13 septembre 2024
30 octobre 2018
Lettre ouverte de la FEANTSEA- traduction Fédération des acteurs de la solidarité
Cher Vice-Président Timmermans,
En juin 2018, le gouvernement Hongrois a de nouveau modifié sa constitution afin d’interdire à toute personne de vivre sur l’espace public ; ce qui viole clairement les traités internationaux des droits de l’homme et dont la Hongrie est signataire.
Cette évolution alarmante a suscité l’inquiétude des structures d’aide aux sans-abri dans toute l’Europe. La Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri et ses membres ont dénoncé cet amendement dans une déclaration publique en juin 2018 [1].[1] Parallèlement, la rapporteuse de l’ONU sur le logement a exprimé ses préoccupations dans une lettre au Gouvernement Hongrois[2]. Selon elle, l’approche du gouvernement Hongrois face au sans-abrisme n’est pas compatible avec loi internationale relative aux droits de l’homme. Cet amendement pénalise un groupe déjà extrêmement vulnérable en raison des carences du gouvernement Hongrois quant à leurs obligations internationales en matière du droit fondamental à un logement convenable.
Quelques semaines seulement après le discours de M. Orbán au Parlement européen, affirmant que le contenu du rapport de Mme Judith Sargentini [3], qui soulignait que la criminalisation du sans-abrisme était répandue en Hongrie, était faux, un décret exécutif [4] qui impose des sanctions administratives et pénales en cas de violation de l’interdiction de dormir dans la rue, entrera en vigueur.[4]
Cette loi établit que si des personnes sans-abri étaient trouvées « coupable » d’infraction à la loi (soit qui vivraient dans la rue et n’accepteraient pas d’être escortés par un travailleur social désigné par la police), ils seraient automatiquement obligés de participer à un programme de travaux d’utilité publique (sans rémunération), ce qu’ils ne pourraient éviter qu’en payant une amende. S’ils refusent de participer aux travaux d’utilité publique et ne paient pas d’amende, ils peuvent être incarcérés. Si une personne est reconnue coupable de violation de la loi à trois reprises consécutives au cours d’une certaine période, elle peut être automatiquement condamnée à une peine de prison. Les objets personnels des personnes sans-abri qui dorment dans la rue seraient rassemblés et entreposés temporairement.
Bien que la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri soit au courant de nombreuses tentatives de criminalisation du sans-abrisme en Europe, il s’agit de loin de l’expression la plus alarmante de la dernière décennie.
Alors que le régime d’Orbán fait campagne contre les ONG, les structures d’aide aux sans-abri et les travailleurs sociaux pour les dissuader d’exprimer leur mécontentement, il leur est parallèlement demandé de devenir acteurs de la mise en œuvre de cette criminalisation du sans-abrisme. Ceci est en contradiction avec la philosophie du travail social basée sur la libre acceptation de l’assistance. Les travailleurs sociaux ne devraient pas être contraints d’abandonner leur rôle de garants de l’intégration sociale des citoyens les plus vulnérables. Leurs responsabilités doivent rester claires en tant que service aux personnes et non en tant qu’agent d’exécution de la criminalisation.
Les règlements antérieurs de criminalisation en Hongrie ont prouvé que les forces de l’ordre avaient également un rôle compliqué et préféraient ne pas harceler les personnes sans-abri vivant dans la rue, évitant ainsi de rechercher pendant le sommeil agité des personnes des auteurs présumés de violation des règlements.
Alors que d’autres conséquences de l’application de la loi ne sont toujours pas claires à ce stade, nous sommes préoccupés par certains points, par exemple par la détention voir la destruction des biens personnels pendant les périodes d’emprisonnement des personnes. En outre, la non prise en compte du rôle d’assistance volontaire des travailleurs sociaux, peut menacer la sécurité personnelle des sans-abri, et provoquer nécessairement un basculement de la fonction d’assistance à un rôle de contrôle.
Le sans-abrisme est une violation flagrante des droits fondamentaux d’un être humain. Nous ne cesserons pas d’insister sur le fait que l’approche criminalisante est vaine pour éliminer une forme extrême d’exclusion en matière de logement et contraire à la dignité humaine. Il a simplement pour but de déplacer le problème du sans-abrisme hors de la vue du public, plutôt que d’offrir une vraie solution à la situation.
Les institutions de l’Union européenne et ses États membres devraient promouvoir des approches du sans-abrisme fondées sur les droits. L’UEUEUnion européenne devrait presser le gouvernement Hongrois à lutter contre le sans-abrisme en prenant des mesures appropriées et efficaces, au lieu de pénaliser une situation de vie qui ne peut être résolue que par l’individu. D’innombrables exemples, en Europe et au-delà, démontrent que des progrès concrets en matière d’élimination du sans-abrisme peuvent être réalisés en mettant en œuvre des politiques de prévention intégrées, axées sur le logement et surtout via des politiques de prévention efficaces.
Meilleures salutations,
Freek Spinnewijn, Directeur de la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri
[1] [1] FEANTSA and its members strongly denounce the proposed amendments to the Hungarian Constitution which will forbid living in a public space, 19 June 2018
[2] [2] Letter form the Special Rapporteur on adequate housing as a component of the right to an adequate standard of living, 20 June 2018
[3] [3] Report on a proposal calling on the Council to determine, pursuant to Article 7(1) of the Treaty on European Union, the existence of a clear risk of a serious breach by Hungary of the values on which the Union is founded.
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