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2 avril 2020

DAHO – Le Défenseur des Droits rend une décision suite à deux refus de commissions de médiation pour notification d’obligation de quitter le territoire

Recours DALO « hébergement » : le DAHO

Inscrit dans la loi DALO (Droit au logement opposable) du 5 mars 2007, ce recours est ouvert aux personnes qui n’ont pas eu de réponse favorable à leur demande d’accueil dans une structure d’hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale. Lorsque la demande est reconnue prioritaire par une commission de médiation, le préfet doit orienter la personne vers une structure d’hébergement stable et pérenne, lui permettant de bénéficier d’un accompagnement adapté vers un logement.

La notion de stabilité de l’hébergement et l’accès à ce recours sans condition de régularité de séjour ont été défendu par le Comité de suivi DALO et la Fédération des acteurs de la solidarité lors de l’examen de la loi ALUR (Accès au Logement et un Urbanisme rénové) (loi) de 20141. La stabilité de l’hébergement a été inscrite dans la loi, tout comme le fait que le droit au recours DAHO n’est soumis à aucune condition de régularité et de permanence du séjour2.

Saisi de plusieurs réclamations, le Défenseur des Droits a publié le 15 janvier 2020 une décision concernant de refus de la commission de médiation (Comed) pour des ménages sans titre de séjour et sans solution d’hébergement qui demandaient à être reconnus prioritaires DAHO.

Résumé des situations 

La première réclamation concerne une mère isolée accompagnée de ses deux enfants mineurs qui sont hébergés dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale. A la suite d’une décision mettant fin à l’accueil de la famille et risquant ainsi de retourner à la rue, elle présente en octobre 2018 un recours devant la Comed pour être accueillie dans une structure d’hébergement adaptée aux familles avec enfants. Le 29 novembre 2018, la Comed rejette son recours qu’elle estime sans objet parce qu’elle « s’est maintenue en présence indue sur la place d’hébergement d’urgence alors que son contrat d’hébergement prenait fin le 12/10/2018 ». Malgré une demande de réexamen par le Défenseur, la Comed maintient sa position en avril 2019 en ajoutant qu’en plus d’être en présence indue et donc de bénéficier d’un hébergement, Madame X a une obligation de quitter le territoire (OQTF) et n’a donc pas vocation à rester sur le territoire.

La seconde réclamation porte sur la situation d’une femme dépourvue de logement depuis plusieurs mois, et qui alterne les périodes à la rue et dans les centres d’hébergement d’urgence. Faute de solution d’hébergement pérenne, elle dépose un recours pour être accueillie dans un hébergement adapté à sa situation. Le 29 novembre 2018, la Comed rejette son recours au motif qu’elle est venue rejoindre sa fille en 2015 et qu’elle a une OQTF. « Saisie d’un recours gracieux, la commission a considéré que le recours de l’intéressée était désormais « sans objet » au motif qu’elle était hébergée, depuis le 7 janvier 2019, dans une structure d’hébergement d’urgence. » Malgré une demande de réexamen par le Défenseur, la Comed maintient sa position en avril 2019 au motif que la situation de Madame Y n’a pas évolué depuis le 7 janvier 2019.

L’absence de régularité du séjour et l’accueil dans un hébergement d’urgence ne sont pas des motifs de refus valables

Dans sa décision, le Défenseur des Droits rappelle le cadre légal et recommande aux commissions de médiation de revenir sur leur décision refusant de reconnaître à ces personnes le caractère urgent prioritaire de leur demande d’hébergement au titre du DAHO.

La loi mentionne clairement que : « La commission de médiation peut (…) être saisie, sans condition de délai, par toute personne qui, sollicitant l’accueil dans une structure d’hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, n’a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande. Si le demandeur ne justifie pas du respect des conditions de régularité et de permanence du séjour mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-1, la commission peut prendre une décision favorable uniquement si elle préconise l’accueil dans une structure d’hébergement »3.

La loi reconnaît ainsi à la commission de médiation la possibilité de préconiser l’accueil de la personne dans une structure d’hébergement. Elle ne peut donc pas rejeter le recours amiable en raison de l’absence de titre de séjour de la personne. De plus, si la personne est hébergée de manière précaire, elle a le droit de demander un hébergement stable et adapté à sa situation dans le cadre du recours DAHO

Le Défenseur des droits rappelle également dans sa décision que :
  • Le tribunal administratif de Bordeaux (jugement du 12 décembre 2018)4 a estimé que « la commission ne pouvait refuser d’examiner la demande d’hébergement qui lui était soumise au seul motif de l’irrégularité du séjour de l’intéressée, dès lors que, même dans ce cas, la possibilité lui en est ouverte » par la loi DALODALODroit au logement opposable.
  • Le guide « Droit au logement opposable – Guide pour les commissions de médiation »5, publié en septembre 2017 par le ministère de l’Egalite des territoires et du Logement précise bien que « les personnes accueillies de façon temporaire dans des places de mises à l’abri ou un hébergement d’urgence peuvent introduire un recours [DAHO] ».

De plus, le Défenseur des Droits estime que les refus persistants de la Comed opposés aux personnes de nationalité étrangère peuvent constituer une discrimination directe6 ainsi qu’une méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant7 dans le cas de la première réclamation.

Accompagner les recours DAHO pour permettre aux personnes et aux familles, quel que soit leur situation administrative, de ne pas rester à la rue reste un enjeu pour le secteur social et médico-social. Les recommandations faites par le Défenseur des Droits sont importantes car elles viennent rappeler le droit afin de lutter contre les discriminations inhérentes à l’accès à un logement ou à un hébergement.


1 https://www.federationsolidarite.org/champs-d-action/hebergement-logement/4677-projet-de-loi-alur-des-amendements-pour-aller-plus-loin

2 Voir article et amendement p.12 du document : https://www.federationsolidarite.org/champs-d-action/hebergement-logement/4606-les-amendements-au-projet-de-loi-duflot-du-comite-de-suivi-dalo

3 Article L. 441-2-3 III du code de la construction et de l’habitation

4http://www.jurislogement.org/wp-content/uploads/2019/02/TA-Bordeaux-12-d%C3%A9cembre-2018-n%C2%B01802280.pdf

5http://www.hclpd.gouv.fr/IMG/pdf/20171103_guide_comed_definitif.pdf

6 Sur le fondement de son origine (…), de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable

7 Article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant de 1989.