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9 décembre 2019

Fortes inquiétudes autour de l’hébergement d’urgence

Vendredi 29 novembre, Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, a convié les fédérations et associations nationales du secteur de la veille sociale, de l’hébergement et du logement à une réunion portant sur le Logement D’Abord et l’hébergement d’urgence. L’occasion pour les acteurs du secteur de rappeler à l’État les mesures urgentes qu’imposent la situation des familles et des enfants sans-abri, la saturation des 115, l’insuffisance des mesures issues du Grenelle contre les violences faites aux femmes, les ruptures d’inconditionnalité de l’accueil dans certains territoires ainsi que la transformation du parc d’hébergement hors Code de l’action sociale et des familles (CASF) dans le département du Rhône.

Point sur la mise en œuvre du plan hiver

6 400 places supplémentaires sont ouvertes à ce jour dont 40% pour des publics « familles » et dont 2 800 en Ile-de-France. Des places « familles » supplémentaires seront ouvertes prochainement. Le ministre prévoit une annonce du nombre de places pérennisées et leur ventilation à la mi-février afin d‘anticiper au mieux la fin de la période hivernale. L’État travaille sur la captation de bâtiments supplémentaires, notamment en lien avec les Agences régionales de Santé (ARS) avec lesquelles 80 sites auraient été repérés à ce jour.

Nous avons pu rappeler au ministre :

  • le nombre très inquiétant de familles à la rue ou dans des habitats précaires,
  • la situation des enfants dont 700 sont à la rue ou dans des habitats précaires chaque jour à Paris, insistant sur le fait que cette massification se déroule également dans la plupart des grandes villes de France,
  • le triplement du nombre de familles accueillies dans les accueils de jour à Paris pour lesquelles seules 10% obtiennent une place d’hébergement,
  • la situation critique des demandeurs d’asile qui ne peuvent plus être pris en charge faute de places,
  • si le budget de l’hébergement d’urgence est en hause, les associations regrettent la faiblesse du Projet de Loi de Finances 2020 sur le BOP 3030qui programme la création de moins de 100 places en CADA et HUDA alors que la création de plus de 30 000 est estimée nécessaire par la Fédération pour héberger l’ensemble des demandeurs d’asile en cours de procédure,
  • l’impossibilité de répondre positivement aux demandes d’hébergement pour les SIAO avec par exemple seulement 12% de réponse positive sur le SIAO de Montpellier, en baisse par rapport à 2018,
  • la nécessité de changer de cap avec notamment la fin de la gestion au thermomètre et des expulsions sans alternatives de logement ou d’hébergement,
  • enfin, l’urgence absolue de mesures structurelles pour éviter les situations tragiques et poser un objectif « 0 enfant à la rue » d’ici Noël.
La saturation des 115 et de l’hôtel social comme variable d’ajustement

Le Samusocial de Paris a proposé quelques chiffres montrant l’évolution de l’activité du 115115Numéro d’urgence sociale anonyme et gratuit pour les sans-abri de Paris entre 2016 à 2019 pour le mois d’octobre en moyenne par jour :

  • 6 000 appels par jour en 2016 pour 16 000 par jour en 2019, soit + 266%,
  • la demande « familles » a été multipliée par deux,
  • les demandes non pourvues (DNP) « familles » sont passées de 586 à 1480, soit + 252%,
  • dégradation du taux de réponse des appels passant de 1 un appel sur 3 répondu à 1 sur 10.

Par ailleurs, avec 13 000 familles hébergées en hôtel social en Ile-de-France, soit 39 000 personnes, l’extension de la variable d’ajustement « hôtel social » n’est aujourd’hui plus envisageable. Des mesures structurelles semblent plus que nécessaires afin que l’hôtel social ne soit plus considéré comme l’unique solution d’hébergement des familles, situation qui génère une forte concurrence entre les publics.

Retour sur le Grenelle contre les violences faites aux femmes

Le ministre a fait un rappel des annonces du Premier ministre du 25 novembre dernier en clôture du Grenelle contre les violences faites aux femmes, mesures que vous pouvez retrouver dans leur intégralité dans le dossier de presse dédié.

Les associations saluent cet effort de création de places tout en estimant qu’il manque 2000 places pour répondre aux demandes de protection des femmes victimes de violences.

Concernant la création de 250 places d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violence conjugale, le cahier des charges a été envoyé aux préfectures. Nous avons pu rappeler aux ministres que le prix de 25 euros par journée ne permettait pas de mettre en œuvre ce cahier des charges tel qu’il a été présenté. Des ajustements pour pallier ce bas coût à la place ont été prévus par l’État, sans toutefois plus de détails.

Sur les 750 places d’Aide au Logement temporaire (ALT), nous avons pu rappeler au ministre que ce type de financement pose question au regard des besoins d’accompagnement des femmes victimes de violence mais aussi de la mise à l’écart évidente des femmes en situation administrative incomplète qui ne peuvent bénéficier de ce genre de dispositif.

Évoquée lors de la réunion, la charte 3919/SIAO, signée par la FAS, la FNSF et l’État, était une initiative nécessaire pour la protection effective et l’hébergement des femmes victimes de violence conjugale mais restera infructueuse si elle ne s’accompagne pas de moyens dédiés pour les SIAO.

Transformation de l’hébergement d’urgence et d’insertion dans le département du Rhône

La FAS regrette la brutalité de cette mesure qui concerne presque tout le parc d’hébergement qui se voit imposer des mesures de tri des publics. En conséquence, nous avions demandé ces dernières semaines le rattachement immédiat du parc d’hébergement au CASF incluant l’inconditionnalité et la continuité de l’accueil. En réponse, le ministre a demandé au préfet du Rhône de surseoir immédiatement à la transformation envisagée, assurant qu’il ne s’agissait pas d’une volonté politique mais la conséquence de la pression qu’impose le manque de places.

La Fédération restera très attentive à la situation dans le département afin que les mesures qui étaient entreprises soient définitivement annulées, et ne restent pas en sursis.