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20 octobre 2020

Motion “Logement” adoptée lors de l’Assemblée Générale du 28 septembre 2020

Le logement est un droit fondamental et opposable

Depuis 1982 et la promulgation de la loi Quillot, le logement est considéré comme un droit fondamental. Le loi Besson de 1990 et la loi DALO de 2006 ont par la suite renforcé ce droit jusqu’à le rendre opposable.

Aujourd’hui, les associations franciliennes engagées dans la lutte contre l’exclusion constatent l’écart entre la proclamation du logement comme droit fondamental et la réalité des personnes qu’elles accompagnent dans leur parcours d’insertion. Selon la Fondation Abbé Pierre, la région Ile-de-France comporte 1,2 millions de personnes mal-logées dont 211 000 privées de domicile personnel. Depuis le vote de la loi DALO, 55 000 ménages dont le relogement a été reconnu prioritaire et urgent au titre du DALO n’ont pas été relogés. Ces 7 dernières années, il a manqué environ 47 000 logements sociaux pour atteindre les objectifs de production fixés par le SRHH.

Sortir par le haut de la crise sanitaire

Au sein des dispositifs d’hébergement et de logement temporaire parisiens, 4000 ménages (soit plus de 8 000 personnes) qui répondent aux critères d’entrée dans le logement social sont inscrits dans Syplo et dans l’attente d’un relogement depuis parfois plusieurs années. Dans des proportions différentes, cette situation est représentative des départements franciliens.

Cette embolie des dispositifs d’hébergement et de logement temporaire a des effets délétères pour les personnes accueillies mais aussi pour les professionnels qui les accompagnent. L’allongement des durées de séjour pour cause d’absence de proposition de logement est extrêmement dispendieux et inefficace. Elle contribue à vider l’accompagnement social de sons sens, prive les personnes d’autonomie et empêche la réalisation de leur projet de vie. En amont, ce sont des personnes en situation de rue qui se retrouvent privées d’accès à un hébergement d’urgence ou d’insertion dont ils ont besoin faute de fluidité dans les dispositifs.

La crise sanitaire que nous avons connu en 2020 pose la question de l’accès au logement des personnes hébergées avec encore plus d’acuité. En Ile-de-France, 7 000 places d’hébergement hivernal ont été prolongées et 6 000 autres ont été ouvertes pendant le confinement. Cette mobilisation exceptionnelle de l’Etat et des opérateurs associatifs pour protéger les personnes vulnérables est à saluer. Toutefois, il se pose aujourd’hui la question du relogement de ces publics couplé, si nécessaire, à de l’accompagnement social. Un effort exceptionnel de relogement, pour les personnes dont la situation administrative le permet, est la condition sine qua non pour éviter des remises à la rue à moyen ou long terme et que l’on observe déjà dans certaines situations.

Mettre en œuvre le Logement d’Abord

L’accès au logement ne concerne pas que les personnes hébergées ou en logement temporaire. Le logement de droit commun en bail direct doit être le principe dans l’esprit du Logement d’abord et donc la priorité pour les personnes vivant à la rue. De nombreuses expérimentations menées sur le territoire francilien ces dernières années, comme par exemple l’expérimentation « Accompagnement social global » portée par l’AFFIL en 2014 dans les départements du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne, ont prouvé le caractère non prédictif de la capacité des ménages à habiter. Une approche Logement d’Abord n’intègre pas de critères excluant concernant l’accès au logement (autre que les critères administratifs) et consiste à évaluer et répondre aux besoins d’accompagnement des ménages.

Dans cet objectif, il est nécessaire de renforcer le travail partenarial avec les bailleurs sociaux pour lever les obstacles à l’accès au logement des personnes en situation de rue ou hébergés et de trouver des modalités d’aide et de soutien pour l’accès aux ménages dans le parc privé. Les conventions AVDL et le protocole régional qui les accompagnent sont des outils qui nécessitent d’être davantage mobilisés par les associations et les bailleurs sociaux.

Le Logement d’Abord oblige également à un renforcement des missions et des moyens confiés aux SIAO et à une évolution des pratiques professionnelles concernant l’accompagnement des personnes. Le guide AFFIL (« outil partagé d’évaluation des situations au regard du logement ») est un support dont il est utile de se saisir à cette fin.

Affirmer des priorités politiques

La fédération des acteurs de la solidarité IdF salue la mise en œuvre nécessaire de l’Acte 2 du plan quinquennal pour le Logement d’Abord dont les mesures visent à renforcer l’accès au logement des personnes. Pour autant, nous constatons des sujets qui nécessitent une vigilance particulière ou une priorité renforcée :

  • La production de logement social abordable doit être le socle de toute politique du logement d’abord. La Fédération s’inquiète que le nombre d’agréments de logements locatifs sociaux en Ile-de-France pour l’année 2019 se stabilise à 28 594, très loin de l’objectif annuel de 37 000 fixé par le SRHH (source : bilan SRHH 2019). Les mesures de la loi de finance 2018, dont la réduction de loyer de solidarité, ont impacté les capacités d’investissement des bailleurs sociaux et ne sont certainement pas étrangères à ce constat alarmant concernant la production. Restaurer les capacités d’investissement des bailleurs sociaux et renforcer les aides à la pierre finançant le logement très social (PLAI et PLAI adapté) doit être une priorité.
  • Favoriser l’accès aux logements privés par des mesures incitatives pour les ménages à faibles revenus.
  • Les obligations de la loi Egalité et Citoyenneté de 2017 quant au relogement des ménages prioritaires ou relevant du premier quartile de revenu parmi les demandeurs de logement social sont un excellent levier pour permettre l’accès au logement des publics en difficulté. Pour autant, la mise en œuvre des outils prévus par la loi (en particulier les Conventions Intercommunales d’Attribution, CIA) tarde à venir et les obligations légales sont loin d’être respectées. A l’échelle de l’Ile-de-France, les attributions hors QPV ont concerné pour 12,3% de ménages Q1 au lieu des 25% prévus par la loi. Concernant les ménages prioritaires y compris DALO, ils représentent 30,5% des attribution au lieu des 43,75% prévus par la loi (source : socle de données DRIHL 2019). Il est nécessaire de remobiliser les élus des intercommunalités et les préfets, garants de l’application de la loi, sur cette question.
  • La nécessité de transformer l’offre d’hébergement a été rappelée dans la circulaire LDA du 21 aout 2020. L’humanisation des centres d’hébergement et la transformation de places en collectif en places en diffus est en effet nécessaire, la crise sanitaire et le confinement l’ont rappelé. En revanche, la transformation de places d’hébergement en places de logement accompagné doit interroger. En effet, le maintien d’un parc d’hébergement inconditionnel permettant l’accueil digne et un accompagnement social à la hauteur des besoins des personnes, notamment celles à droit administratif incomplet, reste nécessaire. Il est également nécessaire d’accentuer le développement des capacités d’accueil en logement accompagné. Le Logement d’Abord ne doit pas se faire au détriment d’une partie du public hébergé.
  • Déployer des moyens suffisants pour garantir à chaque ménage hébergé ou logé de bénéficier d’un accompagnement social à court, moyen et long terme ; pluridisciplinaire et adapté aux besoins. Cet accompagnement doit être dissocié de la structure dans laquelle le ménage est logé ou hébergé.
  • Il est nécessaire de revenir sur les diminutions du montant de l’APL qui impactent les capacités d’investissement des bailleurs, via le mécanisme de la réduction de loyer de solidarité, et nuit au pouvoir d’achat des ménages. De plus, nous alertons les pouvoirs publics sur les effets délétères que pourrait avoir la réforme du calcul de l’APL qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2020 et qui risque de nuire à la solvabilité des ménages et de ce fait à leur capacité d’entrer et de se maintenir dans le logement.

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