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20 octobre 2020

Motion « pour un hébergement digne et un accompagnement digne et de qualité » adoptée lors de l’Assemblée Générale du 28 septembre 2020

La loi engage les pouvoirs publics et implique les associations à accueillir les personnes sans abri ou en situation de précarité sociale dans des conditions de vie garantissant leur dignité et leur sécurité, ainsi qu’à assurer l’accompagnement social global et un ensemble de prestations essentielles (alimentation, hygiène, …). Nous constatons que l’ouverture de places se réduisant de plus en plus à de la «simple» mise à l’abri se généralise en Ile-de-France.

La crise sanitaire que nous connaissons a pourtant mis en lumière les limites du développement de places de mise à l’abri, offrant un accueil précaire et temporaire aux personnes. Aussi ces places précaires ne leur permettent pas de sortir durablement de la rue.

Finalement elles sont bien plus coûteuses car totalement inefficaces, en dehors de s’enfermer dans l’illusion que l’on sort des personnes de la rue.

La multiplication de dispositifs de mise à l’abri temporaire ne permettant pas de garantir un accueil digne et une sortie durable de la rue pour les personnes.

Depuis 2015, l’Ile-de-France connaît une crise de l’accueil des nouveaux arrivants sur le territoire et un nombre toujours plus élevé de personnes sont contraintes à vivre dans des campements insalubres. Face à cette situation, l’Etat a ouvert de nombreuses places HUDA, CPH mais, en même temps, il a multiplié les opérations de mise à l’abri au sein de dispositifs temporaires.

En 2018, la Fédération des acteurs de la solidarité IdF a travaillé en lien avec la Préfecture de Région à l’élaboration d’un cahier des charges définissant les modalités et principes de fonctionnement de ces structures temporaires. Nous constatons malheureusement très fréquemment des situations où les principes inscrits dans ce cahier des charges ne sont pas respectés. Ainsi, de nombreuses personnes mises à l’abri durant l’été 2020 n’ont pas bénéficié au sein des structures de repas réguliers et d’un accès satisfaisant à l’hygiène et aux soins.

Alors que le cahier des charges préconise la continuité de l’hébergement dans la suite des opérations de mise à l’abri quelle que soit la situation de la personne, nous observons en cette rentrée 2020 de nombreuses sorties d’hébergement directement à la rue.

La multiplication des ouvertures de places sans objectifs qualitatifs

La tension sur l’hébergement d’urgence en Ile-de-France, les difficultés de mobilisation du foncier et l’absence de visibilité sur les pérennisations potentielles de place mènent à l’ouverture de places dans des lieux inadaptés pour l’hébergement, au détriment de la qualité des conditions d’accueil des personnes.

Nous constatons également l’augmentation des dépenses dédiée à la sécurisation des locaux ou à la réhabilitation de bâtiments inadaptés au détriment de la part allouée à l’accompagnement, qui est minoritaire, parfois même inexistante. La faible durée des amortissements des investissements et des travaux pour l’installation de ces places engendre des charges qui entrainent la dégradation de la qualité de l’accompagnement social dans l’hébergement d’urgence. Loin de générer des économies, cette politique conduit au contraire à ouvrir des places dans l’urgence à des coûts parfois prohibitifs. Cela se traduit par des dispositifs inadaptés tant concernant la qualité de l’hébergement que celle de l’accompagnement et se révèle donc peu efficace pour l’insertion des publics.

Dans ce contexte, nous prenons acte de l’annonce gouvernementale de l’augmentation du forfait pension de famille de 16 à 18€ par jour.

Face à ces constats, la Fédération des acteurs de la solidarité demande à l’Etat et aux collectivités territoriales de s’engager sur les principes et propositions suivantes :

  • La mise en œuvre de la politique du logement d’abord et son développement avec de l’accompagnement social ;
  • La poursuite du développement du parc d’hébergement francilien pérenne, via un portage politique fort pour la mobilisation du foncier et du bâti disponible ;
  • L’élaboration de projets d’hébergement respectueux de la dignité des personnes ainsi que des principes d’accueil inconditionnel et continu avec des prix de journée qui permettent de garantir l’accès aux prestations vitales (alimentation, hygiènes, soins) et un accompagnement social adapté aux besoins des personnes ;
  • Le respect des principes du cahier des charges des structures de mise à l’abri temporaire publiés par la Préfecture d’Ile-de-France en mai 2018 :
o des coûts à la journée suffisants pour permettre aux personnes d’accéder à l’hygiène, à une prestation alimentaire répondant aux besoins nutritionnels des personnes, aux soins et à un accompagnement social ;
o la garantie pour chaque personne mise à l’abri de bénéficier d’une proposition d’orientation, dans le parc d’hébergement généraliste ou, si elle en relève, dans une structure dédiée aux demandeurs d’asile ;
o la recherche de solutions de plus long terme pour garantir un premier accueil digne des personnes primo-arrivantes et que le recours à la mise à l’abri ne se fasse qu’ «à défaut de solutions plus opérantes et de manière ponctuelle ».
  • Elargir les critères de la circulaire Valls (donnant des orientations pour l’admission exceptionnelle au séjour par les Préfectures) aux ménages « à droits incomplets » présents en structure d’hébergement depuis plus de 2 ans ;
  • La pérennisation et la généralisation des équipes mobiles sanitaires afin de favoriser l’accès aux soins des personnes ;
  • La pérennisation des actions d’aller vers sur l’accès aux droits mises en place par les CAF et CPAM pendant la période d’état d’urgence sanitaire ;
  • La mise en place d’un comité de pilotage du premier accueil en Ile-de-France associant les associations ;
  • La garantie qu’une proposition d’hébergement ou à défaut de mise à l’abri soit faite aux personnes lors des opérations de démantèlement des campements insalubres ;
  • La relance d’un programme d’humanisation des centres d’hébergement pour en finir avec des places d’hébergement inadaptées et déficientes ; en élargissant sa cible à l’ensemble des structures de la veille sociale et en accentuant l’adaptation des structures à l’accueil des femmes isolés ou avec enfant ainsi qu’aux personnes accompagnées vieillissantes.
  • La distinction dans la tarification des structures entre les coûts de fonctionnement et d’accompagnement social et les coûts liés à l’immobilier. En Ile-de-France, le coût des prestations immobilières est tel que le prix plafond des 34 euros annoncé dans l’instruction du 20/08/2020 n’est pas acceptable. Il est nécessaire de pouvoir obtenir des coûts de fonctionnement qui nous permettent d’accueillir et d’accompagner dignement et que les couts des prestations immobilières soient traités séparément.
  • Dans le cadre de la mise en place du statut unique des centres d’hébergement, l’harmonisation vers le haut pour aligner les moyens et prestations des structures d’hébergement à ceux des CHRS ;
  • Un rééquilibrage territorial des places d’hébergement en Ile-de-France. Les places supprimées dans un département «sur doté» doivent être ouvertes dans un autre département au profit du département qui a perdu les places ;
  • La mise en œuvre du principe de solidarité nationale pour le logement et les places d’hébergement en construisant avec les personnes des projets de mobilité ;

Réunie en Assemblée Générale, les associations et organismes adhérents de la Fédération s’engagent à veiller :

  • à poursuivre la mobilisation pour proposer des projets et ouvrir des structures prévoyant un socle de prestations en vue de la création ou de la transformation des places garantissant des conditions respectueuses de la dignité des personnes et garantissant un accompagnement social aux personnes. Ce socle doit être élaboré avec la participation des personnes accompagnées.
  • à dénoncer les conditions d’accueil et d’accompagnement indignes lors des propositions de mises à l’abri temporaire ;
  • à continuer à associer les personnes accompagnées pour l’amélioration des conditions d’accueil et d’accompagnement dans les structures (veille sociale, centres d’hébergement, logement adapté) pour promouvoir la bientraitance et garantir leur insertion ;
  • à promouvoir l’implication des centres d’hébergement dans la transition écologique (réflexion sur la qualité du bâti, alimentation de qualité, lutte contre le gaspillage) et l’accès au numérique.

L’essentiel :

La Fédération des acteurs de la solidarité Ile-de-France s’engage pour garantir aux personnes hébergées des conditions d’hébergement dignes permettant de respecter leurs droits à un accompagnement social adapté à leurs besoins, à l’alimentation, à l’accès à l’hygiène et aux soins.

Pour ce faire, la Fédération des acteurs de la solidarité Ile-de-France demande à l’Etat et aux collectivités locales de s’engager pour le développement de projets d’hébergement dignes, respectueux des droits des personnes et leur permettant de sortir durablement de la rue. Cet engagement doit notamment passer par un financement suffisant des structures d’hébergement et le développement d’une politique de logement d’abord, à destination de toutes les personnes qui peuvent y accéder.

 

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