13 septembre 2024
8 novembre 2016
Le démantèlement de la Lande de Calais le 24 octobre 2016 a vu plus de 5 000 migrants être orientés vers des centres d’accueil et d’orientation (CAO) sur l’ensemble du territoire. Dans le même temps, 274 mineurs ont pu faire l’objet d’un rapprochement avec la Grande-Bretagne pour y rejoindre leur famille. Cependant, la présence de plus de 1 000 mineurs sur le site, temporairement pris en charge par le CAP Jules Ferry, a donné lieu au développement en urgence de centres d’accueil et d’orientation spécialement dédiés à l’accueil de ces mineurs (CAOMI).
Une circulaire du ministère de la Justice vient expliciter le fonctionnement de ces nouveaux centres et leur articulation avec les missions et les dispositifs de protection de l’enfance.
Cette circulaire, datée du 1er novembre 2016 et signée par le Garde des Sceaux, définit le fonctionnement de ce « dispositif spécifique et exceptionnel » d’orientation des mineurs non accompagnés dans le cadre des opérations de démantèlement de la lande de Calais.
Les CAOMI sont mis en place temporairement pour accueillir pour une durée estimée de trois mois les mineurs, dont la minorité n’a pas encore été évaluée, afin de leur proposer un hébergement. Cet accueil doit permettre une identification et la prise en charge de leurs besoins, notamment médicaux et psychologiques. Un accompagnement dans les démarches administratives sera également proposé aux mineurs pour faire valoir leurs droits.
Composition de l’équipe
Ces CAOMI, d’une capacité d’accueil de 20 à 50 places font intervenir une équipe pluridisciplinaire composée de travailleurs sociaux, de psychologues et d’interprètes. Ces intervenants doivent également proposer des animations éducatives, sportives et une sensibilisation à l’apprentissage du français.
Administrateurs ad’hoc
Des administrateurs ad ’hoc sont désignés pour représenter le mineur non accompagné d’un représentant légal dans les procédures administratives et juridictionnelles. Ces administrateurs sont normalement habilités et figurent sur une liste du ressort du TGI compétent. Faute d’administrateurs en nombre suffisant, la circulaire précise que les administrateurs pourront être désignés en dehors de cette liste par le procureur de la République. Des conditions doivent cependant être remplies pour pouvoir être désigné comme administrateur ad’hoc (R111-14 et R111-15 du CESEDA).
L’orientation vers le droit commun
Le dispositif mis en place est temporaire, d’une durée de trois mois environ, le temps que le mineur soit orienté :
La circulaire rappelle que le président du conseil départemental est le seul responsable de l’évaluation de la minorité. La prise en charge des frais en revanche relève de la responsabilité de l’Etat.
Des émissaires britanniques sont actuellement en mission au sein de ces centres pour évaluer les demandes de regroupement familial de ces jeunes dans un délai de 3 à 6 semaines.
Ainsi, la détermination de la minorité du jeune n’interviendra qu’à l’issue de l’instruction de ces demandes. Il est bien précisé dans la circulaire « qu’il n’est pas utile ou pertinent que le conseil départemental ou l’association désignée commence l’évaluation des mineurs dès leur arrivée ».
Il s’agit donc de délais exorbitants au droit commun puisque le décret du 24 juin 216 précise que l’évaluation de la minorité doit être réalisée dans un délai de 5 jours.
Une fois la minorité et le degré d’isolement évalués, le jeune sera orienté vers les dispositifs d’aide sociale à l’enfance, vers un adulte responsable identifié ou vers les CAO majeurs.
Absence d’encadrement juridique du dispositif
Tout comme les CAO accueillant les migrants majeurs orientés de Calais, les dispositifs pour mineurs relèvent de dispositifs ad’hoc mis en place temporairement avant leur orientation vers le droit commun. Ils ne sont pas encadrés juridiquement.
Ces CAO mineurs ne relèvent donc pas des dispositifs de protection de l’enfance issus du code de l’action sociale et des familles. Le décret du 24 juin 2016 précise que les jeunes ne peuvent être admis dans un accueil provisoire d’urgence que pour une durée maximum de 5 jours permettant au conseil départemental d’évaluer la minorité et l’isolement du jeune.
De la même manière, la circulaire précise que le procureur pourra confier le mineur en placement direct au CAOMI, dans l’attente de son orientation vers les dispositifs de droits commun (dispositif ASE). Ainsi, la protection juridique et la mise en cause de la responsabilité des établissements gestionnaires de ce dispositif qui ne sont pas habilités au titre de la protection de l’enfance restent donc très floues.
Le recours au bénévolat pour accomplir les missions socio-éducatives
Pour assurer les missions présentées dans le cahier des charges, la circulaire prévoit un encadrement par des travailleurs sociaux (éducateurs spécialisés, moniteurs-éducateurs, assistants de service social…). Le cahier des charges prévoit cependant que le gestionnaire de ces centres pourra faire appel à du bénévolat, notamment pour l’apprentissage du français, de la traduction de l’aide juridique ou de l’animation, etc. Ces missions sont pourtant incontournables pour ces jeunes et ne pourraient être uniquement soumis à la bonne articulation avec un réseau de bénévoles, avec leurs moyens limités. Les moyens doivent donc être adaptés pour prendre en charge intégralement ces missions, le recours au bénévolat ne pouvant être une solution généralisée pour l’exercice de ces missions.
Le temps d’instruction des demandes de regroupements familiaux
Le temps d’instruction de la demande de regroupement familial par des émissaires britanniques est assez long (engagement entre 3 et 6 semaines). Ces délais peuvent représenter pour certains jeunes le passage à la majorité et une orientation vers des dispositifs non adaptés pour de tous jeunes majeurs. Le temps de minorité pourrait pourtant être mis à profit pour l’engagement de démarches permettant une insertion plus aboutie du mineur, se retrouvant sans solution lorsqu’il est évalué comme majeur.
La fluidité du dispositif et l’engagement des départements
La soutenabilité de ce dispositif exceptionnel et temporaire repose en grande partie sur l’engagement des conseils départementaux pour la prise en charge de droit commun au titre de la protection de l’enfance. Cependant, aucune visibilité n’est affichée sur l’implication des départements, aujourd’hui en réelles difficultés sur la prise en charge des mineurs au titre de la protection de l’enfance, et tout particulièrement les mineurs isolés étrangers. Sans leur implication, le maintien de ces dispositifs ad’hoc et dérogatoires au droit commun ne pourra que perdurer, sans qu’ils soient adaptés sur le long terme aux besoins de ces mineurs.
Une absence d’orientation vers le droit commun des majeurs
La circulaire précise que les mineurs évalués comme majeurs ne seront orientés que vers les CAO et non, vers les dispositifs de veille sociale ou d’hébergement des demandeurs d’asile. Cette orientation, encore une fois dérogatoire au droit commun ne permettra pas une orientation adaptée à la situation des personnes puisqu’elle ne sera, encore une fois que temporaire. Ainsi, si le majeur souhaite déposer une demande d’asile par exemple, une orientation vers le dispositif national d’accueil devrait être trouvée en priorité. L’orientation vers les dispositifs de veille sociale doit également être proposée, au regard du principe d’accueil inconditionnel.
Télécharger la circulaire du 1er novembre 2016…
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