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3 mars 2020

Aides personnelles au logement : la Cour des Comptes attend beaucoup de la contemporanisation

La Cour des comptes aborde dans son rapport public annuel de 2020 (lien) les aides personnelles au logement et fait largement écho à son précédent rapport de 2015 sur le sujet. Il s’agit ici d’un jeu d’équilibriste difficile puisque l’autorité reconnaît à la fois l’utilité sociale des aides au logement « Elles jouent de fait un rôle central dans la redistribution monétaire au profit des plus modestes : elles représentent près de 30 % de l’effort de redistribution en direction des ménages du premier décile de niveau de vie, qui constituent plus de 75 % des bénéficiaires » tout en saluant la baisse des dépenses de l’Etat dans ce domaine.  

Le rapport indique dans sa première partie que le financement des aides au logement a gagné en simplification budgétaire depuis 2015 avec la reprise progressive par le budget de l’Etat de la contribution du Fonds national des prestations familiales. Cette simplification s’est accompagnée de larges mesures d’économie qui a permis à l’Etat de baisser sa participation au Fonds national d’aides au logement de 3,3 Md€ sur la période 2016-2020. La Cour est évidemment sensible à cette gestion budgétaire mais s’interroge sur l’équité des mesures qui a touché de manière uniforme tous les allocataires (baisse de 5 euros pour tous les allocataires, gels et sous indexations des paramètres de calcul, fin de l’APL accession). La Réduction de Loyer de Solidarité (RLS) imposée aux bailleurs sociaux, pour une économie de 800 M€ en 2018 et 900 M€ en 2019, questionne également la Cour des comptes quant aux tensions que cela a pu générer dans le secteur du logement et sur les incertitudes liées aux négociations qui ont perduré. Les reports successifs de la réforme de l’APL « en temps réel » et les discussions tendues au sujet de la place de l’APL dans le RUA  génèrent également, selon elle, un manque de lisibilité et de projection. 

La deuxième partie du rapport se penche sur les inégalités de traitement entre les bénéficiaires. La Cour des Comptes pointe ainsi les différences de solvabilisation entre les ménages bénéficiant de revenus de transfert et ceux bénéficiant de revenus d’activité en proposant une simulation qui mériterait d’être complétée par d’autres exemples afin d’avoir une approche plus exhaustive. Le non recours aux aides au logement est également questionné même si la Cour attend beaucoup de la contemporanéité des aides prévue désormais pour le 1er avril 2020 et qui devrait rendre plus effectif l’accès à cette aide. 

La Cour des comptes dénonce enfin la complexité des modes de calcul qui génèrent des indus de plus en plus importants (1 Md€ en 2018) et des coûts de gestion qui, s’ils sont en baisse, restent au-dessus de la moyenne des coûts de gestion de toutes les prestations confondues. L’autorité souligne enfin que la CNAF devrait prochainement disposer d’outils et de données qui lui permettront de gagner en efficacité : rapprochement de fichiers CNAF/Observatoire de repérage et de traitement de l’habitat indigne pour lutter contre les logements indignes ou insalubres, accès au futur répertoire national des locaux développé par  la Direction Générale des Finances Publiques, alimentation par la déclaration sociale nominative et la mise en place du prélèvement à la source permettant une meilleure contemporanéité des ressources prises en compte.  

En conclusion, la Cour des comptes voit le RUA et la prochaine réforme de l’APL « en temps réel » comme des « opportunités [à saisir] pour refonder et simplifier, dans un double souci de maîtrise de la dépense et de plus grande équité de traitement entre les différentes catégories de bénéficiaires, l’outil majeur de la politique du logement que constituent les aides personnelles au logement ». La Fédération des acteurs de la solidarité partage l’importance des aides au logement, notamment pour les ménages en situation de précarité, et c’est pour cela, qu’a contrario de la Cour, elle émet des réserves quant au niveau d’équité de traitement généré par le RUA et la contemporanisation des APL dans une logique d’économie budgétaire qui risquent d’exclure une partie des actuels bénéficiaires.