombre d’enfants et être ouverte aux demandeurs d’asile hébergés chez un tiers. Certaines personnes, qui n’obtiendront pas l’asile, ont vocation à retourner dans leur pays d’origine. D’autres seront régularisées pour raison familiale ou de santé. La France doit traiter dignement ces personnes dès lors qu’elles demeurent sur le sol national. Elle doit en particulier leur garantir un accès au « 115 » et à l’hébergement lorsque ces personnes en situation de détresse sociale n’ont pas d’autres alternatives à la rue.

Si l’État doit prendre ses responsabilités dans la lutte en amont contre les filières d’immigration clandestine, la Fnarsne cautionnera pas la création de centres dédiés aux personnes déboutées, anti­chambre des centres de rétention où elles sont en attente d’un éloignement forcé. Ces établissements ne répondent pas du tout aux missions d’accompagnement social et d’aide humanitaire réalisées par les associations qui refuseront de les gérer.

Enfin, la prise en charge des demandeurs d’asile nécessite un pilotage interministériel et une cohérence de l’action gouvernementale indispensables pour l’accès aux droits sociaux, aux soins, au logement et à l’intégration.

(1) Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Tribune de Louis Gallois et Florent Guéguen, président et directeur général de la FNARS,
parue le 24 décembre 2013 dans le journal La Croix.