[Tribune] "Le RSA doit être ouvert aux jeunes de moins de 25  ans"

Le Journal du Dimanche, le 10 avril 2020

Treize personnalités plaident pour l’ouverture du RSA aux jeunes dès l’âge de 18 ans. “Aujourd’hui, en France, un jeune sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté”, rappellent-ils. La crise sanitaire du coronavirus a aggravé certaines situations de précarité.

“Le Premier ministre a annoncé des mesures exceptionnelles pour 800 000 jeunes étudiants ou précaires touchés de plein fouet par la crise sociale et économique liée à l’épidémie de Covid-19. Si ces aides représentent un premier pas nécessaire au regard de la situation dramatique que vivent de nombreux jeunes de moins de 25 ans, il laisse sur le bord de la route toute une partie de cette jeunesse la plus touchée par la pauvreté : les jeunes à la rue, ceux résidant dans des squats ou hébergés chez des tiers, dans un centre d’hébergement d’urgence, à l’hôtel ou encore dans leurs familles aux revenus modestes.

Vivant d’ordinaire avec peu de ressources, souvent issues de l’économie de la « débrouille » qui est aujourd’hui à l’arrêt, de nombreux jeunes se retrouvent aujourd’hui dans l’impasse. Avant la crise, ils enchaînaient des petits boulots, des missions d’intérim (chute de 75 % depuis la crise), d’autres percevaient de menus revenus à travers les plateformes numériques ( chauffeurs, livreurs,…). Les plus précaires d’entre eux tenaient leurs ressources de la mendicité ou de l’économie informelle.

Quand l’économie s’arrête, ces jeunes ne disposent d’aucune bouée de sauvetage. Avant l’âge de 25 ans, ils ne sont pas éligibles aux aides sociales.

En réalité, cette crise met en lumière un scandale qui n’a rien de conjoncturel. Aujourd’hui, en France, un jeune sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté. Un nombre important de sans abris a moins de 25 ans notamment des jeunes sortant de la protection de l’enfance.

La situation des jeunes en précarité reste un impensé de notre système de solidarité intergénérationnelle et donc un angle mort de nos politiques publiques. Les barrières d’âge de notre système de protection sociale, déjà incompréhensibles en temps normal, apparaissent encore plus insupportables aujourd’hui.En effet, le revenu de solidarité active (RSA) est actuellement fermé aux moins de 25 ans, sauf être à charge de famille. Cette exclusion des jeunes des mécanismes de protection de droit commun est souvent « justifiée » au nom du fait que la solidarité familiale est censée leur assurer une protection suffisante. Or, dans un contexte où la pauvreté monétaire frappe particulièrement les jeunes, cette vision est hypocrite car les plus modestes sont justement ceux qui ont le moins accès aux solidarités familiales. Et au final nombre d’entre eux n’ont tout simplement aucune ressource.

Il y a donc urgence à agir. La récession économique que se profile va affecter directement et durablement les jeunes, notamment les moins qualifiés d’entre eux. Entre 2008 et 2010, à la suite de la crise économique, le nombre de jeunes recherchant un emploi avait connu une hausse de 72 % en deux ans ! Or les jeunes qui restent à la porte du monde du travail et qui ne peuvent faire appel à la solidarité familiale, sont fortement menacés de basculer dans l’exclusion sociale et la précarité.

Sauf à se résoudre à l’idée de sacrifier toute une génération, le plan de relance du gouvernement devra ouvrir dès 18 ans l’accès des jeunes au RSA et développer un véritable service public de l’insertion des jeunes, incluant une obligation pour les pouvoirs publics de garantir leur parcours de formation et d’insertion professionnelle.

Notre pays a besoin de l’énergie, de la créativité des moins de 25 ans. Il a aussi le devoir de les protéger.”

Signataires :

Christophe Devys, collectif Alerte
Antoine Dulin, Conseil d’orientation des politiques de jeunesse
Veronique Fayet, Secours catholique
Orlane François, FAGE
Florent Gueguen, Fédération des acteurs de la solidarité
Claire Hédon, ATD Quart Monde
Melanie Luce, UNEF
Fiona Lazaar, Conseil national de lutte contre l’exclusion (CNLE)
Christophe Robert, Fondation Abbé Pierre
Aurélien Taché, Conseil national de l’habitat