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22 mars 2016

La loi relative au droit des étrangers en France promulguée

C’est en toute discrétion que la loi relative au droit des étrangers a été promulguée le 7 mars 2016. Après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a finalement tranché et adopté un texte présentant des dispositions qui améliorent les possibilités de régularisation de plusieurs catégories d’étrangers, mais qui, en contrepartie, durcit les mesures de contrôle et d’éloignement à l’égard des étrangers présents en France.

Des avancées en matière de droit au séjour

Une disposition de la loi défendue par les associations vient réformer le droit au séjour des étrangers atteints d’une pathologie grave. En effet, la loi rétablit la prise en compte lors de l’examen de la demande de titre de séjour de « l’offre de soins et des caractéristiques du système de santé dans le pays » dont ils sont originaires. Leur droit au séjour n’est donc plus conditionné à l’absence d’un traitement approprié dans leur pays. En outre, les parents d’un enfant atteint d’une pathologie grave pourront désormais bénéficier de plein droit d’une autorisation provisoire de séjour de six mois. Elle sera, par ailleurs, délivrée aux deux parents, et non plus seulement à l’un d’entre eux. Il est à noter que l’avis médical prévu par le code de l’entrée des étrangers et du droit d’asile lors de l’examen d’un droit au séjour pour raison médical ne sera plus rendu par un médecin de l’agence régionale de santé mais par un collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

La loi comporte également des évolutions pour les personnes étrangères victimes de violences. Pour les personnes victimes de violences conjugales, le renouvellement de leur carte de séjour temporaire ne dépendra plus du pouvoir discrétionnaire du préfet mais relèvera d’une délivrance de plein droit. Le législateur a étendu ce droit au renouvellement du titre de séjour aux victimes de violences familiales et il a également prévu la délivrance de plein droit d’une carte de séjour aux étrangers subissant un mariage forcé.

Quant à la nouvelle carte pluriannuelle prévue dans le projet de loi initial, elle est adoptée par le Parlement sans modifications substantielles (voir article). Les personnes victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme restent toutefois exclues du bénéfice de ce titre de séjour.

Par ailleurs, plusieurs dispositions soutenues par la FNARS et les associations visant à favoriser la pérennité du droit au séjour des étrangers ont été adoptés. Les parlementaires ont ainsi rétabli la délivrance de plein droit des cartes « résident de longue durée-UE » d’une durée de 10 ans pour les personnes en séjour régulier depuis cinq ans, et après trois années de séjour régulier pour les parents d’un enfant français, les conjoints de Français et les personnes ayant été admises au titre du regroupement familial.

Enfin, la proposition de la FNARS de permettre aux étrangers primo-arrivants de bénéficier d’un accompagnement adapté à leurs besoins pour faciliter leurs conditions d’accueil et d’intégration en France a été retenue dans le cadre du « parcours personnalisé d’intégration républicaine ». Elle est également reprise dans une instruction en date du 18 février 2016 relative aux orientations pour l’année 2016 de la politique d’accueil et d’intégration des étrangers en France.

Le durcissement des mesures de contrôle et d’éloignement à l’égard des étrangers

En dépit des propositions d’amendements présentées par la FNARS et le secteur associatif, les dispositions permettant de procéder à tout moment au contrôle de la situation des étrangers en séjour régulier et d’obtenir, pour ce faire, la transmission de toute information et document utile auprès de certaines autorités publiques et personne privée ont été adoptées par les parlementaires (voir communiqué de presse). Ce droit de communication des agents des préfectures pourra être exercé, sans possibilité d’opposer le secret professionnel (à l’exception du secret médical), auprès des autorités dépositaires des actes d’état civil, des administrations chargées du travail et de l’emploi, des organismes de sécurité sociale, des écoles et des établissements d’enseignement supérieur, des fournisseurs d’énergie et des services de communications électroniques, des établissements de santé publics et privés, des banques et des organismes financiers, ainsi que des greffes des tribunaux de commerce. Cette mesure, qui constitue pour le secteur de l’action sociale et les associations une atteinte aux droits des personnes étrangères et au travail social, a fait l’objet de quelques aménagements lors de son examen. La loi prévoit ainsi l’obligation pour la préfecture d’informer la personne dont elle s’apprête à retirer la carte de séjour, de la teneur et de l’origine des informations et documents recueillis. Les modalités de mise en œuvre de cette mesure seront déterminées par décret en Conseil d’Etat après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Il reste encore à savoir si ce droit de communication répond aux exigences d’un traitement loyal des données personnelles imposées par le droit communautaire et le récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 1er octobre 2015.[1]

Si la loi prévoit le développement des assignations à résidences des étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement pour éviter leur placement en centre de rétention administratif, elle modifie défavorablement certaines règles procédurales. Ainsi, les personnes déboutées d’une demande d’asile ainsi que celles entrées ou qui se sont maintenues irrégulièrement sur le territoire ne disposeront plus que d’un délai de 15 jours contre 30 jours actuellement pour contester l’obligation de quitter le territoire qui leur sera délivrée.

Surtout la loi introduit une procédure inédite permettant au préfet de saisir le juge des libertés et de la détention, indépendamment de toute procédure pénale, en vue de l’autoriser à requérir les forces de police pour « qu’ils visitent le domicile de l’étranger afin de s’assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière » ou de le placer en centre de rétention administratif. Il sera donc désormais possible d’interpeller les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement chez eux, chez leurs proches qui les hébergent ou dans les centres hébergement qui les accueillent. Pour ces derniers, la mise en œuvre de cette procédure risque de conduire les personnes sans-abri à ne plus recourir aux centres d’hébergement (et autres services) et à préférer rester dans la rue, dans des bidonvilles ou des squats, avec les conséquences que l’on connaît notamment en termes de santé, de sécurité ou de scolarisation des enfants, et remet fortement en cause les principes éthiques et déontologiques auxquels sont soumis les intervenants sociaux.


[1] CJUE, Troisième chambre, 1er octobre 2015, Smaranda Bara e.a. contre Președintele Casei Naționale de Asigurări de Sănătate et autres,  Aff C-201/14 ; Voir Jean-Philippe Foegle, « La CJUE encadre sévèrement les échanges de données entre administrations », in Revue des droits de l’homme, 12 février 2016.