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1 août 2012

Les projets du ministère de l’intérieur sur l’immigration

Le 25 juillet dernier, le ministre de l’intérieur a dévoilé ses projets sur l’immigration, l’intégration, l’asile et la nationalité devant la commission des lois du Sénat.  Ainsi, deux projets de lois sur la question des étrangers seront déposés d’ici au premier semestre 2013.  Quelles sont les principaux objectifs affichés par le gouvernement ?

Lors de son allocution devant les parlementaires et avant de dévoiler son programme sur l’immigration, Manuel Valls a rappelé les 3 mesures prises par le gouvernement depuis son entrée en fonction :

  • Abrogation de la circulaire Guéant sur les étudiants qui selon le ministre, constituait une « mesure de bon sens »
  • Assignation à résidence comme alternative à la rétention administrative des familles devant être éloignées, qui « est désormais la règle ».  (sur ce sujet, voir  la réaction du Gisti et de la Cimade)
  • Illégalité  des gardes à vue pour les étrangers en situation irrégulière sur ce seul motif, suite à la décision de la cour de cassation du 5 juillet dernier (voir notre article du …)

Cependant, deux projets de lois sont programmés d’ici la fin du premier semestre 2013. Certains points sont également affichés par le ministre comme priorités à venir.

Le projet de loi présenté à l’automne

1. La suppression du délit de solidarité

Le premier projet de loi déposé à l’automne 2012 proposera de « mettre fin au délit de solidarité qui permet de poursuivre l’aide désintéressée, apportée aux étrangers en situation irrégulière, sur la même base juridique utilisée pour les filières criminelles d’immigration ».  La dernière loi du 16 juin 2011 s’était bornée à « assouplir » le délit de solidarité sans toutefois le supprimer du code du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ainsi les poursuites ou les pressions auprès de personnes apportant une aide aux sans papiers  pouvaient encore exister en puisant sa source dans un fondement légal. Le projet de loi aura donc pour objectif de supprimer ce délit du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce positionnement vient conforter le souhait des associations de solidarité qui ont toujours appelé à la suppression de ce délit (lien sur le site délinquant solidaire).

 

2. Dispositif pour combler le vide juridique sur la garde à vue des sans papiers

La Cour de Cassation dans une décision du 5 juillet 2012 a rappelé la position de la CJUE sur la question de la garde à vue des personnes en situation irrégulière qui ne peuvent plus faire l’objet de cette procédure lorsqu’elles sont interpellées pour le seul motif de séjour irrégulier sur le territoire français. Désormais, ce placement est contraire à une directive européenne mais le code pénal n’a toujours pas été modifié en conséquence. Manuel Valls semble regretter que cette décision « ne donne plus légalement le temps matériel nécessaire pour examiner la situation d’un étranger au regard de son droit au séjour et d’en tirer les conséquences administratives » (sous entendu, l’expulsion du territoire français) et appelle à la mise en place d’un « dispositif » qui comblera ce vide juridique et qui permettra “l’efficacité de la politique d’éloignement qui […] est une nécessité». le 31 juillet dernier Manuel Valls a fait savoir qu’il s’agirait de créer un régime spécifique de retenue administrative portant à douze heures le délai pour vérifier la situation d’un étranger. Aucun élément ne permet aujourd’hui de connaître les contours de ce nouveau « dispositif », sa conformité au regard du droit européen, ni les garanties sur les droits et libertés fondamentales des migrants.

 

Le projet de loi présenté au premier semestre 2013

 

1. La création d’un titre de séjour pluriannuel pour les étrangers en situation régulière

En s’appuyant sur le fait que « les difficultés à obtenir le renouvellement d’un titre de séjour sont des facteurs de fragilisation économique, d’instabilité et in fine des obstacles à l’intégration », Manuel Valls propose la création d’un titre de séjour pluriannuel pour les étrangers en situation régulière sur le territoire français à coté d’un titre de séjour d’une année. Le ministre de l’intérieur affiche dans son allocution un objectif de 50 à 60 000 personnes qui pourront bénéficier de ce titre pluriannuel. Comme le souligne la CIMADE, “il ne faut pas que cela se fasse au détriment des cartes de résident” (d’une durée de 10 ans).

 

2. L’asile

La question de l’asile a fait l’objet d’une attention particulière dans le discours de Manuel Valls devant le Sénat.

Ainsi, le projet de loi de cet automne aura pour objet non seulement de transposer les directives européennes touchant à l’asile mais également de « remettre à plat les procédures applicables, [et] notamment de garantir efficacement les nouveaux droits accordés aux demandeurs en préservant l’objectif de réduction des délais [de la demande d’asile] ». Manuel Valls semble notamment faire référence à la refonte de la directive du 27 janvier 2003 sur les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile, en cours de discussion au niveau européen. Le réseau Migreurope alerte cependant dans un communiqué de presse sur les dérives de cette refonte, et notamment sur la possibilité de détention des demandeurs d’asile et la non interdiction absolue de la détention des demandeurs d’asile mineurs non accompagnés.

 

 Autres priorités du gouvernement

  • La régulation des migrations économiques :

Après avoir rappelé que « les personnes en situation irrégulière sur notre territoire, et qui n’ont pas vocation à y rester, doivent regagner leur pays d’origine », le ministre de l’intérieur préconise, conformément aux engagements de François Hollande lors de sa campagne présidentielle qu’un « débat [soit] organisé, chaque année, au parlement, sur la régulation des migrations économiques en fonction des besoins de notre pays ».  Ce débat aura un large cadre de concertation puisque les partenaires sociaux, les collectivités locales et les associations y seront associés.

 

  • Une clarification des critères pour l’admission exceptionnelle au séjour

Une circulaire serait en cours de rédaction sur les critères de l’admission exceptionnelle au séjour, jusque là trop flous, voire inexistants et aboutissant à des régularisations “purement discrétionnaires” selon le ministre. Les critères seraient en cours de discussion avec l’ensemble des parties prenantes (dont les associations, les syndicats, le ministère du travail…) et porteront sur les années de présence en France, les attaches familiales, la scolarisation des enfants, la situation par rapport au travail, « donc sur ce qui fait la réalité de ‘une vie construite sur notre territoire ».

 

  • L’interministérialité

Une volonté affichée de promouvoir le travail interministériel est présentée dans le discours du ministre de l’intérieur. En effet, celui-ci était « trop oublié sous le gouvernement précédent ».  Ainsi, le ministre rappelle les travaux interministériels mis en place depuis son arrivée place Beauvau :  le travail sur les critères d’admission exceptionnelles au séjour en lien avec le ministère du travail et les parties prenantes (syndicats, associations…) ; celui de la question des étrangers malades, en cours de  discussion avec Marisol Touraine afin « d’améliorer, notamment dans le cadre des procédures d’éloignement, l’articulation entre les ARS et les préfectures ». Une mission commune sera lancée avec le ministère des affaires sociales et de la santé sur ce sujet.  « L’intégration étant un sujet qui transverse l’ensemble des politiques publiques. Il est interministériel par essence »

 

  • Nouveaux critères de naturalisation

Manuel Valls souhaite « revenir sur les critères introduits subrepticement par [son] prédécesseur » en affichant vouloir « faire de la nationalité un moteur de l’intégration et non le résultat d’une course d’obstacles aléatoire et discriminante ».

 

 

 

 

 

Marion Lignac

marion.lignac@fnars.org