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24 juillet 2019

[Circulaire 115 – Ofii] Interview de Vincent Hubert – Espérer 95

L’instruction ministérielle organisant des échanges d’informations nominatives entre le 115 et l’OFII entraîne des inquiétudes et des craintes légitimes concernant les droits des personnes accompagnées et hébergées dans nos associations. Interview de Vincent Hubert, directeur du Pôle SIAO – Espérer 95.

Selon vous, quelle va être la finalité de la circulaire “Echanges de données OFIISIAO ?

Elle vise à utiliser par opportunité le SIAO qui dispose des données à l’échelle du département pour faire de ce dernier un organe de contrôle ou de repérage pour le compte de l’OFII. La circulaire introduit ainsi une nouvelle tutelle au SIAO alors même que l’OFII n’est pas le financeur du SIAO qui est régi par le CASF et non le CESEDA.

De quelles manières la circulaire pourrait-elle être utile aux ménages sans domicile ?

La circulaire, qui affiche une volonté de permettre aux personnes concernées de bénéficier des structures créées dans le DNA, serait une avancée, s’il y avait assez de places dans le DNA. Le secteur associatif estime à 40 000 le besoin de création de places nouvelles dans le DNA. Dans un contexte de pénurie de places, la circulaire organise un « tri », laissant à penser que la problématique de fluidité se situe au niveau de l’hébergement généraliste alors que le manque de places et de fluidité est évident au niveau du DNA.

Quel impact pour l’hébergement d’urgence et pour l’inconditionnalité de l’accueil ?

A terme, cette circulaire pourrait permettre aux départements de limiter l’accès à l’hébergement généraliste des personnes ayant été accompagnés dans le DNA en partant du postulat qu’il y aurait deux circuits distincts, sans perméabilité possible. C’est une volonté de traduire un choix budgétaire opéré au niveau du BOP 303 et du BOP 177 par un fonctionnement rigide, privant les personnes ayant bénéficié du DNA d’un droit à l’hébergement au sein de structures (hôtels 115, CHU…) pourtant prévus pour répondre à des situations de détresse en dehors de toute considération de la situation administrative et en application du principe d’inconditionnalité.

Concernant le travail social, le secret professionnel qui encadre les missions des intervenants sociaux vous semble-il protégé ?

Non, car la transmission de listes et surtout l’interconnexion prévue entre le SI-SIAO et le DNA-NG interrogent sur la finalité des éléments recueillis auprès des personnes. Le droit de connaître l’usage qui peut être fait des informations personnelles concernant sa vie privée est consacré de manière encore plus prononcé avec l’application de la RGPD. De plus, certains travailleurs sociaux sont soumis au secret professionnel par profession (DEASS). Un tel dispositif supposerait, à minima, que les personnes soient informées de ce partage d’informations, au risque de multiplier le phénomène déjà problématique du non recours au 115.

Que pensez-vous des réunions mensuelles organisées par le préfet dans lesquelles seront évoquées les situations personnelles des ménages ?

Le SIAO aurait pu jouer un rôle de coordination en organisant des commissions de situations dans le but de trouver des solutions appropriées aux personnes et optimiser « la fluidité », en s’appuyant sur sa dynamique partenariale (ce qui est déjà le cas sur la réalisation de commissions de situations complexes). Ici, les conditions ne sont pas réunies pour étudier sereinement les situations. Un tel dispositif présente le risque de prendre des décisions administratives et non d’élaborer des projets d’accompagnement. Par ailleurs, les SIAO sont sollicités sur tous les champs et les moyens humains manquent pour mettre en œuvre ces réunions.

Vous êtes responsable d’un 115/SIAO, quels impacts la circulaire pourrait-elle avoir sur le numéro 115 et son accessibilité ?

Si à terme, les 115/SIAO se voyaient contraints de refuser des personnes en raison de leur situation administrative, le non-recours aux droits ainsi qu’une méfiance à solliciter le 115 augmenterait. Par ailleurs pour les prescripteurs qui réalisent les dossiers SIAO, ils ne rempliront plus certains éléments qui pourraient mettre en difficulté les personnes qu’ils suivent (voire même, les SIAO pourraient conseiller de ne plus remplir certaines rubriques).

Que pensez-vous des équipes mobiles évoquées dans la circulaire ?

Elles apparaissent comme un instrument de pression pour obtenir les informations demandées et non comme une opportunité pouvant favoriser la fluidité et permettre d’identifier des problématiques de santé sévères (en Ile-de-France, il avait été question que du personnel de l’ARS soit associé à ces équipes). Le préfet a le pouvoir de demander l’intervention des équipes mobiles lorsque les informations ne sont pas collectées, mais pour rappel, les personnes hébergées n’ont aucune obligation d’être présentes et de répondre aux équipes (base du volontariat). A l’occasion de la circulaire du 12 décembre 2017, des réactions avaient déjà questionné les modalités d’intervention de ces équipes mobiles et leur prétendue plus-value : le Conseil d’Etat avait clairement encadré sa mise en œuvre.

Si vous aviez une recommandation à faire concernant cette circulaire, quelle serait-elle ?

La supprimer et la remplacer par la mise en place d’un protocole d’accord et de fonctionnement entre la SPADA et le SIAO dans chaque département. A défaut, l’adapter et la mettre en conformité avec la loi (liste uniquement pour nom, prénom et date de naissance) qui nous a été imposée.