20 août 2025
27 août 2025
Le 8 août 2025, le ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation a publié une circulaire visant « l’accélération de l’accès au logement des personnes sans domicile et l’amplification de leur accompagnement à la santé et à l’emploi ». Cette circulaire, qui s’inscrit dans les orientations du second plan quinquennal pour le Logement d’abord en mêlant emploi, santé et logement, était très attendue par les différents acteurs de la solidarité depuis l’annonce de son arrivée par la ministre du Logement en février dernier.
Adressée aux préfet.es de région et de département, aux directeurs.trices des Agences régionales de santé (ARS) et aux directions de France Travail, la circulaire s’articule autour de six objectifs.
Le premier est « d’identifier les personnes en long séjour dans l’hébergement et en situation d’accéder au logement et à l’emploi ». La réalisation de cet objectif passe, selon l’instruction, par la bonne complétude du logiciel SI SIAO (système informatique des services intégrés d’Accueil et d’Orientation) et par la labellisation SYPLO qui permet de prioriser des ménages en attente de logement. La mobilisation des partenaires en charge des droits sociaux (CPAM, CAF, centre des impôts, MDPH, etc) est aussi avancée comme un levier favorisant l’accès au logement à parti de l’ouverture des droits. Enfin, la circulaire mentionne des indicateurs à définir au sein des Contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) signés avec les gestionnaires d’hébergement.
Ce premier objectif répond en partie à des travaux déjà lancés par les acteurs associatifs. Citons ici les rapports de la FAS Hauts de France ou de la FAS AURA par exemple et plus récemment les travaux de cinq adhérents de la FAS¹ (Aurore, SSP, SOS solidarités, CASP et Emmaüs Solidarité) qui montrent bien à la fois la présence de personnes en attente d’un logement depuis de nombreuses années dans les centres d’hébergement et les conséquences des blocages administratifs sur l’accès aux droits et au logement des personnes hébergées. Sur ce dernier point, l’absence du ministère de l’Intérieur dans les signataires de la circulaire est dommageable. L’enjeu des indicateurs à intégrer aux CPOM est déjà posé depuis le lancement des « CPOM AHI » mais la FAS rappelle qu’il doit s’agir ici d’un indicateur de moyens et de suivi de l’activité plutôt que de résultats.
L’amplification de l’accès au logement social des ménages sans domicile est le deuxième objectif de la circulaire. Le ministère pose ainsi un objectif de 5% des attributions de logements sociaux pour les ménages hébergés en dehors de l’Ile-de-France et de 7% des attributions pour la région francilienne. Ces objectifs doivent figurer dans les différents documents et instances concernés par les attributions de logement et seront accompagnés d’un suivi des attributions de tous les réservataires de logements sociaux. La FAS salue la volonté de mobiliser les différents contingents pour atteindre cet objectif d’accès au logement des ménages hébergés, dans le respect de la philosophie de la loi Egalite et citoyenneté. Cependant, cette démarche ne peut se faire en installant une forme de concurrence dans l’accès au logement entre les personnes hébergées, les personnes à la rue et les personnes mal logées désignées comme prioritaires.
Le troisième objectif porte sur « la mobilisation du contingent préfectoral en résidences sociales », en lien avec les SIAO. La circulaire fait référence aux récentes discussions menées avec l’UNAFO et l’UNHAJ qui ont abouti à un accord-cadre visant à faciliter les relations entre gestionnaires et SIAO ainsi qu’à la convention tripartite. Le document indique en revanche un objectif d’admission « au moins égal à 20% » des personnes sans abri en pension de famille et résidences accueil. Cette nouveauté interpelle la FAS car cet objectif de 20% risque d’être décorrélé d’une analyse des besoins des personnes et de la situation des territoires. Par ailleurs, l’utilisation de la catégorie « sans abri » et non « sans domicile » tend à prioriser les personnes à la rue au détriment de celles hébergées.
Les enjeux de santé et de vieillissement sont portés par le quatrième objectif. Sa réalisation passe par la mobilisation des ARS, des dispositifs médico-sociaux ou encore des équipes mobiles de santé. Si les liens entre les acteurs de la santé et les SIAO sont encore à améliorer, comme l’a montré notre enquête menée au sein de notre réseau en 2023, la demande formulée dans la circulaire de signaler au SIAO l’entrée des personnes sans domicile aux dispositifs médico-sociaux est une première avancée. Cependant, il est aussi nécessaire d’interroger la capacité d’accueil ou de couverture de ces dispositifs. S’agissant de la prise en compte du vieillissement des personnes sans domicile, la circulaire annonce la mise en place d’un groupe de travail local entre la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS), ARS et Conseil départemental. Ce décloisonnement répond en partie aux recommandations formulées par la FAS dans son plaidoyer vieillissement et précarité. L’association des acteurs de la solidarité et du secteur personnes âgées semble cependant incontournable pour la pleine réussite de cet objectif, au-delà des seuls institutionnels.
Le cinquième objectif vise le renforcement de l’accès à l’emploi. Pour se faire, l’instruction compte sur la mobilisation de France Travail afin de favoriser l’orientation des personnes hébergées vers des métiers en tension et sur l’élargissement de la gouvernance du réseau pour l’emploi aux SIAO.
Le document met aussi en avant les accompagnements conjoints mis en place dans le cadre de la loi plein emploi et le renforcement des orientations vers les SIAE. Un parcours « accès aux métiers en tension et au logement » est annoncé comme en cours de modélisation avec une livraison prévue pour la fin d’année 2025. Ce lien « emploi/logement » est au cœur des travaux de la FAS et de son réseau. S’il est évidemment plus que nécessaire et pertinent, il est utile de rappeler que l’écosystème des acteurs associatifs concernés est extrêmement fragilisé, que ce soit le secteur de l’Insertion par l’activité économique (IAE) qui traverse une crise forte avec une baisse de ses financements et une pression accrue de « sorties positives » ou les associations qui voient leurs financements des Conseils départementaux baisser pour accompagner les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA). Par ailleurs, la circulaire aurait pu mettre en avant ses dispositifs portés par le secteur associatif et qui s’inscrivent déjà dans cette dynamique pluri-partenariales (AMI Offre de repérage et de remobilisation, Coach emploi, Convergence, etc).
Enfin, le sixième et dernier objectif vise à rappeler la poursuite de la réforme du SIAO, engagée par l’instruction du 31 mars 2022, avec notamment la signature des conventions entre SIAO et services de l’Etat et la mobilisation des collectivités territoriales dans la gouvernance des SIAO.
La FAS attire l’attention de ses adhérents sur le fait qu’elle a déjà partagé un certain nombre de réserves quant à cette convention, notamment sur les enjeux de respect du règlement général sur la protection des données.
La Fédération salue cette approche interministérielle indispensable pour faciliter l’accès au logement des plus démunis et à la réussite du Logement d’abord. La mobilisation forte de nombreux acteurs est ambitieuse mais elle répond aussi aux enjeux des autres politiques publiques puisqu’elle vient favoriser l’accès à la santé et à l’emploi des personnes précaires.
La FAS espère que l’Etat local aura les moyens de cette ambition et que les partenaires répondront présents. Quelques points doivent encore être éclaircis, notamment celui portant sur les pensions de famille et le résidences accueil. Enfin, l’absence de facilitation dans la régularisation de personnes hébergées est à noter, tant ce frein est important pour les parcours d’insertion des personnes et donc la fluidité positive de l’hébergement.
1- Article parut dans le journal Le Monde le 13.08.2025 Hébergement d’urgence : un rapport de cinq associations dénonce « une voie sans issue pour les étrangers »