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25 octobre 2022

Budget immigration, asile et intégration : une augmentation de 6% principalement portée par le budget de l’intégration mais une baisse significative du budget de l’allocation pour demandeurs d’asile

La mission immigration, asile et intégration est composée de deux programmes budgétaires : le 303 « asile et immigration » et le 104 « intégration ».

L’enveloppe de la mission pour 2023 passe de presque 1,9M€ à 2M€, ce qui représente une augmentation d’environ 6% par rapport à 2022. Cela est principalement porté par une augmentation significative des crédits intégration. Il convient aussi de noter que ce budget n’intègre pas les dépenses relatives à l’accueil et l’accompagnement des bénéficiaires de la protection temporaire fuyant l’Ukraine.

S’agissant de l’immigration et de l’asile, le BOP 303, le budget passe de 1 460M€ à 1 466M€ donc une augmentation de 6M€, soit 0.4%. Les principales annonces sont :

  • La création de 4 900 places: 2500 places CADA, 1500 places CAES et 900 places HUDA en Outre-Mer. Les places CAES créées sur les crédits du plan de relance sont réintégrées au budget du programme 303. Ce sont de réelles créations mais décalées d’une année, puisque pour 2022 des créations de places avaient été annoncées pour la mi-année, sous réserve qu’un certain plafond d’ADA ne soit pas dépassé : 1500 places CAES et 3 400 places CADA prévues sous réserve au PAP 2022 (900 places CADA sont donc devenues des places HUDA pour l’Outre Mer dans le budget 2023). Or, les bénéficiaires de la protection temporaire (venus d’Ukraine) ont bénéficié de l’ADA, le plafond a donc été largement dépassé. Les places qui étaient annoncées pour 2022 sont donc reportées à 2023, et il n’y a pas de création supplémentaire par rapport à ce qui avait été prévu pour 2022.
  • Une augmentation des tarifs d’1,5€ par jour et par place pour chaque dispositif : le CAES passe de 25 à 26,5, le CADA de 19,5 à 21, l’HUDA d’environ 17 à 18,5. Cette augmentation est censée prendre en compte à la fois les revalorisations salariales ET les effets de l’inflation. Cette augmentation est bienvenue mais elle risque de ne pas suffire pour prendre en compte les effets réels de l’inflation (pour rappel le coût cible des CADA de 19,5€ n’avait pas évolué depuis 2015).

Au regard des créations de places et de l’augmentation des tarifs, on pourrait penser que le budget du programme 303 serait voué à augmenter (d’autant que le budget de l’action « lutte contre l’immigration irrégulière » augmente de 25M€ et passe à 169M€). Toutefois, le budget 2023 prévoit une diminution significative du budget de l’ADA. Les effets de la perception de l’ADA par les bénéficiaires de la protection temporaire ne sont pas pris en compte. Le budget passe ainsi de 491M€ en 2022 à 314,6M€ en 2023, soit le niveau de 2016. Le bleu budgétaire justifie cette baisse par une baisse significative des délais d’instruction des demandes d’asile par l’Ofpra, tandis que les délais CNDA se maintiennent, ce qui explique sans doute une partie de la baisse. Les chiffres à la disposition du grand public et des associations ne permettent pas d’objectiver la situation, mais il est à craindre que cette baisse résulte aussi du plan de maîtrise des dépenses d’ADA engagé par l’Ofii, au détriment des conditions d’accueil des personnes en demande d’asile. En effet, de nombreuses personnes en demande d’asile et les professionnel∙les et bénévoles qui les accompagnent font état de pratiques de retrait et de coupure de l’ADA qui, a minima, ne font pas l’objet d’explications suffisantes, voire qui peuvent s’avérer injustifiées au regard des textes et des situations individuelles des personnes concernées.

  • L’Ofpra obtient 8 ETP en plus pour son volet protection des personnes protégées dans le but de faire baisser les délais de délivrance des documents d’état civil par l’Ofpra, frein important dans l’accès aux droits. Il obtient aussi des crédits supplémentaires pour revaloriser les salaires des contractuels et essayer de limiter le taux de rotation des agents.

 

Sur l’intégration :

  • Mise en place progressive du programme AGIR, « accompagnement global pour l’intégration des réfugiés », débutée en 2022 : le coût estimé est de 76M€ en 2023, soit la majorité des 135M€ de l’action 12 « intégration des étrangers primo-arrivants. Entre 2022 et 2023, l’action 12 augmente de 56M€ environ, ce qui laisse entrevoir une redirection d’une partie des crédits dédiés aux AAP nationaux et locaux sur l’intégration vers AGIR. Forte augmentation des financements européens attendus sur cette action (co-financement AGIR). Il reste toutefois difficile d’avoir une vision précise du financement total d’AGIR.
  • Le budget de l’Ofii augmente d’environ 18M€, notamment pour l’extension du rendez-vous santé, proposé en guichet unique aux demandeurs d’asile.
  • Création de 1 000 places CPH, avec revalorisation de 2€ donc passage à 27€. On passe à environ 10 900 places CPH, ce qui reste peu par rapport aux difficultés d’accès au logement des BPI.

 

La Fédération salue les ouvertures de places qui restent nécessaires au regard des besoins d’hébergement constatés. Elle réitère sa demande d’une programmation pluriannuelle, permettant d’anticiper les projets et demande à ce que la pérennisation de places ouvertes pour l’accueil des personnes venues d’Ukraine soit étudiée. Elle accueille favorablement les augmentations de tarifs pour les structures du DNA, mais conserve une inquiétude quant à la capacité qu’auront ces prix revalorisés à couvrir l’ensemble des effets de la revalorisation salariale (qui reste incomplète parce que ne couvrant pas tous les métiers et toutes les structures spécialisées dans l’accompagnement des personnes en demande d’asile et réfugiées) et de l’inflation. Elle a rédigé un amendement dans le cadre des discussions autour du projet de loi de finances visant à prévoir des revalorisations minimales automatiques des tarifs journaliers des structures du DNA.

La FAS est fortement préoccupée par la diminution des crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile. Elle estime tout d’abord que l’ADA doit être revalorisée, au même titre que d’autres allocations ont pu l’être en raison de l’inflation (la FAS a déposé un amendement en ce sens dans le cadre des discussions autour du projet de loi de finances au Parlement). De plus, elle craint que le plan d’économies établi pour limiter les dépenses d’ADA ne se fasse au détriment du respect des droits fondamentaux des personnes en demande d’asile, alors que nous ne disposons pas de chiffres relatifs aux nombre de personnes en demande d’asile dont les conditions matérielles d’accueil ont été refusées ou retirées. L’ADA représente souvent l’unique ressource dont disposent les personnes en demande d’asile et les pratiques d’octroi et de retrait doivent être retravaillées, en concertation avec les personnes accompagnées et les acteurs de l’accueil et l’accompagnement de ces personnes. Enfin, le budget ne prend pas en compte les dépenses liées à l’accueil des personnes bénéficiaires de la protection temporaire, qui peuvent prétendre à l’ADA, ce qui ne rend pas compte de la dépense effective qui pourra être constatée en fin d’année. La FAS craint donc que le budget de l’ADA soit de nouveau prévu davantage en fonction d’objectifs d’économies, plutôt que de besoins réels, et qu’il soit donc insincère.

La FAS souhaiterait aussi avoir davantage de visibilité sur les crédits consacrés à la mise en place du projet AGIR, et défend un investissement à la hauteur des besoins d’accompagnement constatés par les acteurs spécialisés. Elle suivra attentivement le déploiement du programme pour pouvoir identifier les évolutions positives tout comme les éventuels besoins d’ajustement et points d’alerte.

La FAS réitère enfin plusieurs demandes relatives à une meilleure articulation entre la politique d’hébergement et de logement généraliste et la politique d’asile, une augmentation du budget dédié au premier accueil, un plan d’action relatif à l’amélioration des conditions d’accès aux droits des personnes étrangères de manière générale (dont les personnes en demande d’asile et réfugiées), conçu comme un facteur levier dans la politique d’intégration.