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26 mars 2020

Covid-19 : décryptage de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie

Article mis à jour le 26.03.2020

Le Parlement a adopté la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie du Covid-19 présentée par le Gouvernement. Cette loi définit les mesures exceptionnelles qui peuvent être décidées, en particulier par le Premier ministre. Elle prévoit également des mesures d’adaptation dans de nombreux domaines qui seront détaillées très rapidement par des ordonnances. Ces mesures concernent tout citoyen et certaines s’adressent spécifiquement au champ de la lutte contre la pauvreté, en matière d’aides sociales comme de dérogations pour les établissements sociaux et médico-sociaux.

La Fédération et ses partenaires associatifs se sont mobilisés pendant l’examen de ce projet de loi et du projet de loi de finances rectificatives pour 2020 afin d’alerter et d’obtenir un budget supplémentaire, contribuant ainsi au financement des mesures annoncées ces derniers jours par le ministre du Logement pour soutenir les actions essentielles des associations et organismes auprès des personnes les plus démunies.

Quelles sont les mesures qui pourront être prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ?

La loi crée un « état d’urgence sanitaire » donnant d’importants pouvoirs au Premier ministre et aux préfets. Le Premier ministre peut désormais prendre par décret, après avis du ministre de la Santé et aux fins de garantir la santé publique, les 10 mesures suivantes :

« 1° Restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret.

« 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé.

« 3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées.

« 4° Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement à leur domicile ou tout autre lieu d’hébergement adapté, des personnes affectées.

« 5° Ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité. Les centres d’hébergement et les dispositifs de la veille sociale entrent dans le champ d’application de cette dernière catégorie et doivent donc être maintenus.

« 6° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature.

« 7° Ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens. L’indemnisation de ces réquisitions est régie par le code de la défense. Ces réquisitions de biens et de personnes sont possibles de manière très large. Le ministre du Logement a toutefois indiqué qu’elles ne concerneraient pas le secteur de l’inclusion sociale).

« 8° Prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ; le Conseil national de la consommation est informé des mesures prises en ce sens.

« 9° En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire.

« 10° En tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l’article L. 3131-20.

Ces mesures devront être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.

La loi confère également au ministre de la Santé, le pouvoir de prendre par arrêté toute mesure réglementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé ainsi que toute mesure individuelle nécessaire à l’application des mesures prescrites par le Premier ministre.

Enfin, les mêmes mesures, individuelles comme générales, peuvent être prises à l’échelon départemental ou infra départemental. Elles sont alors décidées par le préfet, après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. Le préfet doit informer sans délai le procureur de la République des mesures individuelles prises.

Quelles seront les sanctions possibles en cas de non-respect de ces mesures ?

Le non-respect des réquisitions de biens ou de personne est un délit puni de six mois d’emprisonnement et de 10 000 euros d’amende.

La violation des autres interdictions ou obligations, dont les mesures de confinement, est sanctionnée par des contraventions de quatrième classe pouvant aller jusqu’à 750 euros. Si cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende est celle des contraventions de cinquième classe, pouvant aller jusqu’à 1 500 euros.

Dans le cas où les violations des mesures sont verbalisées plus de trois fois en un mois, les faits constituent un délit et sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général, et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée allant jusqu’à trois ans du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule.

Les contraventions pourront être constatées par procès-verbaux établis par la police nationale et la gendarmerie mais aussi par la police municipale, certains agents à Paris et les gardes champêtres.

Dans quels domaines des aménagements de la loi sont-ils prévus ?

La loi prévoit de nombreux champs dans lesquels le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance de l’article 38 de la Constitution des mesures d’adaptation des lois en raison de l’urgence sanitaire. Le détail des mesures figurera dans les ordonnances qui sont en cours d’élaboration.

Pour le secteur social, il est en particulier prévu de :

  • Adapter pour l’année 2020, la période de trêve hivernale et reporter la date de fin du sursis à toute mesure d’expulsion locative pour cette même année.
  • Adapter les conditions d’ouverture ou de prolongation des droits ou de prestations pour les personnes en situation de handicap, les personnes en situation de pauvreté, notamment les bénéficiaires de minima sociaux et prestations sociales, et les personnes âgées.(ex : RSARSARevenu de solidarité active, AAH etc.).
  • Adapter leurs conditions d’organisation et de fonctionnement des services et des établissements sociaux et médico-sociaux autorisés (EHPAD, CHRSCHRSCentre d’hébergement et de réinsertion sociale, CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile, LHSSLHSSLits halte soins santé, ACTACTAppartement de Coordination Thérapeutique etc.) et de leur permettre de dispenser des prestations ou de prendre en charge des publics destinataires figurant en dehors de leur acte d’autorisation. Il sera donc possible pour ces établissements et services d’augmenter par exemple leur capacité d’accueil ou de prendre en charge d’autres publics non prévus par leur autorisation.
  • Adapter les conditions d’ouverture, de reconnaissance ou de durée des droits relatifs à la prise en charge des frais de santé et aux prestations en espèces ainsi que des prestations familiales, des aides personnelles au logement, de la prime d’activité et des droits à la protection complémentaire en matière de santé ;afin de garantir  la continuité des droits des assurés sociaux et leur accès aux soins.
  • Adapter les durées des titres de séjour (visas de long séjour, titres de séjour, autorisations provisoires de séjour, récépissés de demande de titre de séjour ainsi que des attestations de demande d’asile qui ont expiré entre le 16 mars et le 15 mai 2020, dans la limite de 180 jours).
  • Interdire toute fin de prise en charge des mineurs, jeunes majeurs et familles accueillis au titre de l’ASE.

Pour les procédures administratives et devant les juridictions de l’ordre administratif et judiciaire, il est prévu de :

  • Adapter les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives.
  • Aménager les délais  et des règles de procédure (nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité et.), à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin de l’état d’urgence sanitaire.
  • Adapter les règles relatives au déroulement des gardes à vue, pour permettre l’intervention à distance de l’avocat, et les règles relatives au déroulement et à la durée des détentions provisoires et des assignations à résidence sous surveillance électronique.
  • Aménager les règles relatives à l’exécution et l’application des peines privatives de liberté pour assouplir les modalités d’affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires ainsi que les modalités d’exécution des fins de peine et des règles relatives à l’exécution des mesures de placement et autres mesures éducatives pour les mineurs.

Pour adapter le droit des entreprises ou associations / autres organismes, il est prévu de :

  • Simplifier et adapter les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé et autres entités sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi qu’adaptant les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes.
  • Simplifier et adapter les conditions de convocation et de délibération des personnes morales de droit privé et autres entités et des règles relatives aux assemblées générales.
  • Permettre de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières appliquées en cas de non‑paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises.

Ces adaptations seront précisées par les ordonnances qui seront prises prochainement.

Ces informations seront publiées régulièrement sur le site de la Fédération.