10 octobre 2024
18 février 2016
Paris, le 18 février 2016
Monsieur le Ministre,
Mme la préfète du Pas-de-Calais a annoncé la décision de raser la moitié puis sans doute la totalité de la « Jungle » de Calais dans les jours à venir. Nous avons conscience de la montée des tensions sur ce sujet dans le Calaisis et des réactions violentes que suscite cette situation. Néanmoins, nous regrettons de devoir vous faire part de notre profonde opposition à ce projet qui ne s’accompagne pas, à ce jour, de véritables solutions alternatives. Il ne fera qu’ajouter des tensions aux tensions, et fragiliser encore un peu plus les quelques milliers d’exilés que la France et la Grande Bretagne se montrent incapables d’accueillir convenablement. Sans parler de l’effet désastreux que cela ne manquera pas de produire en France comme à l’étranger.
Les exilés ont occupé cette lande, il y a moins d’un an, à la demande voire sous la contrainte des forces de l’ordre. Sous votre impulsion et celle de la maire de Calais, les pouvoirs publics ont contraint en mars 2015 les exilés présents sur différents campements ou squats à venir s’installer sur ce terrain vague, dépourvu de tout équipement à l’époque, avec l’engagement réitéré des représentants de l’Etat qu’ils n’y seraient pas délogés de force.
Moins d’un an plus tard, cet engagement est déjà renié.
Les conditions de vie – ou de survie – sont particulièrement difficiles sur la jungle, et il n’est pas question pour nous de vouloir pérenniser des conditions d’accueil à bien des égards dégradantes. Mais force est de constater que ce bidonville s’est développé ainsi du fait de l’impuissance des pouvoirs publics à apporter des réponses à la hauteur de la gravité de la situation. Les alternatives que la préfète estime suffisantes pour justifier le démantèlement de la jungle sont loin, très loin, de répondre aux besoins et aux problèmes rencontrés. De ce fait une évacuation brutale provoquerait des reconstitutions de campements notamment à Grande Synthe.
La préfète évoque les 1500 places du centre d’accueil provisoire (CAP). S’il faut apprécier l’intervention directe de l’Etat dans ce dispositif, nous ne pouvons que constater qu’il est encore largement sous-dimensionné, et que des améliorations en termes de respect de l’intimité des personnes et des conditions de vie sur le site sont fortement requises. Si disparaissent les lieux de vie existant à côté aujourd’hui dans la « jungle », il est fort probable que les exilés refuseront, pour beaucoup, d’accepter cet espace contraint du CAP.
Mme Buccio évoque également les CAO, les centres d’accueil et d’orientation. Les places disponibles comme la création de ces « centres de répit » ont constitué une innovation intéressante. Mais leur mise en oeuvre se réalise dans une telle improvisation qu’ils ne sont pas en mesure, aujourd’hui, de répondre à leur
objet : absence de comité de pilotage national, coordination locale entre services publics, élus locaux, opérateurs, associations tâtonnante ou inexistante, absence d’articulation entre les acteurs calaisiens et les CAO ouverts sur le territoire, absence d’évaluation sanitaire et sociale et non prise en compte des besoins des exilés avant leur orientation vers les CAO, manque d’information ou désinformation des exilés sur le fonctionnement des CAO créant des situations d’échecs et de retours vers la lande, faible application de la possibilité d’admission vers l’Angleterre, orientation de mineurs isolés étrangers, etc. Alors que le but de ces CAO n’était pas seulement de mettre à l’abri les exilés, mais bien de leur offrir la possibilité de recevoir une information fiable avant de décider de demander l’asile en France, d’accepter une réadmission dans un autre pays de l’UE, ou d’établir qu’ils ont de bonnes raisons de vouloir se rendre en Grande Bretagne, l’inorganisation actuelle et l’insuffisance des moyens déployés rendent illusoire la réalisation de cet objectif. La bonne idée des CAO est, par une mise en oeuvre défaillante, aujourd’hui incapable de répondre aux questions de tous les exilés qui seraient disposés à réexaminer leur projet.
A cela s’ajoute la question à la racine du phénomène Calaisien : les accords anciens qui contraignent la France à remplir le rôle de garde-frontière pour la Grande Bretagne. Sans une renégociation d’ensemble et transparente des conditions dans lesquelles la France et la Royaume Uni se répartissent l’accueil des exilés, le phénomène rencontré à Calais depuis des années ne pourra que perdurer. Cette renégociation s’impose d’urgence, et plusieurs parmi nos mouvements se concertent avec leurs partenaires britanniques pour inciter leurs élus à soutenir cette perspective. En attendant, nous constatons avec regret que les services de l’Etat n’ont pas fait le nécessaire pour prendre les mesures de recensement et d’examen des situations qui permettent la saisine des autorités britanniques afin que les exilés y ayant des proches puissent y accéder en utilisant les voies légales existantes. Après la décision du Conseil d’Etat, les quelques référés déposés récemment pour des mineurs isolés à Calais ont montré à quel point les défaillances de l’Etat étaient manifestes, y compris pour les plus vulnérables.
L’annonce du démantèlement de la Jungle dans les jours à venir nous paraît dans ces conditions inacceptable. Sans une évaluation des besoins sanitaires et sociaux des exilés avant leur orientation vers des centres dont la qualité d’accompagnement sera revue à la hausse à travers notamment un dispositif de coordination concertée entre les acteurs, sans une amélioration quantitative et qualitative de l’accueil dans le CAP sur le littoral, sans engagement, mesures et procédures adaptées pour permettre l’admission en Grande Bretagne de tous ceux qui y ont des proches, le démantèlement de la Jungle ne pourra produire que de nouvelles atteintes graves aux droits des personnes.
En l’état actuel du manque d’alternatives sérieuses, vous aurez compris que nous vous demandons de surseoir à cette évacuation, et que nous serons déterminés, si cela devait se produire, à nous y opposer.
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’assurance de nos sentiments distingués,
Véronique Fayet, Présidente Secours Catholique – Caritas France
Geneviève Jacques, Présidente de la Cimade
Louis Gallois, Président de la FNARS
Françoise Sivignon, Présidente de Médecins du Monde
Guy Aurenche, Président CCFD – Terre Solidaire
Thierry Khun, Président d’Emmaüs France
Claire Hédon, Présidente d’ATD Quart Monde
Rachid Lahlou, Président du Secours Islamique France
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« Votre fédération continuera à mettre le travail social en pleine lumière avec un objectif : c’est que ce combat là ne soit plus le combat de quelques uns mais de toute la société. »
Plénière 3 - le travail social, une solution contre le chaos avec @fa_brugere, philosophe, Jean-Jacques Brot, ancien préfet, @NDuvoux, président du @ConseilPauvrete , @finchelstein, secrétaire général @j_jaures, Véronique Lambert, directrice de l’Etape, administratrice de la FAS
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Christine Bailly « il faut aussi prendre en compte la capacité des personnes à participer afin de les accompagner au plus près des besoins pour redonner ce pouvoir d’agir. »
Cyprien Avenel : « le travailleur social n’est pas là uniquement pour réparer mais pour accompagner la personne telle qu’elle est. Il-elle n’est plus seulement porte parole de l’usager mais un accompagnateur vers la prise de parole des personnes »