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13 décembre 2016

Interview Lila Bounouri, chargée d’accompagnement social et professionnel, La Clède

Interview Lila Bounouri, chargée d’accompagnement social et professionnel, La Clède

 Pouvez-vous présenter l’association pour laquelle vous travaillez, et quel est votre rôle ? 

La Clède a été créée en 1978 et assure une mission d’accueil d’hébergement et de réinsertion sociale et professionnelle. La ressourcerie de la CLEDE est un atelier chantier d’insertion et accompagne 59 personnes en CDDI, sur des contrats de 4 à 12 mois. Huit salariés permanents sont au service de la ressourcerie.

Je réalise l’accompagnement social et professionnel des personnes. Ma première mission consiste à recruter les salariés en insertion. Si une problématique d’ordre social (par exemple une addiction) est repérée par un encadrant technique,  je m’occupe de relayer vers les bons services d’accompagnement. Je fais le lien, l’interface entre le personnel accompagné et les encadrants techniques. Je suis aussi en charge de l’accompagnement et du pilotage des parcours de formation,   du volet administratif, des comités de suivi, de la réalisation des bilans (notamment auprès du FSEFSEFonds social européen). Une autre de mes missions est de concrétiser des partenariats avec les entreprises par le biais notamment des périodes de mises en situation en milieu professionnel (PMSMP).

Mes missions au quotidien sont donc vastes !

 Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans vos relations avec l’entreprise ? 

J’ai accentué mes missions en lien avec les entreprises au travers des Périodes de Mises en Situation en Milieu Professionnel (PMSMP). Si j’ai pu développer un premier réseau d’entreprises grâce à cet outil, à terme, ces entreprises n’embauchent souvent pas. Les PMSMP sont utiles pour les personnes accompagnées pour valider – ou invalider – un projet professionnel, ou acquérir de nouvelles compétences mais il faudrait développer ce réseau d’entreprises, notamment en sollicitant des entreprises qui recrutent. Mais aujourd’hui nous ne savons pas faire. La Clède a déjà réfléchi à ce sujet, toute l’équipe a été mobilisée depuis quelques années pour trouver des solutions pour aider à étoffer le réseau. Mais nous n’étions pas allés au bout. Nous sommes donc restés avec ce problème…jusqu’à notre engagement dans l’expérimentation SEVE.

Cette expérimentation nous permet de déployer une autre méthodologie de travail pour démarcher les entreprises, y compris celles que nous ne connaissons pas encore aujourd’hui.

 Pourquoi avoir choisi de s’engager dans l’expérimentation SEVE ? 

Suite à cette réflexion interne, nous savions que nous étions à un moment charnière dans nos missions quotidiennes. Il était devenu urgent de trouver des solutions pour favoriser le retour à l’emploi. Sans cette réflexion en amont, peut-être que nous n’aurions pas eu cet engouement collectif pour l’expérimentation. En effet, au-delà de la direction, c’est l’équipe de la ressourcerie qui a été vraiment partante pour ce projet et volontaire pour s’engager dans de nouvelles actions d’accompagnement, mais aussi dans le questionnement des pratiques actuelles.

 En quoi le projet SEVE va-t-il vous aider au quotidien ? 

Cette expérimentation va nous aider à déployer notre propre stratégie de médiation pour l’emploi adaptée au contexte et à notre territoire. Nous avons commencé il y a peu de temps mais nous avons déjà réalisé des actions permettant de favoriser le retour à l’emploi des personnes accompagnées : construction d’un argumentaire lors d’un premier contact avec une entreprise, un argumentaire lors du premier rendez-vous physique avec l’entreprise. Nous avons aussi travaillé sur une fiche action sur la question de la mobilisation des permanents sur la recherche d’emploi mais aussi sur le rôle et la mission de chacun sur l’accompagnement à l’emploi. Des outils construits en équipe, par nous, pour nous. Pour nous aider dans nos missions, pour structurer nos façons de faire. Nous allons concrétiser ces outils en prenant évidemment contact avec les entreprises.

L’expérimentation SEVE nous a concrètement donné un nouveau souffle, une nouvelle dynamique. Les formations sont espacées dans le temps, cela permet aussi une prise de recul sur nos pratiques professionnelles, nous les réinterrogeons en groupe, soit en équipe, soit en groupe projet régional avec une autre SIAE de la région. Discuter avec d’autres professionnels nous permet de décaler ce quotidien qui est trop prenant aujourd’hui. 

Par exemple, travailler avec l’équipe de l’APIJE (qui est aussi entrée dans l’expérimentation SEVE) permet de partager des difficultés communes mais aussi de trouver des solutions : ils ont résolu certains problèmes avant nous !  On repart de la journée avec des bonnes idées, le dynamisme est décuplé.

 Quelles actions semblent être pour vous les plus efficaces pour développer des liens avec l’entreprise ? 

SEVE c’est aussi pour moi en tant que professionnelle, un moyen d’apprendre à me sentir plus à l’aise avec les entreprises. Nous sommes sur une nouvelle façon de penser l’accompagnement. On enlève les barrières du «  vous n’êtes pas prêt à intégrer une entreprise ». Nous partons du constat qu’il faut systématiser les relations avec les entreprises sans se dire que la personne a des freins. Elle en a mais cette dynamique de lien avec les entreprises pourra aussi aider à en résoudre certains.

SEVE c’est aussi  un changement en interne au sein de la structure. On sait aujourd’hui que l’on doit faire bouger les lignes de l’accompagnement social et professionnel, tendre vers un métier tel que « chargé de mission entreprise ». On en avait conscience mais aujourd’hui, on rend les compétences attendues concrètes. Il faut se dire qu’aujourd’hui, une personne très éloignée de l’emploi n’a peut-être jamais mis les pieds en entreprise ou très peu et que cela peut effrayer. Nous avons les PMSMP bien sûr, mais rien que la création de liens permettra de lever les peurs qui peuvent être associées au monde de l’entreprise. Plus la personne sera intégrée au monde de l’entreprise, plus la personne y trouvera sa place. Il faut les mettre à l’aise dans un monde qui leur est parfois étranger, nous pouvons les aider à désacraliser le monde de l’entreprise.

Et puis, rencontrer des employeurs, des salariés des entreprises, aller échanger avec eux, c’est aussi, pourquoi pas, dénicher le marché caché des offres d’emploi.  Oser rapportera toujours plus que de ne pas le faire.

 Quelles suites voyez-vous à SEVE pour la Clède ? 

À terme nous visons le développement d’une offre de service pour les employeurs du territoire. Aujourd’hui, mon accompagnement s’arrête dès lors qu’un contrat de travail est signé. Mais nous pourrions faire bien plus que ça et nous devons le mettre en valeur. J’y vois là par exemple un rôle de médiateur entre les entreprises et   les partenaires sociaux (nous connaissons l’ensemble des partenaires possibles dans l’accompagnement sur le territoire). Nous sommes aussi en situation de maitrise des différents contrats de travail existants voire sur des différentes possibilités d’emploi : nous connaissons et avons formé les personnes accompagnées, nous maitrisons donc parfaitement leurs compétences. Quelle entreprise aujourd’hui est en capacité de dire qu’elle a formée du personnel compétent et en plus qu’elle souhaite le proposer à une autre entreprise ? Nous pouvons donc construire avec les entreprises des postes adaptés qui répondent à la fois aux compétences des personnes suivies et aux profils recherchés des entreprises. Nous avons aussi un rôle à jouer grâce à notre réseau fort dans l’IAEIAEInsertion par l’Activité Économique et avec les partenaires de l’emploi.  Nous pouvons être facilitateur sur les questions de formation professionnelle.

 Au niveau des personnes accompagnées, à quoi peut leur servir le projet SEVE ? 

À court terme, l’objectif est  que les personnes accompagnées puissent être à l’aise avec cette nouvelle méthodologie que nous sommes en train de travailler. On sent une motivation, une émulation et ce cadre est loin de stresser, au contraire, il est stimulant et rassurant pour les personnes accompagnées. Pourquoi ? Parce que nous assurons de fait un suivi plus régulier, nous ne parlons plus des freins mais des atouts qu’elle peut mettre en exergue. Enfin, très concrètement quand une partie de l’équipe des salariés en insertion part à la rencontre des entreprises, ça motive ceux qui sont en production à y aller aussi ! Un vrai booster !