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2 novembre 2021

Analyse du projet de loi de finances 2022 du programme “Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables”

Les crédits du programme 177  « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » sont en augmentation cette année encore et atteignent 2 785,8 M€ en autorisations d’engagement (AE) et 2 677,5 M€ en crédits de paiement (CP). Il s’agit d’une hausse de 28 % par rapport au dernier PLF et de 15,5 % par rapport aux crédits exécutés en 2020.

L’action 12 « hébergement et logement adapté » du programme 177 qui finance les dispositifs de veille sociale, d’hébergement et de logement adapté est portée à 2,7 milliards d’euros. Cela correspond à une augmentation de 631,8 M€ par rapport au PLF 2021 et surtout de près de 400 M€ par rapport aux crédits consommés en 2020, ce qui traduit une plus grande sincérité budgétaire de la part du gouvernement pour ces crédits chroniquement surconsommés.

Cette programmation budgétaire est à mettre en regard avec la volonté de l’Etat de maintenir un parc d’hébergement important, dont la composition est aujourd’hui dominée par les nuitées hôtelières (36% du parc) et par l’hébergement d’urgence (39% du parc). Dans le même temps, la dernière année du plan quinquennal pour le logement d’abord soutient de manière importante le développement de l’intermédiation locative et des pensions de famille. Cette proposition de budget renforce donc la polarisation des politiques d’accès à l’hébergement et au logement constatée depuis plusieurs années : d’un côté, le logement adapté correspond à la forme principale du logement d’abord et doit permettre à un maximum de personnes aujourd’hui hébergées de sortir vers le logement ; de l’autre, l’hébergement d’urgence est destiné aux personnes n’accédant pas immédiatement au logement adapté ou au logement tout court.

Par ailleurs, ce projet de loi de finances confirme la fermeture de 10 000 places d’hébergement à partir du 31 mars prochain alors même que les demandes restant sans solution sont en augmentation ces dernières semaines et que l’accès au logement pour les ménages précaires est de plus en plus complexe, du fait d’une rotation dans le parc social de plus en plus faible et d’une production de logements abordables en berne.

Veille sociale (Maraudes, 115, SIAO, accueils de jour)

Les crédits de la veille sociale sont en augmentation de 13,4M€ par rapport au PLF 2021 et sont ainsi portés à  un total de 179,9 M€. Ils représentent 6,6% de l’action 12 et sont au niveau des crédits exécutés en 2020 si l’on enlève les dépenses liées aux chèques alimentaires réalisées pendant le premier confinement et les mois suivants. L’Etat renforce donc ce secteur situé en première ligne dans lequel il place des attentes importantes pour la mise en œuvre de son service public de la rue au logement, notamment en ce qui concerne les SIAO. Toutefois, la rédaction actuelle du PLF ne permet d’avoir une connaissance fine de la répartition interne des crédits et de savoir ainsi comment se concrétise cet effort budgétaire.

Hébergement d’urgence (Centres d’hébergement d’urgence, nuitées hôtelières, RHVS,…)

La volonté de l’Etat de maintenir un volume important de places d’hébergement d’urgence se traduit par un budget à hauteur de 1,4 milliard d’euros soit légèrement plus de la moitié du budget total du programme 177.  Il s’agit d’une augmentation de 570 M€ par rapport au PLF 2021 et de 307 M€ par rapport à l’exécution de 2020. Il convient néanmoins de questionner à la fois la qualité de ces places, notamment pour les nuitées d’hôtel où l’accompagnement social est souvent inexistant et les conséquences des fermetures de places annoncées pour les personnes sans-abris, qu’elles soient déjà hébergées ou à la rue. Si la Fédération partage l’ambition de la fin de la gestion du secteur au thermomètre, elle rappelle aussi la tension déjà forte sur l’hébergement et sur l’accès au logement et la saturation du parc actuel qui peut localement conduire au non respect des principes d’inconditionnalité et de continuité de l’accueil.

La Fédération rappelle également la nécessité d’avancer sur une proposition d’une loi de programmation pluriannuelle qui apparait comme le seul moyen à ce jour de faire évoluer qualitativement le parc au regard de sa composition actuelle.

Le projet de loi de finances mentionne également dans cette brique « hébergement d’urgence » des dispositifs spécifiques ouverts en 2021 et amenés à être pérénisés en 2022 comme les places d’hébergement d’urgence dédiées aux femmes victimes de violences (539 nouvelles places en 2021), les places destinées à des femmes enceintes ou sortant de maternité sans solution (1 500 places) ou des places accueillant des personnes en situation de grande marginalité (1 000 places).

Centres d’hébergement et de réinsertion sociale

Les crédits destinés aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sont fixés à hauteur de 661,3 millions d’euros dans le PLF 2022. Ces crédits sont en hausse de 2% par rapport au PLF 2021, qui les avait fixé à 648,2 millions d’euros. Ils sont également supérieurs aux crédits consommés en 2020, qui s’élèvent à hauteur de 643,9 millions d’euros d’après le rapport annuel de performance (RAP) du programme 177 pour 2020.

La hausse apparente des crédits des CHRS s’accompagne néanmoins d’une reprise de la convergence tarifaire négative, qui avait été suspendue en 2020 du fait de la crise sanitaire. L’objectif affiché par l’instruction budgétaire CHRS de 2021 est de réaliser une économie de 5,1 millions d’euros sur les CHRS dont les tarifs se situent au-dessus des tarifs plafonds. Une poursuite du plan d’économies est annoncée pour 2022 dans le PAP, sans que son ampleur ne soit précisée. La Fédération appelle de nouveau à un moratoire sur la mise en œuvre de la convergence tarifaire négative et souhaite par ailleurs avoir des précisions sur la trajectoire attendue pour 2022, au regard du plan d’économies initial décidé en 2018.

La hausse des crédits alloués aux CHRS s’explique par le renouvellement des 10 millions d’euros issus de la Stratégie Pauvreté, à l’instar de 2019, 2020 et 2021. Cependant, ces modes de financement des CHRS interrogent : ce ne sont pas nécessairement les établissements qui ont subi des coupes budgétaires qui bénéficient des crédits issus de la stratégie pauvreté et l’incertitude sur les futurs crédits non reconductibles qui sont supposés compenser les baisses de DGF fragilisent les associations gestionnaires de CHRS.

Cette hausse s’explique aussi par un redéploiement des crédits de l’hébergement d’urgence vers l’hébergement d’insertion, dans le cadre d’opérations de transformation de l’offre. Pour 2021, l’instruction relative à la campagne budgétaire des CHRS a ainsi acté un redéploiement de crédits de l’hébergement d’urgence vers les CHRS à hauteur de 12,7 M€ visant à accompagner la démarche de transformation des places. Le PAP 2022 ne précise pas le nombre de places qui seront transformées en 2022, ni si ces redéploiements de crédits via la transformation de places en CHRS sont déjà prévues (ou non) dans la ligne CHRS.

Le projet de loi de finances indique par ailleurs que la généralisation des CPOM doit contribuer à cette dynamique de transformation de l’offre. Rien n’est cependant indiqué concernant le report de la date butoir de signature des CPOM, qui avait pourtant été annoncé dans l’instruction budgétaire d’août 2021 au 31 décembre 2024, sous réserve de confirmation par un vecteur législatif. A l’inverse, les prévisions affichées de contractualisation de 100% en 2022 et 2023 sont en contradiction avec cette nouvelle échéance, qui est pourtant plus que jamais nécessaire du fait du retard pris suite à la crise sanitaire, et de la nécessité de former les acteurs concernés, services de l’Etat comme associations gestionnaires.

Enfin, le PAP mentionne la réforme de la tarification des CHRS, sans indiquer de calendrier ni de feuille de route précise pour l’année 2022.

Logement adapté (Intermédiation locative, pension de famille, ALT, AGLS…)

Dans la continuité des années passées et soutenus par le plan quinquennal pour le logement d’abord, les crédits du logement adapté augmentent par rapport aux années précédentes pour atteindre 467,9 M€. Il s’agit d’une hausse de 35,5 M€ par rapport au dernier PLF et de 117 M€ par rapport aux crédits consommés en 2020. Toutefois cette ligne est régulièrement sous consommée notamment du fait de la non atteinte des objectifs de création de places de pension de famille.

Les crédits dédiés à l’intermédiation locative et aux pensions de famille représentent la quasi-totalité (92%) de cette augmentation, + 19,5 M€  pour l’IML et + 13,2 M€ pour les pensions de famille. Ces crédits doivent permettre le déploiement de la dernière année du plan quinquennal pour le logement d’abord qui passe entre autres par un développement de ces deux dispositifs. Les lignes ALT-1 (+ 2M€) et « Autres actions » qui finance les 45 territoires de mise en œuvre accélérée du logement d’abord et le dispositif Un chez soi d’abord (+0,9 M€) sont également en légère augmentation tandis que les crédits dédiés à l’Aide à la Gestion Locative Sociale (AGLS) versée aux résidences sociale et ceux dédiés à l’accompagnement des réfugiés restent stables avec respectivement 26 M€ et 11,3 M€.

La Fédération salue l’augmentation des moyens financiers prévue pour l’année 2022 et cette recherche de sincérité budgétaire. Néanmoins, cette hausse des crédits ne doit pas masquer le contexte d’incertitude lié à la fermeture programmée de 10 000 places d’hébergement, la reprise de la convergence tarifaire négative pour les CHRS, la place prépondérante des nuitées hôtelières dans le parc d’hébergement et les difficultés d’accès au logement des personnes précaires. Il apparait comme urgent d’avancer ensemble sur une loi de programmation qui permettra réellement de rompre avec la logique urgentiste qui persiste jusqu’alors et de transformer le secteur dans la logique du Logement d’abord.