13 septembre 2024
3 mai 2022
Si le référentiel et le manuel d’évaluation de la HAS ont été publiés en mars 2022, la réforme de l’évaluation restait jusqu’à présent suspendue dans sa mise en œuvre, faute d’une base juridique pour publier le cahier des charges relatif à l’habilitation des organismes évaluateurs externes et la procédure d’évaluation. Il était également nécessaire de décaler le rythme des évaluations tel qu’initialement prévu par le 12 novembre 2021, suite au retard pris dans la mise en œuvre de la réforme qui devait entrer en vigueur au 1er janvier 2022. Deux décrets ont été publiés au Journal officiel la semaine passée pour permettre au nouveau système d’évaluation des ESSMS de se mettre en place, mais de nombreuses interrogations persistent, y compris sur le plan juridique.
Le décret du 28 avril 2022 relatif à l’accréditation des organismes pouvant procéder à l’évaluation de la qualité des ESSMS introduit la notion d’accréditation des évaluateurs externes par le COFRAC. Désormais, ces derniers devront non seulement être accrédités par le COFRAC pour réaliser une évaluation, mais aussi être habilités par la HAS selon un cahier des charges (pas encore publié) qui fixera des exigences complémentaires par rapport à la norme d’accréditation. La liste des organismes évaluateurs externes accrédités et habilités sera publiée sur le site internet de la HAS. Les ESSMS devront avoir recours à l’un de ces organismes évaluateurs pour faire procéder à leur évaluation externe, après une procédure de mise en concurrence. Le décret précise également que la HAS peut informer le COFRAC de tout manquement au cahier des chargeset, qu’inversement, le COFRAC doit informer la HAS de tout changement intervenu concernant l’accréditation d’un organisme évaluateur externe (par exemple, suspension ou retrait).
La procédure d’accréditation des organismes évaluateurs peut durer jusqu’à 18 mois. Dans l’attente de cette accréditation, l’organisme évaluateur peut bénéficier d’un état de « recevabilité opérationnelle favorable » qui lui permet de commencer à procéder à des évaluations. L’organisme évaluateur doit toutefois informer les ESSMS qu’il évalue de son statut. Si l’organisme évaluateur n’obtient finalement pas l’accréditation escomptée, l’ESSMS doit en informer son autorité de contrôle dans un délai de six mois et peut être contraint de faire procéder à une nouvelle évaluation dont les résultats devront lui être transmis dans un délai de deux ans ainsi qu’à la HAS. Notons que la rédaction du décret n’induit pas une obligation pour l’ESSMS de réaliser une nouvelle évaluation en cas d’échec de l’accréditation de l’organisme évaluateur externe : une marge d’appréciation est laissée aux autorités de contrôle, en fonction des résultats de l’évaluation réalisée. Néanmoins, il n’est pas indiqué que cette décision de l’autorité de contrôle soit prise en accord avec l’ESSMS. Bien plus, cette possibilité de devoir réaliser une 2e évaluation externe dans un délai resserré constitue un risque financier et organisationnel pour les ESSMS, sur lesquels reposent in fine les incertitudes des résultats de la procédure d’accréditation du COFRAC.
Le nouveau système d’accréditation par le COFRAC paraît complexe et chronophage, et risque par ailleurs de générer des surcoûts pour les ESSMS. En effet, la procédure d’accréditation est payante, implique de nombreuses démarches pour les évaluateurs externes et pourrait ainsi aboutir à une baisse du nombre d’évaluateurs externes et à des surcoûts pour les ESSMS liés aux évaluations. Au regard de ces risques pressentis, la DGCS a indiqué lors de d’une concertation sur le projet de décret ne pas être en mesure d’estimer les surcoûts des évaluations dans le nouveau système et qu’il n’y aurait pas de crédits complémentaires pour aider les ESSMS à financer la réalisation de leurs évaluations externes, faute d’arbitrage budgétaire favorable. La disposition prévue par l’article 52 du PLFSS 2022, censuré par le Conseil constitutionnel, qui prévoyait une compensation des surcoûts par la CNSA pour une partie des ESSMS (hors secteur AHI et DNA) ne sera donc a priori pas activée via un autre vecteur législatif.
Sur le plan juridique, rappelons que l’article 52 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 modifiait l’article L. 312-8 du CASF pour asseoir le principe de l’accréditation des organismes évaluateurs par le COFRAC. Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition en décembre 2021. Sans attendre un nouveau vecteur législatif au calendrier incertain et pour ne pas retarder un peu plus l’entrée en vigueur de la réforme de l’évaluation en raison du changement d’exécutif, la DGCS a tenu à faire passer un nouveau décret daté du 28 avril 2022, considéré comme une base juridique suffisante à l’entrée en vigueur du nouveau système d’évaluation. La publication de ce décret était notamment attendue par la HAS pour publier son cahier des charges des évaluateurs externes et sa procédure d’évaluation, sachant que les premiers résultats des évaluations externes sont attendus pour janvier 2023 (cf. ci-dessous). Pour l’heure, l’article L. 312-8 du CASF reste inchangé et ne mentionne pas l’accréditation COFRAC mais uniquement l’habilitation par la HAS. Ce décret est donc jugé illégal par les juristes spécialistes en droit de l’action sociale et médico-sociale, qui soulignent un risque de recours devant le Conseil d’Etat.
Pour tenir compte du décalage de l’entrée en vigueur de la réforme de l’évaluation, initialement prévue le 1er janvier 2022, un décret du 26 avril, publié au Journal Officiel du 27 avril 2022, modifie donc les dispositions du décret du 12 novembre 2021 sur le rythme des évaluations
La première programmation pluriannuelle des évaluations sera donc arrêtée par les autorités de contrôle au plus tard le 1er octobre 2022 (et non pas le 1er juillet) et déterminera le rythme des évaluations pour la période allant du1er juillet 2023 au 31 décembre 2027. Chaque année, des ajustements seront susceptibles d’être effectués par les autorités de contrôle, pour tenir compte d’éventuelles évolutions intervenues au niveau des ESSMS. Le calendrier des évaluations prévu doit respecter celui qui figure dans les CPOM, le cas échéant.
A nouveau, une période transitoire est prévue allant du 1er janvier 2023 (au lieu du 1er décembre 2022) au 30 juin 2023, au cours de laquelle certains ESSMS devront prioritairement remettre leur évaluation externe. Sont ainsi concernés les ESSMS autorisés en 2008 et en 2009 (et non plus en 2007 et en 2008)et qui auraient dû voir leur autorisation renouvelée en 2021 ou en 2022 (sachant qu’un moratoire sur la réalisation des évaluations était en vigueur en 2021). Ainsi, avec l’actualisation du décret du 12 novembre 2021, trois cas de figure se présentent désormais pour les ESSMS :
Le but de cette programmation pluriannuelle est d’éviter que tous les rapports d’évaluation soient remis au même moment aux ATC. Néanmoins, aucune information n’est pour l’instant disponible sur la méthode qui sera employée par les ATC pour établir la programmation et « lisser » la transmission des résultats. Du fait des retards pris suite à la suspension de la réforme et à la mise en place de la nouvelle procédure d’accréditation COFRAC, il est à craindre que les délais de réalisation des évaluations ne soient pas respectés et qu’il y ait une accumulation de démarches d’évaluation sur une même temporalité, ce qui aboutirait au final à l’effet contraire de celui qui était recherché par la programmation pluriannuelle.
La publication du décret sur l’accréditation des organismes évaluateurs externes et du décret actualisé sur le rythme des évaluations est censée donner le « coup d’envoi » du nouveau système d’évaluation sur la base du référentiel unique. Néanmoins, au-delà des questions et problématiques techniques pointées pour chacun de ces textes, de nombreuses interrogations demeurent.
Ainsi, « Synaé » le système d’information qui centralisera la plupart des données nécessaires à la conduite des évaluations devrait être mis en ligne courant mai et ouvert à l’ensemble des ESSMS. Néanmoins, les têtes de réseau associatives n’ont pas été associées à son élaboration et ne bénéficieront pas d’un accès immédiat pour accompagner leurs adhérents dans leur usage de cette nouvelle plateforme. Dans l’intervalle, la HAS devrait mettre en ligne un guide pour aider à l’usage de Synaé.
Par ailleurs, la HAS devrait organiser des journées d’information sur le référentiel en direction des évaluateurs externes. La FAS a également demandé à de nombreuses reprises que les organismes évaluateurs soient formés aux spécificités des secteurs AHI et DNA afin que les ESSMS de ces secteurs ne soient pas pénalisés par l’application d’un référentiel dont l’approche est très sanitaire. En parallèle, le groupe national sur l’évaluation animé par la FAS poursuit ses travaux en vue de finaliser le décryptage du référentiel national et de proposer des éléments d’outillage et de réflexion aux adhérents, pour les aider dans leur démarche d’autoévaluation comme pour leur procédure d’évaluation externe.
Enfin, suite à la tenue d’un wébinaire prévu le 9 mai sur le nouveau référentiel, la HAS devrait organiser, en région, à partir de la fin de lannée 2022, des actions d’information sur le nouveau référentiel à destination en priorité des ESSMS, mais les autorités de tarification et de contrôle seront également associées à la démarche. Au-delà, la FAS n’a pour l’instant pas plus d’informations sur la formation des ATC et notamment des DDETS.
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