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12 décembre 2016

Marchés publics relatifs à l’hébergement d’urgence : les ministères répondent à la FNARS

La publication de deux appels d’offre le 26 septembre 2016 portant sur plus de 10 000 places d’hébergement d’urgence généraliste et pour demandeurs d’asile a fait l’objet de vives réactions de la part de la FNARS et d’un grand nombre de fédérations et d’associations de solidarité. Des courriers ont été adressés aux ministres concernés. Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l’Habitat durable, et Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, ont répondu au courrier de la FNARS.

Les exigences de la FNARS

La FNARS avait fait part dans un courrier daté du 10 octobre 2016, adressé aux deux ministres, des difficultés posées par le choix de l’Etat de passer par les marchés publics pour la gestion de places d’hébergement d’urgence.

La FNARS dénonçait ainsi une profonde modification du rapport partenarial, essentiel entre l’Etat et les associations, d’ailleurs rappelé par le Premier ministre le 7 octobre 2016 à l’occasion de la charte des engagements réciproques pour le développement de la vie associative.

Les points problématiques étaient nombreux. Il s’agissait non seulement de dénoncer l’absence d’indépendance des associations répondant à ce type de marchés mais également un coût à la place excessivement bas compte tenu des missions imposées par le cahier des charges, qui faute de réalisation permettrait à l’Etat de sanctionner financièrement les prestataires.

Les pratiques du travail social étaient également remises en cause par ces cahiers des charges, plus spécifiquement dans le cadre du marché PRAHDA relatifs à l’hébergement des demandeurs d’asile et obligeant les associations à exercer des missions de contrôle et de signalement à l’égard des demandeurs d’asile et des déboutés, contraires à la déontologie du travail social et au principe d’inconditionnalité.

La FNARS avait également pris part à un courrier collectif avec plus d’une vingtaine d’associations de solidarité pour demander l’annulation de ces marchés publics et leur transformation dans le cadre d’un appel à projet pour sauvegarder la plus-value associative et les fondamentaux du travail social.

Les réponses du réseau FNARS

La notification de la réponse aux appels d’offre n’est aujourd’hui pas encore connue. Il n’y a d’ailleurs à la connaissance de la FNARS aucune obligation légale de publier les résultats de ces marchés.

Sans avoir une visibilité exhaustive de l’ensemble des réponses aux appels d’offre, les adhérents de la FNARS se sont mobilisés en adoptant plusieurs types de réponses :

On peut notamment citer :

  • un refus collectif de répondre à ce type de marché, en s’appuyant par exemple sur l’élaboration d’une charte partenariale en matière d’accueil et d’hébergement et d’insertion par le logement des personnes en difficulté. Ainsi, la FNARS Aquitaine s’est appuyée sur un travail collectif des adhérents girondins pour refuser collectivement de répondre à ces appels d’offre compte tenu de l’incompatibilité avec la charte qu’ils avaient eux-même signés sur l’accueil et l’hébergement des personnes en situation de grande vulnérabilité.
  • une proposition alternative en déposant des demandes de subventions auprès de leur DDCS (FNARS Hauts-de-France, adhérents du Pas-de-Calais) sur la base de besoins que les associations ont identifiés et les coûts qu’ils estiment être suffisants pour ces missions. Les parties « préambule et identification des besoins » du dossier CERFA étant commun à l’ensemble des adhérents qui ont déposé leur demande de subvention.
  • une réponse collective en cotraitance sur le marché PRHADA en Pays de la Loire.

Certains territoires seraient vraisemblablement infructueux sur les deux marchés publics.

Les réponses des ministres

Dans deux courriers distincts, les ministres du Logement et de l’Intérieur répondent aux points soulevés par la FNARS.

  • Réponse du ministère du Logement

La ministre du Logement dans son courrier du 9 novembre 2016 répond à certaines des préoccupations avancées par la FNARS.

La ministre affiche le caractère exceptionnel de ce type de procédure lié selon elle « à des contraintes juridiques et à un contexte spécifique ».

Le contexte juridique ne peut justifier à lui seul le recours à ce type de procédure, la procédure d’appel à projet étant suffisamment encadrée juridiquement pour permettre à l’Etat de passer par ce type de contractualisation, et ce, même compte tenu du nombre important de place d’hébergement proposés. La ministre invoque également d’avoir eu recours à ce type de procédure pour permettre le rachat d’hôtel ou de bâtiments existants. Concernant les coûts proposés par le cahier des charge, il s’agirait de coûts déjà constatés de certaines expérimentations associant hébergement de type hôtelier et accompagnement social.

La réaffirmation du rôle de partenaire est rappelée par la ministre dans les rapports de l’Etat avec les associations.

  • Réponse du ministère de l’Intérieur

Bernard Cazeneuve a répondu dans un courrier du 16 novembre 2016 à la FNARS sans toutefois répondre aux inquiétudes avancées par la FNARS.

L’ancien ministre de l’Intérieur ne relève pas, à l’instar de la ministre du Logement, du caractère exceptionnel du recours à ce type de procédure mais semble annoncer plutôt sa généralisation sur l’hébergement des demandeurs d’asile. En effet, « nécessaire pour des raisons de sécurité juridique, cette procédure sera à l’usage, une source de clarté tant pour l’Etat que pour ses prestataires ».

Le rapport partenariat n’est donc pas un argument qui a emporté l’adhésion du ministère de l’intérieur.

Le ministre répond également qu’en ce qui concerne les obligations de contrôle à l’égard des demandeurs d’asile assignés à résidence, il s’agit selon lui, d’une nouvelle exigence tirée de la réforme de l’asile. Cet argument ne répond en rien au fait qu’il ne revient pas aux travailleurs sociaux ou à des gestionnaires de contrôler les obligations préfectorales des demandeurs d’asile assignés à résidence. L’exclusion des déboutés de structures d’hébergement d’urgence de droit commun et le refus de l’accueil inconditionnel pour ce public est justifiée par le ministère de l’Intérieur et ne diffère pas selon le type de procédure.

  • Le positionnement du CA de la FNARS

La question des marchés publics a été débattue lors du Conseil d’administration de la FNARS le 18 novembre 2016. A cette occasion, les membres du Conseil d’administration ont souhaité attendre la notification des résultats des marchés et connaitre les territoires sur lesquels les réponses seraient infructueuses. Sur ces territoires, le CA a souhaité que l’Etat engage un dialogue avec les associations au niveau local ainsi qu’au niveau national avec les fédérations concernées pour transformer ces appels d’offre en appels à projet. La FNARS se tenant à disposition des services de l’Etat pour retravailler le cahier des charges afin de mieux répondre aux besoins des personnes en situation de précarité et des associations les accompagnant.