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14 juin 2022

Dématérialisation des demandes de titre de séjour : le Conseil d’État impose un accompagnement et une voie de substitution

Le Conseil d’État a rendu le 3 juin 2022 une décision relative aux demandes dématérialisées de titres de séjour via l’Administration numérique des étrangers en France (ANEF) qui annule partiellement les textes relatifs à cette dématérialisation et demande au gouvernement de prévoir à la fois un accompagnement adapté ET une voie de substitution non dématérialisée en cas de défaillance technique. Cette décision fixe des garanties pour les personnes étrangères demandant un titre de séjour, et l’enjeu réside aujourd’hui dans les moyens qui seront alloués pour leur assurer un accès aux droits effectif.

Le Conseil d’Etat a rendu le vendredi 3 juin 2022 une décision relative à la dématérialisation des titres de séjour via l’ANEF et un avis relatif à l’imposition par les préfectures de prise de rendez-vous par internet. Cette décision et cet avis peuvent être consultés sur la page internet du Conseil d’État.

En ce qui concerne la décision du Conseil d’État, la question portait sur la capacité de l’administration à imposer l’usage d’un téléservice, en l’occurrence de l’ANEF pour les demandes de titres de séjour. Le Conseil d’Etat indique qu’il n’y a pas d’impossibilité de principe pour l’administration d’imposer l’usage d’un téléservice pour la réalisation d’une démarche, mais il précise que pour chaque démarche, l’administration doit tenir compte « de l’objet du service, du degré de complexité des démarches administratives en cause et de leurs conséquences pour les intéressés, des caractéristiques de l’outil numérique mis en œuvre ainsi que de celles du public concerné, notamment, le cas échéant, de ses difficultés dans l’accès aux services en ligne ou dans leur maniement ».

Ainsi, dans le cas des demandes de titres de séjour, le Conseil d’Etat précise qu’au regard notamment de plusieurs de ces éléments précédents (conséquences en cas d’incapacité à réaliser les démarches et potentielles difficultés à l’accès à internet ainsi qu’à la réalisation de démarches en ligne en particulier), la mise en place d’un téléservice doit être accompagnée :

  • D’un accompagnement à la réalisation de la démarche
  • ET d’une voie de substitution « pour le cas où certains demandeurs se heurteraient, malgré cet accompagnement, à l’impossibilité de recourir au téléservice pour des raisons tenant à la conception de cet outil ou à son mode de fonctionnement ».

Or le Conseil d’État que dans les textes instaurant la dématérialisation des demandes de titres de séjour, l’accompagnement des requérant est bien mentionné, mais aucune solution alternative au téléservice n’est, elle, prévue. Ainsi, il annule partiellement les arrêtés concernés (arrêté du 27 avril 2021 et arrêté du 19 mai 2021) et demande à l’administration de modifier les textes pour prévoir cette voie de substitution. Dans l’intervalle, l’administration devra permettre le dépôt de la demande de titre de séjour « selon une autre modalité » dans le cas où la personne concernée se trouverait dans l’impossibilité de déposer sa demande via le téléservice.

De plus, le Conseil d’État indique dans un avis rendu le même jour que les préfets ne pouvaient rendre obligatoire la prise de rendez-vous par internet.

Il s’agit donc d’une décision intéressante au regard des garanties qui sont considérées comme nécessaires par le Conseil d’État. La Fédération des acteurs de la solidarité demandera des précisions sur la mise en œuvre de ces modalités alternatives à la direction générale des étrangers en France. En effet, l’enjeu réside bien dans l’accès effectif à un accompagnement adapté et la mise en place d’alternatives par les préfectures dans les cas de dysfonctionnement de l’ANEF, qui dépendent de moyens qui restent pour le moment insuffisants.

La Fédération a déjà reçu un nombre significatif de signalements relatifs à des difficultés rencontrées lors des demandes de titres de séjour via l’ANEF, notamment pour des bénéficiaires d’une protection internationale, et des réponses rapides doivent pouvoir être apportées à ces situations aujourd’hui bloquées par le manque d’alternatives.

Voir le communiqué de presse des organisations à l’origine des recours devant le Conseil d’État (Cimade, Gisti, SAF, LDH, ADDE, Secours Catholique, Conseil national des barreaux).