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26 novembre 2012

Circulaire sur les missions des CADA validée par le Conseil d’Etat

Dans une décision du 17 octobre 2012, le Conseil d’Etat a validé l’intégralité des dispositions de la circulaire du 19 août 2011 relative aux missions des CADA et des modalités de pilotage du dispositif national d’accueil.

Pour rappel, cette circulaire prévoit la possibilité de la minoration de la dotation budgétaire en cas de « présence indue » de déboutés de la demande d’asile ainsi que la possibilité de retrait de l’habilitation notamment pour avoir maintenu en CADA de façon récurrente  des personnes qui ne relèvent plus de la demande d’asile au-delà des délais réglementaires (un mois pour les déboutés et 3 mois renouvelables une fois pour les réfugiés statutaires) .

La circulaire propose également un  modèle de contrat de séjour et de règlement de fonctionnement qui sont, de notre point de vu préjudiciables pour le droit des personnes. Cette circulaire avait été attaquée par la FNARS et la CIMADE dans le cadre d’un recours commun.

Rappel sur les dispositions les plus emblématiques.

 

  • La minoration de dotation budgétaire en cas de présence indue 

Le code de l’action sociale et des familles (CASF) prévoit que l’autorité de tarification peut réformer le tarif des CADAen écartant les dépenses « manifestement étrangères, par leur nature ou par leur importance, à celles qui avaient été envisagées lors de la fixation du tarif et qui ne sont pas justifiées par la gestion normale de l’établissement ».

Nous avions défendu dans notre recours que la présence indue des personnes ne pouvait être considérée comme une dépense manifestement étrangère à l’activité du CADA, rendant ainsi illégale une baisse de la dotation globale de financement sur ce motif. Le Conseil d’Etat valide la position du Ministère de l’intérieur tout en soulignant que la circulaire « invite les préfets à mettre en œuvre les dispositions du CASF, sans préjuger des décisions qui seront susceptibles d’être prises au vue de chaque situation, par l’autorité de tarification ». L’argumentaire sur les dépenses manifestement étrangères à l’activité du CADA pourra néanmoins être avancé devant le juge de la tarification au cas par cas en fonction des solutions qu’aura pu mettre en place le CADA pour l’orientation de la personne vers le dispositif de droit commun. Il n’est tenu pour cela que d’une obligation de moyen et non de résultat.  En effet, la circulaire insiste sur le fait que le préfet devra, dans chaque situation, « faire précéder cette démarche d’un entretien avec le gestionnaire du CADA concerné afin d’évaluer de manière précise la situation à laquelle est confrontée le centre et les efforts fournis par le gestionnaire pour l’améliorer ».

 

 

  • La possibilité de retrait de l’habilitation CADA en cas de maintien de déboutés ou de non remplissage du Dn@.

Le retrait d’habilitation CADA peut intervenir dans le CASF, notamment en cas de méconnaissance d’une obligation substantielle de l’habilitation CADA. La question que soulève la circulaire est de savoir si le maintien de personnes déboutées ainsi que le défaut de transmission par le CADA des informations tenues à jour concernant les personnes accueillies dans le logiciel  Dn@ pourront justifier un retrait d’habilitation.

Le Conseil d’Etat valide cette possibilité tout en insistant sur les termes de la circulaire : le maintien de personnes déboutées en CADA ainsi que le défaut de transmissions d’informations issues du DN@ ne justifieront un retrait d’habilitation que si ceux-ci sont réalisés de façon récurrente. Concernant le maintien de personnes déboutées, l’habilitation ne pourra être retirée que si le CADA n’a pas mobilisé (de façon récurrente) le dispositif d’accueil d’urgence. Le Conseil d’Etat reste muet sur l’impossibilité d’une orientation vers des places d’urgence dépendant de la veille sociale. Chaque situation de retrait d’habilitation devra donc faire l’objet d’un examen au cas par cas devant le juge administratif au regard des dispositions qu’auront prises le CADA (ex : le CADA pourra apporter la preuve de la non réponse du préfet pour une orientation vers le dispositif de veille sociale via le 115 par exemple…)

 

 

  • Mise en place du système de péréquation nationale

La circulaire du 19 août 2011 met en place un système de péréquation nationale entre les places CADA permettant à ce que les préfets mettent à la disposition de l’administration centrale 30% des places vacantes (sauf concernant la région Ile de France et Rhône-Alpes). Cette obligation faite au préfet a été validée par le Conseil d’Etat et réaffirmé dans la note ministérielle du 13 novembre 2012 concernant la gestion des places du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile. L’OFII pourra ainsi mobiliser unilatéralement toute place qui n’aurait pas été mise à disposition du dispositif national par l’échelon régional. Actuellement, le taux global de places vacantes mises à disposition de l’échelon national n’atteint que 18.6%.

 

 

  • Sur le modèle de règlement de fonctionnement et de contrat de séjour 

La circulaire du 19 août 2011 fixe un modèle de contrat de séjour et de règlement de fonctionnement dont les clauses doivent être reprises par chaque CADA tout en pouvant être complétées, en fonction des spécificités de chaque structure.  Nous avions estimés qu’étaient abusives pour les personnes accueillies notamment les dispositions relatives à l’obligation d’autorisation d’absence, la participation obligatoire aux activités du CADA, l’obligation de se rendre aux rendez-vous médicaux justifiant la résiliation du contrat de séjour.

Le Conseil d’Etat valide les deux modèles de contrat de séjour et de règlement de fonctionnement en excluant l’application de la règlementation des clauses abusives dans ces documents issue du code de la consommation.

Néanmoins, en cas de contentieux ultérieur, tout document contractuel, comme le contrat de séjour et le règlement de fonctionnement ne pourra venir apporter de restrictions aux droits et aux libertés individuelles et collectives des personnes accueillies, que si celles-ci s’avèrent nécessaires et proportionnées aux objectifs qui sont poursuivis. Toute interdiction générale et absolue qui ne respecterait pas cet impératif pourrait être écartée dans le cadre d’un contentieux sur la résiliation d’un contrat d’hébergement. Or ces points n’ont pas été soulevés dans le recours initial FNARS/CIMADE.

Il est également à rappeler que tout gestionnaire de CADA ne peut procéder de lui-même à l’expulsion manu-militari d’une personne qui se maintiendrait en CADA alors qu’elle n’a plus le droit de s’y maintenir (présence indue). Les personnes hébergées en CADA ont un statut d’occupation (le statut d’hébergé) et l’expulsion de ce « lieux habité » ne pourra se réaliser qu’après que le gestionnaire ait obtenu un titre exécutoire devant une juridiction civile (tribunal d’instance) et après mise en demeure d’avoir à libérer les locaux[1]. L’huissier de justice doit donc intervenir dans la procédure d’expulsion et le gestionnaire ne peut se faire justice lui-même en procédant de son propre chef à l’expulsion de la personne (en changeant les serrures par exemple),  même si elle n’a plus le droit de se maintenir dans les lieux. Des condamnations pénales et civiles viendront sanctionner cet abus de droit.